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La Nouvelle-Orléans, une autre Amérique
Fleuve profond, sombre rivière
Publié dans El Watan le 22 - 09 - 2005

Il y a loin de la coupe aux lèvres. Les buveurs d'images ont pu comme moi s'abreuver au fleuve noir qui a déboulé à la télévision sur le sud des Etats-Unis dévasté par l'ouragan Katrina.
Beaucoup de noir et de pauvreté dans un pays que tout le monde croyait riche et que l'on n'imaginait pas entièrement blanc. De la misère crasseuse à faire prendre à la gorge la plus arrogante des puissances d'aujourd'hui. Alors, c'était ça l'Amérique, des Noirs naufragés sur les toits de leur maison, le drapeau de l'Union Jack déployé comme pour confirmer leur bonne nationalité à d'éventuels sauveteurs. Help ! Ne pas se tromper ! Noirs mais Américains ! Help ! Vision et cri saisissants à faire pâlir le 13e amendement à la Constitution des Etats-Unis, arraché de haute lutte en 1865, après la guerre de Sécession, après l'assassinat du président Lincoln. Ainsi donc, les lois ne règlent rien, et quand elles sont rappelées à l'ordre de la réalité, les gouvernements s'affolent et improvisent. Quelques boîtes de conserves placées au fond d'un carton par la main noire d'une ministre en service commandé tandis que la main sur le cœur, la famille Bush, pâle d'émotion, entonne l'hymne national devant la blanche maison fédérale. Cette fois-ci, Laura a été impeccable, elle avait toute sa tête, elle a trouvé tout de suite le chemin de son cœur. Pas comme hier, où elle continuait à bafouiller sa solidarité avec les victimes de l'ouragan Co... Coralina. Affolement ! Help ! Image contre image. La vérité, la main droite sur le cœur à gauche toute, le Noir reste un noir sous-homme dans la meilleure des démocraties. C'est ce que la nature veut et l'histoire aussi. En 1444, le Portugal découvre une route maritime qui débouche sur un filon en or, le sang noir et juteux des Africains, à peine une vingtaine d'esclaves au départ et à l'arrivée une centaine. Cent millions d'esclaves, sans compter les pertes au moment de la capture, pendant le voyage, durant la période de dressage. Cent millions d'hommes, de femmes et d'enfants réduits en esclavage pour planter et cueillir blanc coton, récurer à main nue et noire un pays que le vent ne devait pas emporter. Gratis. En prime, vexations et coups de fouet, coupure de jarret pour empêcher la fuite, le Fugitive slave act en 1850 pour traquer le fugitif comme une bête, une tête de criminel mise à prix. Les Blancs ont fait ça. Un homme légalement mis à la merci de ce monstre d'insensibilité, de folie et de cupidité qu'est parfois un autre homme. Ils l'ont fait. Pas réfléchi. Ils l'ont fait et c'est tout, et c'était même pas difficile de le faire. Par contre, être un esclave c'est dur, ça vous détruit un homme, c'est Frantz Fanon qui le dit, et il sait de quoi il parle. Vous êtes rien et même moins que rien, et pourtant ce moins que rien a su faire jaillir du plus profond de sa nuit des poèmes qui honorent l'homme. Dans Les Negro spirituals, on peut l'entendre et le voir chanter cet Africain qui n'a pas d'autre choix que de survivre dans un monde nouveau pour tout le monde, surtout pour lui. Au début, quand il a un maître gentil (ça arrive) et intelligent (ça arrive plus souvent), l'esclave est autorisé à aller faire la bamboula le samedi soir en tapant sur des bouts de bambou. Comme un fou. Toute la nuit. Et puis, grâce à Dieu, la vie reprend, et grâce à la vie, la mort lente qui me fait espérer la vraie mort dans un lieu où enfin je trouverai le repos entre les bras de Jésus, le seul homme blanc que j'aime parce qu'il a été comme moi martyrisé, comme moi sacrifié. Des agneaux, tous les deux. Doux et dociles. J'apprends un peu d'anglais et j'écoute les pasteurs qui sont de la même couleur que moi. J'aime leurs histoires, et j'y crois. Mon âme noire endolorie plonge toute nue, entière, dans le grand livre blanc qui me dit que je ne souffre pas pour rien, et que je serai récompensé bientôt, là-haut. J'en ressors, encore plus nu, lavé de toute colère, la révolte coupée comme le jarret du fugitif. Pensez à ce que c'est. Des siècles d'ignorance et d'inexistence. Pensez à ce que c'est, si vous pouvez y arriver, juste y arriver. L'histoire se met en quatre pour vous, à ce moment-là. Des dates. Des faits. Une guerre de sécession, l'assassinat de Lincoln, le treizième amendement à la Constitution des Etats-Unis. L'Amérique tourne la page officielle de la chronique honteuse et immémoriale de l'esclavage. Il suffisait de peu pour y croire. S'il y avait eu moins de crachats - moindre mal -, moins de lynch en principe interdit, moins d'exécutions légales dans les prisons du Sud. T'es innocent, toi ? Un Noir ? Un descendant du coupable Cham ? C'est ce que tu crois. Dans tes rêves. T'as beau être prof, avocat, médecin, tu restes Noir dans l'Amérique blanche. Alors ? Pas d'autre choix pour les descendants d'esclaves et de Cham que de hurler et d'écrire, parce qu'ils sont allés à l'école et même à l'université. Ils affirment qu'ils sont nègres et fiers de l'être dans la littérature négro-africaine qui couvre l'immense territoire de la déréliction, du sud des Etats-Unis, des Antilles anglaises et françaises, Cuba, Haïti, les Guyanes, le Brésil. Partout des voix noires et vigoureuses qui récoltent les raisins d'une juste colère en gestation pendant trop longtemps. Du Bois, Cullen, Brown, Roumains, Damas, Césaire, Senghor et j'en passe. Le meilleur de la négritude et de la revendication absente des Negro Spirituals. A les lire mon frère, tu en trembles d'émotion. Toute cette belle plume noire qui plonge dans l'encrier de couleur pathétique et remue la lie antipathique de l'esclavage dans laquelle les Etats désunis d'Amérique sont encore embourbés. Le Sud, c'est si loin. Si loin qu'ils l'ont fait et c'était même pas difficile. Ils les ont laissés des jours et des jours abandonnés sur les toits et trottoirs. Survivants quand ils n'étaient pas morts. Sans rien. Rien d'autre que le drapeau américain. Help ! Des démons sortis de la mauvaise conscience d'une humanité blanche naufragée au plus profond du fleuve noir, la sombre rivière en crue. La guerre de Sécession, l'assassinat de Lincoln, le treizième amendement. C'est bien. Peuvent mieux faire. Assassiner Martin Luther King qui pensait et disait qu'il n'y a pas de liberté sans égalité. Quand la table est servie, qui peut s'asseoir et payer l'addition ? Qui portera la coupe à ses lèvres ? Trop loin. Trop cher. Entre les lèvres et la coupe, l'exacte distance qui sépare la loi de la réalité, les mentalités du treizième amendement.

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