Le corps, le désir, le sexe et le fantasme sont présents d'une manière ou d'une autre dans la littérature. Littérature de l'intime, graphie du corps». Thématique vaste mais assez peu abordée dans les débats littéraires en Algérie. Lundi, au 18e Salon international du livre d'Alger (SILA), au Palais des expositions des Pins maritimes, Noureddine Saâdi et Malika Mokeddem ont débattu de cette question. Rachid Moncef, qui a modéré le débat, a rappelé que Rachid Boudjedra a fait «entrer» le corps dans la littérature algérienne d'une manière fracassante dans les années 1970. Youcef Sebti, pour la poésie, en avait fait de même. «Quand j'écris, j'ai l'impression d'habiter un autre corps. L'écriture malmène le corps. L'écrivain ressent de fortes sensations, mais le corps ne bouge pas, reste immobile pendant le temps d'écriture. Il faut sortir de temps à autre, faire de l'exercice pour récupérer son corps», a déclaré Malika Mokeddem. L'auteure de Mes hommes a estimé qu'écrire est un acte intime. «On traîne le micro portable dans le lit pour écrire, dans l'intimité totale. On est avec les personnages. Se lancer à corps perdu dans l'écriture signifie que l'on jette beaucoup de tabous», a-t-elle affirmé, revendiquant le «je» dans son écriture. Elle a cité l'exemple de son roman Mes hommes, où elle a décrit ses rapports avec l'autre sexe. «J'ai étudié dans un lycée où il y avait peu de filles. J'étais donc souvent dans un milieu masculin face à eux ou contre eux dans l'affrontement. Le premier homme que j'ai affronté était mon père. Dans ce roman, j'ai exploré toutes les facettes de ma relation aux hommes», a-t-elle confié. L'auteure, de Je dois tout à ton oubli, craint de tomber dans la légèreté, dans l'écriture sur l'intime. «Le défi est d'éviter le roman à l'eau de rose sans avoir peur des tabous.» Pour Nourredine Saâdi, écrire est toujours une façon de se mettre à nu. «Que ce soit dans l'écriture dite d'autofiction où l'auteur croit qu'il raconte sa vie, alors qu'il s'agit que d'écriture, ou dans la fiction élaborée avec une narration et des personnages. Dès lors que l'on écrit, on livre aux autres quelque chose qui relève du domaine de l'intimité. Un livre est toujours révélateur de ce qui est un écrivain», a expliqué l'auteur de La nuit des origines. D'après lui, le corps est fantasmé dans la littérature. «Le premier corps qui est en jeu est celui de l'écrivain. Et dans ce rapport et dans cette émotion entre le corps et ce que l'on écrit, il y a quelque chose qui se noue, je crois que c'est la littérature», a-t-il indiqué. Il a souligné que la représentation du corps dans les littératures diffère d'une société à un autre. «Dans la culture occidentale, on pense qu'il existe une séparation entre le corps et l'âme. Cela vient de la philosophie grecque. L'image du corps a pris de l'ampleur depuis Nietzsche. Il y a une façon de représenter son corps comme si ce corps était l'objet essentiel de son identité», a analysé Noureddine Saâdi. Pour Rachida Moncef, le corps n'a jamais été un enjeu dans les littératures européennes. Avis non partagé par Noureddine Saâdi. «Le XIXe siècle français a été marqué par ce rapport de l'éciture au corps et aux censures», a-t-il précisé, citant l'exemple du procès fait à Gustave Flaubert autour du roman Madame Bovary (paru en 1857). Il a rappelé que l'Eglise chrétienne a tout fait pour interdire à la littérature d'exposer les corps…