Chuck Hagel, le secrétaire d'Etat américain à la Défense, qui était hier à Singapour pour participer au forum sur la sécurité en Asie-Pacifique, n'a pas mâché ses mots. Prenant le risque de jeter de l'huile sur les tensions régionales, il a apporté un soutien franc et direct au Japon qui a « l'intention de jouer un rôle accru et plus actif que celui qu'il joue à l'heure actuelle » pour rendre la paix en Asie et dans le monde plus certaine et accusé, sans ménagement, la Chine d'entreprendre « des actions unilatérales, déstabilisatrices » en mer de Chine orientale avec ses « revendications territoriales ». « Les principes fondamentaux de l'ordre mondial ne peuvent être remis en cause », dit-il. Et de préciser : « Les Etats-Unis, qui se sont engagés à renforcer leur position militaire dans la région, ne resteraient pas passifs si l'ordre international est menacé ». Cette sortie « musclée » n'est pas la première. Jeudi dernier, les Etats-Unis ont mis en garde la Chine contre les tensions dans l'espace aérien international après que des avions de chasse chinois eurent frôlé des appareils militaires japonais au-dessus de la mer de Chine orientale. « Toute tentative d'interférer avec la liberté de survol dans l'espace aérien international fait monter les tensions et accroît le risque d'erreur de jugement, de confrontation et d'incident involontaire », indique le département d'Etat. Cette sortie va-t-elle exacerber les relations déjà exécrables entre les deux puissances économiques asiatiques ? Depuis un an et demi, les deux pays se disputent les îlots des Senkaku. Administrés par le Japon, ils sont revendiqués par la Chine sous le nom de Diaoyu. Washington, qui ne s'est pas prononcé sur le bien-fondé des revendications chinoises, s'oppose, selon le patron du Pentagone, « fermement au recours, par toute nation, à l'intimidation, à la contrainte ou à la menace ». Ce qui n'est pas le cas de Tokyo. Vendredi dernier, Shinzo Abe, le Premier ministre japonais, a assuré les pays d'Asie du Sud-Est (Vietnam, Philippines, Taïwan, Malaisie et le sultanat de Brunei) sur le « soutien absolu » de son pays dans leurs efforts pour défendre leurs espaces aériens et maritimes. Autrement dit, les Japonais vont réviser leur Constitution. Adoptée après la fin de la Seconde guerre mondiale, celle-ci interdit, notamment, l'envoi de troupes à l'étranger. Une « intention » que les Américains, qui prévoient de masser 60% de leurs forces dans la région d'ici à 2020, saluent. « Nous soutenons les efforts du Japon pour réorienter sa politique de défense en œuvrant activement à la construction d'un ordre régional pacifique et fort », déclare Hagel qui approuve, par ailleurs, la volonté affichée du gouvernement indien d'augmenter ses capacités de défense et de jouer un rôle plus actif dans les institutions régionales.