Résumé de la 3e partie Saoudi, qui a enfin pu se débrouiller un tournevis, propose à Saddek de le suivre dans sa fuite. Devant la réticence de son ami, il décide d?y aller seul et démonte la fenêtre. Abasourdis, ses compagnons se lèvent à leur tour et s?approchent prudemment de l?ouverture. Seuls restent les malades, indifférents, grelottant sous leurs couvertures, étouffant la toux qui brûle leur poitrine. Debout contre la lumière des étoiles, Saoudi est comme grandi et son corps amaigri semble robuste, comme si une force nouvelle était entrée en lui. Maintenant, la première surprise passée, les prisonniers l?entourent, parlant doucement, chuchotant des exclamations épatées. Les plus prudents restent à l?arrière et écoutent. ? Voilà, dit Saoudi comme pour lui-même, je vais m?évader ! Effrayé par son ami, Saddek s?approche de lui et essaye de le raisonner. ? Mais tu es fou ! et les sentinelles ? et les barbelés ? Tu cherches ta mort ? ? Par Dieu, tu resteras collé au grillage, dit un autre. Saoudi lève les bras, imposant silence à ses compagnons, craignant d?éveiller l?attention des gardiens. Il leur explique son plan, et petit à petit, un vent de liberté souffle dans le dortoir. Tous veulent partir avec lui. ? Moi, j?ai décidé de partir et chacun de vous est libre d?en faire autant, du moins ceux qui en ont encore la force, car ce n?est pas facile, ajoute-t-il avec un hochement de tête? Mais il ne suffit pas de sortir d?ici, il faudra parcourir des centaines de kilomètres dans le froid et la faim avant d?arriver en territoire français libre avec les Allemands à nos trousses? Mais si l?un de vous est décidé, voilà? Et il montre le trou béant sur la nuit. Un long silence suit ses paroles? Tous se regardent, se jaugent. Qui osera ? Puis un homme s?avance. C?est Messaoud, un ancien pêcheur bônois. Sans un mot, il plie son manteau en deux, le pose sur son épaule et se hisse doucement sur le rebord. Il reste un moment les jambes repliées, écoutant, puis disparaît dans la nuit. Pas un bruit, tous retiennent leur souffle, oppressés, le c?ur battant. Saoudi, qui s?était assis sur la paillasse la plus proche, baisse la tête, comme perdu dans ses pensées. Son visage aux traits fins se dessine dans un rayon de lune. Les autres le fixent intensément écoutant de toutes leurs oreilles, attendant la rafale. Instinctivement, au fond d'eux-mêmes, ils le tiennent pour responsable de ce qui va se passer dehors? Mais rien ne se passe. Au bout d?un moment, on entend un léger crissement au-dehors, puis les mains de Messaoud agrippent le rebord de la fenêtre. Il revient. Il n?a pas pu continuer. C?est donc impossible. Il se glisse sans bruit à l?intérieur. On entend son souffle court, comme s?il avait couru. Il dit simplement : ? Mes frères, que Dieu protège celui qui veut s?enfuir, moi, je vais me coucher? Lentement, comme avec regret, les autres le suivent un à un. Deux ou trois restent, tentés malgré le danger. Alors Saoudi se lève et Saddek lui chuchote : ? Sergent, puisque tu ne veux pas changer d?avis, je viendrai avec toi. Va, mais attends-moi, surtout ne pars pas sans moi ! Je te jure que je te suivrai, s?il ne t?arrive rien ! ? Saha, mais ne me fais pas attendre trop longtemps, et surtout sois prudent ! ? Que Dieu te protège, chuchotent les autres du fond du dortoir. ? Au nom d?Allah le Miséricordieux ! l?entendent-ils murmurer, puis il enjambe le mur. Il retombe doucement sur l?herbe dure et se couche à plat-ventre, sans un bruit. Autour de lui, tout est silencieux. Ses yeux clairs fixent intensément la nuit du côté des barbelés, dont il distingue la masse sombre contre le ciel étoilé. Il reste encore un moment immobile, le corps plaqué au sol, les mains crispées. Derrière lui, le dortoir semble dormir, et il devine que ses compagnons retiennent leur souffle. Alors, tous les sens en éveil, il commence à ramper lentement vers les fils, s?arrêtant pour écouter la nuit, le c?ur battant si fort qu?il a peur qu?on l?entende. Le sang bourdonne dans ses oreilles. Son manteau le gêne et il doit, à chaque fois, le remettre en place. (à suivre?)
