Le juge chargé de l'affaire par la justice italienne, Fabio De Pasquale, est arrivé hier à Beyrouth afin de poursuivre son enquête en collaboration avec les autorités libanaises. Beyrouth (Liban) De notre correspondant L'affaire Sonatrach 2 n'a pas fini de s'internationaliser. En effet, l'Italie n'est plus le seul pays impliqué dans les pots-de-vin qui auraient été versés à l'ancien ministre de l'Energie, Chakib Khelil, par l'entreprise Saipem pour l'octroi de sept marchés sur le territoire algérien. En effet, le Liban est désormais en passe de devenir un élément-clé dans cette affaire de corruption à large échelle et de blanchiment d'argent. Farid Bedjaoui, un proche de Chakib Khelil, aurait perçu de l'argent via sa société d'audit et de conseil basée à Dubaï, qu'il aurait placé sur plusieurs comptes en Asie et au Moyen-Orient, notamment dans les banques de Beyrouth, «réputées pour leur discrétion et leur efficacité dans le milieu bancaire international» comme l'affirme un juriste libanais qui a pour habitude de travailler avec la commission libanaise de lutte contre le blanchiment d'argent dans le pays. Cette dernière, en accord avec la direction centrale de la Banque du Liban, a décidé, la semaine dernière, de geler les avoirs de l'homme d'affaires algérien. Une source proche du dossier affirme que la somme concernée s'élève à «une vingtaine de millions de dollars» sans pour autant avancer un chiffre précis. Le juge chargé de l'affaire par la justice italienne, Fabio De Pasquale, est arrivé hier à Beyrouth afin de poursuivre son enquête, en collaboration avec les autorités libanaises. Seulement, l'institution financière libanaise ne peut répondre à une telle demande sans un ordre de la justice libanaise, comme l'explique Sami Sfeir, chargé de communication de la Banque du Liban : «Une fois les comptes gelés en accord avec la commission spéciale d'investigation sur les cas de blanchiment, la question n'est plus du ressort de la Banque du Liban, du moins pour l'instant. En effet, ce sont aux forces de sécurité intérieure de mener leur enquête puis d'en référer au procureur de l'Etat chargé des finances.» La procédure est donc désormais du ressort de la justice libanaise, qui semble cependant prête à coopérer avec le juge De Pasquale au vu du déplacement qu'il réalise actuellement au Liban. Pour autant, la source proche du dossier affirme que «De Pasquale viendra évidemment pour les deux affaires même si l'histoire du sénateur est la plus médiatisée». Mais le travail du juge italien concernant Farid Bedjaoui pourrait s'avérer plus complexe que prévu pour plusieurs raisons. Difficultés En effet, l'avocat de Farid Bedjaoui, Mohammed Matar, a fait état d'une plainte déposée par son client à l'encontre du juge De Pasquale pour acharnement. «Des pratiques hasardeuses, des violations et des inconsistances», déclare M. Matar. Dès lors, Fabio De Pasquale devient une partie de l'enquête et, avant d'accéder à ses demandes de renseignement sur les comptes bancaires de l'Algérien, la justice libanaise devra se pencher sur la recevabilité de la plainte formulée par Farid Bedjaoui. Quoi qu'il en soit, la justice libanaise, après moults tractations, a fini par donner son accord de principe pour lever le secret bancaire sur les comptes de Farid Bedjaoui au Liban. Le juriste libanais note d'ailleurs que «c'est un dilemme cornélien pour le Liban qui a dû choisir entre sa réputation auprès des gros capitaux du Golfe, qui apprécient le pays pour sa discrétion et sa légitimité en matière de droit international». La tâche du juge De Pasquale sera donc très probablement ralentie par cette plainte aux allures de dernier espoir pour Bedjaoui. Notre source proche du dossier indique, par ailleurs, que «la justice algérienne ne s'est pas, pour le moment, manifestée sur ce dossier, nous n'avons reçu que la demande de la justice italienne».