«La Réforme de l'Etat est l'un des plus grands, sinon le plus grand chantier national que je me suis engagé, devant le peuple, à réaliser. L'installation solennelle du Comité de réforme des structures et des missions de l'Etat à laquelle je procède aujourd'hui constitue, à cet égard, une étape décisive dans la reconstruction de l'Etat qui conditionne la réalisation effective de tous les autres chantiers déjà entrepris ou envisagés. La signification d'un tel événement doit donc être perçue dans toutes ses dimensions et implications pour bien mesurer sa portée et apprécier ce qu'il peut représenter dans la mise en œuvre de la politique de renouveau national dont il est porteur». C'est là un extrait du discours du président de la République du 25 novembre 2000. Plus d'une dizaine d'années après et malgré l'intention claire du président de la République de réformer l'Etat, l'opération avance très doucement. Certes, des avancées dans certains secteurs sont perceptibles mais le gros du chantier reste à réaliser. Il faut rappeler qu'un comité pour la réforme de l'Etat, présidé par Missoum Sbih, a été installé en 2000. Il a remis un volumineux rapport avec une série de projets de loi. Le rapport n'a pas été rendu public et n'a été pris en compte que partiellement. Or, ce document aurait pu servir de base pour renforcer les fondements de l'Etat des citoyens et réduire les dégâts de l'archaïsme bureaucratique. Cela n'a pas été fait à l'époque. Aujourd'hui encore, l'Algérie se «meurt» petit à petit à cause de la bureaucratie. Et les pouvoirs publics le savent. D'ailleurs, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, qui s'est engagé à combattre ce fléau, a reconnu que ce système bureaucratique «favorise tracas et corruption». Actuellement, et qu'elles relèvent du domaine personnel ou professionnel, les démarches administratives sont contraignantes pour un grand nombre d'Algériens. Demander des documents officiels, tel qu'un acte de naissance, relève de l'exploit. Tenter d'avoir un registre de commerce ou de régulariser sa situation vis-à-vis des impôts, c'est un autre combat qu'il faut mener et il n'est pas des plus simples ! Des chefs d'entreprise ont reconnu dans une étude menée dans le cadre du recensement économique, que la bureaucratie est l'une des plus grandes difficultés dans la création d'entreprise. Elle ferait même fuir les investisseurs étrangers qui ne souhaitent pas affronter l'administration algérienne. Face à cette situation, le gouvernement a annoncé, il y a moins d'une année, qu'il faisait une priorité de l'examen des dossiers relatifs à l'organisation de l'administration, de la lutte contre la bureaucratie et de l'amélioration des conditions de vie du citoyen. Où en est-on actuellement de l'accroissement de l'efficacité de l'administration publique tout en diminuant ses coûts de fonctionnement ? Malheureusement, il faut dire que l'on est loin et même très loin. La puissance de la bureaucratie, l'inefficacité des institutions et l'administration qui fonctionne à vide est une réalité en Algérie. Aujourd'hui encore et dans de nombreuses administrations, il n'y a aucune informatisation, tout se traite manuellement avec un personnel limité. Ce qui ouvre grand les portes aux passe- droits contre rémunération. Ce fonds de commerce ainsi créé refusera de s'accommoder de la transparence - si elle venait à être imposée- d'une informatisation du système. Le problème de la bureaucratie en Algérie n'est plus seulement un problème de mentalité mais de fonds de commerce. Liée étroitement à la corruption, la bureaucratie en Algérie a tissé sa toile. Les exemples de cette connexion bureaucratie-corruption, sont légion. Prenons l'exemple des habitations construites illicitement et que les autorités ont dû régulariser par la suite sous la pression de la rue. Des terres agricoles vendues et détournées de leur destination première avec la complicité d'agents administratifs ou encore les prêts bancaires octroyés loin du respect de la loi. Les scandales qui éclatent chaque jour depuis plus d'une décennie ont souvent démontré que la lenteur de l'administration, la disparition d'un document non informatisé lors d'un transfert d'une institution à une autre ou encore les ordres oraux donnés «d'en haut» sont à l'origine des plus grandes affaires de corruption. Treize ans après sa décision de réformer l'Etat algérien, le président de la République a dû, une nouvelle fois, annoncer d'importantes mesures pour insuffler un nouvel élan à la dynamisation de l'appareil de l'Etat. «D'importantes mesures seront prochainement prises, qui insuffleront un nouvel élan à la gestion de nos programmes et à la dynamisation de l'appareil de l'Etat», avait dit le premier magistrat du pays lors de son discours à la nation en 2011. Elles viendront «conforter la lutte contre la bureaucratie et les dysfonctionnements enregistrés au sein de notre administration et faire face à toute atteinte aux deniers publics». La deuxième promesse du président Bouteflika de lutter contre les dysfonctionnements de l'administration révèle, à ne pas en douter, l'existence d'un puissant lobby, un «pouvoir rival». Qui freine l'application des réformes ? Qui va gagner cette bataille ? Le président table sur «une réforme par les textes». Sera-t-elle suffisante pour couper les tentacules d'un mal qui ronge le pays depuis très longtemps ? La lutte contre la bureaucratie source de la corruption renvoi inéluctablement à la question de l'Etat de droit, à la transparence dans les décisions, à la bonne gouvernance et à la démocratie. Seul un pouvoir juste et de justice pourra remédier aux grandes fractures sociales et politiques et redonner confiance à la population. Des actions concrètes de lutte contre la corruption, le favoritisme, le régionalisme, le clientélisme permettront de renouer avec la croissance durable et d'atténuer les tensions sociales. H. Y.