Il y a eu ces ann�es sombres et sanglantes. Le th��tre quotidien ne proposait que des sc�nes de violence. La rumeur n�gative rampait. Comme mis dans un laboratoire, notre pays �tait promu au destin des �bullitions des �prouvettes. Mais beaucoup de tubes � essais ont rompu. Il a plu � Dieu de r�duire la malveillance et la malfaisance � quelques flaques promises � �vaporation. Dans la frilosit� de perdre les privil�ges �l�mentaires d�une vie calme et rang�e dans ce pays de Cocagne o� le soleil arrogant se refusant � toute confiscation, les Alg�riens, bon p�re bon enfant, ont vite fait de se chercher une voie de salut. La queue ph�nom�nale qui s�allongeait au seuil des consulats �trangers pour un visa humiliant, les relations d�outre-mer sollicit�es, les amiti�s r�activ�es ont conduit une pl�thore des partisans d��apr�s on verra� vers des cieux moins agressifs. La gal�re a �t� la r�gle pour la plupart m�me si quelques m�as-tu vu qui se targuaient d��tre des militants y ont �chapp� par la gr�ce des comptes bancaires joufflus au pays de l�emmenthal ou celui des plus de trois cent cinquante fromages. Ce monde qui a choisi l�exil devint contraint � ne plus �tre regardant sur l�exigu�t� des logements, la queue � la pr�fecture de police, les statuts de b�n�ficiaires d�asile territorial. L�Occident a toujours l�art d�appeler joliment ces petites miettes de compassion qu�il jette aux �lites de ses anciennes colonies. Pour oublier un peu, certains ont vers� dans les envol�es lyriques et dans les chim�res de la d�mocratie et du terrorisme r�siduel qui tardaient � venir. La bi�re, alcool des pauvres, �tait l� pour lib�rer des acc�s de col�re et les d�sirs de vengeance sur le sort. A plus de quarante ans, de grands adolescents qui se retrouvaient priv�s d�antenne parabolique tendaient l�oreille aux moindres souffles des hommes politiques europ�ens et am�ricains croyant y trouver les indices d�une paix press�e d��tre au rendez- vous. J�en ai vu qui retrouvaient les vertus des bonnes traditions du pays et de la bonne cuisine de leur m�re. Combien de couples se sont d�chir�s quant l�un des deux �poux, plus t�m�raire, �tait rest� au pays pour y couver les maigres acquis d�une vie bien rang�e. La crainte justifi�e de se retrouver sans v�ritable statut en a d�courag� plus d�un. L�Occident et particuli�rement la France se plaisent aujourd�hui � opter pour des choix tapageurs et tr�s s�duisants sur le plan �lectoral. En effet, des options telles que la pr�f�rence nationale, la discrimination positive, autrefois slogans soulevant des boucliers et gargarisant des gorges chaudes, ne souffrent plus des m�mes tares. La politique de l�extr�me droite, critiqu�e, cibl�e � juste titre, vient � pr�sent reprendre ses droits par la bouche m�me de ceux qui s�y opposaient par coquetterie �lectoraliste. On d�couvre, � nos d�pens que le discours populiste est porteur m�me dans les pays symboles de d�mocratie. Ceux qui sont partis pour des raisons �videntes de survie en terme biologique se sont astreints � occuper des fonctions bien en de�� de leurs comp�tences. Des ing�nieurs reconvertis en standardistes, des m�decins en aides-soignants, des architectes en m�treurs v�rificateurs sont des exemples plus nombreux qu�on ne le croit. Les enfants, int�gr�s � un syst�me scolaire performant, r�ussissent tant bien que mal mais ont pour la plupart perdu certains rep�res culturels et linguistiques pr�cieux. Depuis le discours de Bush qui s�est produit dans un show moralisateur � partir d�une �glise, en gavant des hamburg�rophiles de notions de Mal et de Bien, le sort des Arabo-Musulmans que nous sommes semble expos� � la vindicte gratuite et aux sch�mas r�ducteurs. Dans son Gospel, Bush a d�coup� le monde virtuellement en deux blocs antagonistes : le jud�ochr�tien purificateur et l�arabomusulman terroriste et donc nuisible. Bien que plus magnanime, l�Europe semble se mettre dans ce sillage regrettable. En effet, des actes de racisme, des pamphlets condamn�s du bout des l�vres, se multiplient en Italie, en Hollande pour ne citer que ces exemples frappants. Les derni�res mesures prise par le France pour l�octroi des visas et les d�cisions de reconduite � la fronti�re qui seront source de d�g�ts moraux irr�parables appuient d�une mani�re insidieuse la th�se de Bush. La pr�carit� de l�emploi qui ne se justifie pas par la pr�sence d��trangers en Occident donne du charbon � la locomotive du nouvel ordre mondial. Si ceux des n�tres qui sont partis �chappent au ch�mage, ils ne seront pas �pargn�s par le sous-emploi. Le jeunisme aidant, beaucoup se retrouvent � la casse d�s quarante-cinq ans. Notre pays est pass� par une des pouss�es de fi�vre qui sont une exigence de l�Histoire tel un enfant dont l�appareil immunitaire fait son apprentissage avec la vie en se toisant aux agressions de son environnement biologique. C��tait dur pour cette soci�t� civile qui avait entam� sa gestation et qui s�est retrouv�e mort-n�e du jour au lendemain. Le soleil de l�espoir commence � se lever dans cette Alg�rie que nous �vertuons � classer parmi les plus beaux pays du monde par na�vet� adolescente ou par fiert� s�culaire ou tout simplement par une frustration d�obtention du visa pour balayer des yeux d�autres fresques dont le Bon Dieu a dot� la Terre. Mais il est un fait naturel que de s�attacher passionn�ment � sa terre natale. Un attentisme a fleuri sur le complexe qui a voulu faire croire qu�on ne doit pas retourner dans son pays les mains vides, que la parenth�se impos�e soit d�une f�condit� enviable pour un retour sous les ovations du pays ou � tout le moins honorable. Mis au bout de beaucoup d�index accusateurs, ceux qui son partis pour fuir la sauvagerie des ennemis du pays sont devenus dans l�imaginaire z�l� de certains compatriotes les poltrons fuyant le navire qui auraient d� s�offrir � la boucherie par honneur. L�honneur, cette idole �gar�e, sert d�alibi nationaliste � ceux-l� qui n�ont qu�un seul credo : la fuite en avant. L�Alg�rie a besoin de pr�server sa s�ve seule capable de s�cr�ter les �lans prometteurs et tous ses vrais enfants. La sagesse, la raison, l�amour du pays sont autant de vertus qui ouvrent les bras pour inviter � un retour � la maison. En treize ans, beaucoup de choses ont chang�. La soci�t� s�est inscrite dans la consommation sans �tre v�ritablement productive. La culture est atteinte de rachitisme et des guignols sont devenus vedettes nationales. Des artistes ont un costume trop large et les trompettes de la renomm�e sont toujours mal embouch�es comme dirait l�autre. Un monde digestif et paresseux s�est r�pandu sur des espaces urbains de plus en plus �troits. Il y a une gadoue indescriptible dans la p�riph�rie des villes ruralis�es. Ne parlons pas des accoutrements mi-orientaux mi-occidentaux, t�moins d�une recherche d�authenticit� ignor�e ou mal r�habilit�e. Il y a des restrictions sans solutions de suppl�ance�. Mais aujourd�hui des projets voient le jour avec des avantages pour les jeunes pour peu que certains se d�cident � s�investir sans m�conna�tre des obstacles que des requins avides dressent sur le chemin de leur r�ussite. Des audacieux bousculent la scl�rose administrative. Des sourires commencent � appara�tre sur les l�vres muettes des agents des services publics, des prestations de qualit� sont offertes par le secteur priv�. Un encouragement � l�investissement voit le jour malgr� les obstacles dress�s par la scl�rose des pratiques aujourd�hui r�volues. Je mettrai toutefois un b�mol dans ce cri d�optimisme car les personnes que nous avons laiss�es au pays pendant les ann�es difficiles ont chang�. L��bri�t� du retour nous fait croire aux grandes accolades et les tapes sur le dos de ceux qui partageaient les m�mes douleurs, aux chemins familiers emprunt�s ensemble. Les affaires, les nominations de pacotille, le trabendisme, la tartufferie du pros�lytisme ont model� un autre public. Mais il reste des palpitations plus fortes que tout. Embrasser les siens, longer sans s�arr�ter la c�te encore vierge de b�ton, parler haut en prenant son caf� au quartier, pousser une porte sans devoir �tre invit�. Pour un retour sans z�le aucun que celui de l�amour du pays qui nous le rendra un jour et pour nos enfants qui n�auront pas d�autre terre que l�Alg�rie.