«Nous sommes les oubliés de la campagne électorale parce que, étant sans domicile fixe, nous n'avons pas de carte d'électeur et donc nous n'intéressons pas les candidats.» Cette phrase est prononcée par de nombreuses personnes sans domicile fixe rencontrées hier durant la nuit sur les principales places d'Alger. Dès la tombée de la nuit, les personnes sans domicile fixe (SDF) prennent d'assaut rues et principales places de la capitale. «Nous nous fondons avec «les autres» durant la journée et nous nous réunissons aux mêmes endroits à la tombée de la nuit. On se connaît presque tous et nos rangs ne cessent d'être renforcés», nous dira le père d'une famille SDF. «La journée, j'essaye de gagner un peu d'argent en travaillant dans un café et la nuit je rejoins ma famille. Nous sommes sans domicile fixe et aucun des membres de ma famille ne dispose d'une carte d'électeur depuis que nous avons été expulsés du logement que nous occupions», ajoute-t-il. En cas de changement de résidence, la loi exige l'inscription des électeurs dans la commune ou l'arrondissement urbain où se trouve la nouvelle résidence. «Comme nous sommes sans domicile fixe, nous ne pouvons nous inscrire sur les listes électorales», dira Ahmed, la quarantaine, «SDF depuis quelques années». «Nous n'avons pas vu beaucoup de candidats pour les élections locales du 29 novembre s'intéresser aux SDF. C'est parce que nous ne sommes d'aucune utilité puisque nous n'avons pas de carte d'électeur», regrette un autre jeune rencontré non loin du siège de la wilaya d'Alger. «Non loin de là, des mineurs s'installent la nuit pour consommer du diluant (une sorte de drogue faite à base d'alcool) et peu nombreux sont ceux qui s'intéressent à leur sort», dénonce-t-il. Marchant à pas ralentis, des SDF passent par la Grande Poste. Il est 23h15 mn. C'est à peine s'ils jettent un regard aux pancartes sur lesquelles sont placardées les affiches des candidats aux élections du 29 novembre. La rue est presque déserte. «Vous savez, c'est comme s'il y avait deux peuples qui habitent la capitale. Celui de la journée et celui de la nuit. Ces derniers sont des SDF qui se regroupent quand les autres sont chez eux.» Ces propos sont de Kamel, 33 ans. «Il y a quelques mois je passais la nuit dans un café où j'exerçais comme plongeur. L'argent que je gagnais me permettait d'éviter de crever de faim. L'endroit étant exigu, le patron m'a gentiment demandé de ne plus y passer la nuit puisque l'espace que j'occupais lui servait, désormais, pour le stockage de la marchandise. Avec le maigre salaire que je perçois je ne peux me permettre une location. Je passe donc la nuit ici, au jardin de la Grande Poste», témoigne-t-il. «Cela fait chaud au cœur lorsque nous recevons des associations ou des gens du Samu social qui veulent nous aider et nous faire sortir de la solitude avec les moyens dont ils disposent, mais nous serions tout aussi réjouis si les candidats aux prochaines élections venaient nous parler et pourquoi pas organiser des meetings, la nuit, dans les endroits où les SDF dorment et s'abritent contre le froid glacial de la nuit», dira une autre personne SDF.