Au Nigeria, il ne se passe pas une fête ou un mariage sans que les convives se mettent à coller des billets de banque sur le front moite d'une danseuse ou de la mariée. Les billets volent, certains en jettent à pleine poignée. Pourtant, et bien que le pays soit régulièrement classé parmi les plus corrompus du monde, les autorités veulent que les citoyens ordinaires respectent la monnaie nationale sous peine de 50 000 nairas d'amende (269 euros) ou de six mois de prison ferme, voire les deux. Pendant ce temps, les scandales de détournements de millions de dollars impliquant de hautes personnalités se succèdent à une cadence folle. Internautes, éditorialistes et habitués du «courrier des lecteurs» des journaux sont partagés entre fou rire et stupeur depuis que le gouverneur de la Banque centrale (CBN) a lancé une campagne de moralisation de la devise avec quelques commandements : «Ne rangez pas le naira dans des endroits indécents», «Ne chiffonnez pas et ne tachez pas le naira», «Ne défigurez pas le naira», et surtout, sacrilège suprême, «N'aspergez pas de naira !», «Si vous voulez faire un cadeau en liquide, faites-le correctement dans une enveloppe. Il est vrai que la plupart des milliards de billets de banque au Nigeria sont un concentré de crasse et de microbes, mais de là à menacer des foudres de la loi les indélicats, cela fait rire pratiquement tout le monde.