C'est d'abord une zone interdite d'accès aux femmes, c'est un espace nostalgique réservé uniquement aux hommes, c'est la règle. Gravés dans la mémoire des Bélabésiens, le quartier Graba et la Tahtaha sont toujours le point de rencontre des habitants de cette ville historique de Sidi Bel Abbès pendant le Ramadhan. À quelques heures du f'tour, les jeunes et les vieux doivent essentiellement faire une virée à ce quartier populaire, dont chaque coin raconte une histoire. C'est d'abord une zone interdite d'accès aux femmes, c'est un espace nostalgique réservé uniquement aux hommes, c'est la règle. Pendant Ramadhan, toutes sortes d'objets et de produits sont mis en vente un peu partout, plus particulièrement sur la place publique Tahtaha. C'est un héritage populaire qui date d'octobre 1870, date de la création officielle du «Village Arabe» qui était occupé par des Arabes revenus du Maroc, après l'exode des tribus de Béni Ameur en 1845, et d'autres venus des villes de Mascara, Tlemcen, Nedroma, et Ghazaouet, ayant construit des gourbis ; et c'est la raison pour laquelle le quartier était appelé communément Graba, appelé en 1874 Village Nègre, non loin de la ville européenne, où les Français jouissaient de tous les droits. Les gens pauvres qui occupaient le Village Arabe pratiquaient tous types de petits métiers pour gagner leur vie, car on pouvait trouver des cordonniers, des tisserands, des cyclistes, rarement des tailleurs traditionnels, et des vendeurs des objets d'occasion que les pauvres pouvaient se permettre. À ce jour, la Tahtaha, malgré qu'elle ait perdu sa valeur nostalgique d'antan, demeure l'endroit le plus fréquenté à Sidi Bel Abbès, et le quartier idéal pour acheter tout objet d'occasion (meubles,vêtements, vaisselle, articles de maison, etc.) et une partie est réservée au commerce multiple, car à quelques heures du f'tour, on peut trouver tout ce qu'un jeûneur a envie de voir sur sa table de Ramadhan, à savoir du pain traditionnel (matloue) chaud, zlabia, gâteaux traditionnels, etc. L'ambiance dans le quartier populaire Graba pendant Ramadhan n'est pas très loin de celle que nos ancêtres vivaient à leur époque, sauf que les gens sont plutôt différents, car à cette ère, les occupants de ce quartier vivaient en communauté, et même s'ils étaient très pauvres, la misère que les autorités coloniales leur a imposée n'a fait que les rapprocher les uns des autres, au point où ils partageaient leurs joies et leurs peines sans jamais se plaindre. Au fur et à mesure, la population arabe à Sidi Bel Abbès est passée de 641 habitants en 1859 à 19.464 en 1877, et la création d'une mosquée pour accomplir leur devoir religieux était fondamentale. La mosquée (masjid) El Aâdam fut construite en 1892 et ouverte aux fidèles musulmans, devenus de plus en plus nombreux, et demeure à ce jour la mosquée préférée et historique des vieux de toutes les générations depuis des siècles. Dans un passé récent, la Tahtaha entourée de cafés, était l'endroit idéal de rencontre des poètes, des artistes célèbres et hommes de culture de la Mekerra, à l'exemple de Cheikh Madani, Cheikh Ladham, Cheikh Abdelmoula. El Halqa, El Goual, El Meddah avaient aussi leur espace où ils créaient une ambiance particulière dans les cafés célèbres, à l'exemple du café de Talout, El Maâsacri, café keboub, assis par terre, pour partager quelques moments de bonheur. Cet héritage culturel n'est pas encore éteint, malgré que sa flamme soit devenue fragile, mais il respire encore ces beaux souvenirs qui envahissent les esprits des générations futures, qui se retrouvent et partagent un amour commun pour ce quartier historique de la ville de Sidi Bel Abbès. Le 21 mai 1874, le conseil communal de Sidi Bel Abbès s'est réuni pour mettre en vente aux enchères les lots de terrain, revendiqués par 29 pétitionnaires, à leur tête Mohamed Ben Amar, qui demandait l'exécution du décret du 24 juillet 1860. Mais l'administration coloniale a décidé de nommer ce faubourg du nom du maréchal Bugeaud, sauf que la célèbre placette publique qui réunissait les habitants du Village Arabe a gardé son profil populaire et a été appelée communément Tahtaha à ce jour.