« C'est un homme de bien qui ne peut apporter que du bien. » C'est ce que pense du Président Abdelaziz Bouteflika la vieille marchande de bijoux en or assise à même le sol dans une rue étroite de Rahbat Essouf, du séculaire quartier de Constantine. Melaya noire. Tatouages évanescents. Regards sévères. Pourtant, la question ne concernait pas la personne du chef de l'Etat, mais son « projet de charte pour la paix et la réconciliation nationale » proposé à référendum le 29 septembre 2005. Marché. Ruelles bondées. Voûtes basses. Enfants qui remontent de l'école dans un vacarme que rien ne calme. Cascades d'allées encombrées. Blocs parallèles et compacts de maisons dont les toits semblent se toucher tellement la rue est étroite. Une Constantine officieuse où pas une affiche sur le référendum n'est visible. Marchands de pizzas pimentées, de chaussures, d'ustensiles en cuivre, d'épices, de vêtements, de pains, de cacahuètes, etc. Et des dizaines de bouchers. Femmes coquettement voilées qui marchandent. Jeunes en tenues sport qui draguent. « Vote ? Je suis pas au courant », dit l'un d'eux avant d'être corrigé par un enseignant habitant le quartier : « Mais si, al istifta, le référendum du 29 septembre. » Va-t-il voter ? « Bien sûr, nous voulons le bien de ce pays et je voterai oui pour vous dire », lance l'enseignant, la quarantaine. Une ménagère passe, les bras lourds de courses. « Réconciliation ? J'habite dans une maison à Souika qui menace de s'effondrer sur la tête de mes enfants et tu me parles de moussalaha ! » Impasse. Porte en fer rouillée bloquant le regard au fond. Deux jeunes en pantalon court et tee-shirt, branchés, assis sur des cartons, partagent un café plus serré que la distance entre deux murs du quartier. « Wallah, nous, le chômage, nous étrangle. Si tu n'as pas d'étal pour vendre des pizzas ou des sous-vêtements, la faim te bouffe », disent-ils. « Que l'Etat se réconcilie avec nous d'abord. Si on avait su, peut-être aurions-nous pris les armes pour profiter de la réconciliation. On leur donne quoi au juste à ceux qui descendent ? », lâche l'un des jeunes. « Des registres de commerce », ironise son ami qui dit avoir quitté l'école « trop tôt ». « Il n'y a pas mieux que de se pardonner », dit un vendeur de cravates et de chaussettes dont les articles se mélangent sur un minuscule étal. « Les gens ont déjà pardonné, ils n'ont pas attendu le gouvernement pour pardonner et continuer à vivre », dit un client pressé, avant de repartir. Une jeune fille, en hidjab rose et blanc, assure qu'elle ne sait pas de quoi nous discutons. Son père, apparemment, demande notre identité. « J'ai vu le Président parler à la télévision. C'est un homme sage qui ne peut que décider sagement », dit-il après quelques hésitations. Dehors, dans la ville visible, affiches et portraits du Président interpellent le regard. Constantine, officielle et officieuse, chacune à sa manière, attend pour voir.