Ahurissant mea culpa du colonel Mesbah, qui se définit lui-même comme un politologue, dans un long entretien accordé au Soir d´Algérie, et dont le journal a publié une première partie. Ahurissant parce que comme beaucoup de lecteurs, nous avons eu à lire ses analyses pendant la campagne électorale présidentielle. Tout en soutenant le candidat Ali Benflis, M.Mesbah apportait des éclairages qui avaient pour eux l´avantage de la clarté et aidaient à la lisibilité du champ politique. On pouvait être ou ne pas être d´accord avec ses écrits, là n´était pas la question, puisque le lecteur était libre d´y adhérer ou de les rejeter. Au contraire, les Algériens, quelles que soient leurs tendances politiques ou idéologiques, avaient soif de ce genre d´analyses, d´éclairages, d´idées, pour se faire leur propre opinion sur les programmes des candidats, et pour faire leur choix le jour du scrutin. Plus il y avait d´écrits contradictoires ou d´avis divergents dans la presse, plus le lecteur pouvait comparer et passer tout cela au crible de sa propre idéologie ou de son vécu quotidien, et se forger une opinion. Il reste que les études qui ont été faites au niveau international montrent que les lecteurs ne prennent pas pour argent comptant les articles de presse et que les relations interpersonnelles (famille, quartier, collègues de travail, association, y compris les zaouias) jouent un rôle déterminant. Cette donne n´a pas été suffisamment prise en compte en Algérie, puisque beaucoup ont un comportement militant et entendent dicter son choix à l´électeur. Par conséquent, les analyses et avis développés par M. Mesbah s´inséraient parfaitement dans le cadre global d´un débat d´idées induit par la campagne électorale. Il avait des idées. Il les avait brillamment défendues. Même si le candidat pour lequel il avait appelé à voter a perdu la partie, il n´y a rien là de dramatique. C´est la base même de la démocratie. La minorité s´incline devant le choix de la majorité. John Kerry a pris son téléphone et a félicité George Bush, bien que les deux hommes ne se soient pas fait de cadeaux durant toute la campagne électorale. Là où c´est discutable c´est lorsque M.Mesbah vient aujourd´hui nous parler d´épistémologie. L´analyse d´un politologue n´est ni une science infuse, ni un verset du Coran, ni parole d´évangile. L´électorat est par définition volatile, hésitant, très secret, se définissant en fonction de critères qu´il est le seul à connaître ou peut-être à ne pas connaître, certains critères relevant même du subconscient ou du subliminal. Les candidats aux élections sont de nos jours entourés de spécialistes en communication et en marketing qui leur donnent des conseils sur la manière de parler, de s´habiller, de se coiffer, de regarder la caméra. Ali Benflis a été battu parce que son programme est en avance sur son temps ou tout simplement parce il n´a pas été un assez bon comédien : sa gestuelle ou la tonalité de la voix n´étaient peut-être pas adaptées. L´aspiration à la paix des Algériens a été peut-être trop forte et il ont voulu appuyer le projet de réconciliation de M.Bouteflika. Qui sait? Il n´y pas eu de sondage à la sortie des urnes pour scanner avec plus ou moins d´exactitude les motivations des électeurs. En réalité, personne ne peut remplacer l´électeur dans son isoloir. Lui seul peut répondre de son libre arbitre au moment de glisser le bulletin dans l´urne. Malgré son caractère hargneux, la dernière campagne présidentielle a été très riche en enseignements. M.Mesbah et d´autres, comme Mohamed Benchicou, par leurs écrits, leurs analyses ou leurs prises de position, ont contribué à rehausser le niveau du débat. On aurait aimé que M. Mesbah assume ses écrits et non pas «ses erreurs de méthode», quitte à affiner ces méthodes pour les analyses futures.