Le président de la République prend tout le monde de court, y compris l'opposition, rassemblée dans le groupe des onze. En décidant de saisir les instances internationales pour les inviter à désigner des observateurs, le président de la République prend tout le monde de court, y compris l'opposition, rassemblée dans le groupe des onze. Et pour ce faire, M.Abdelaziz Bouteflika a choisi deux canaux différents pour faire part de sa décision de faire appel à des observateurs étrangers pour superviser les élections. Le premier de ces canaux n'est autre que le toast prononcé devant son hôte chinois. Le deuxième est une lettre envoyée au président américain George W.Bush. Ainsi lors du dîner offert en l'honneur du président chinois Hu Jintao, le président de la République a déclaré: «Il est dans mon intention de saisir le secrétaire général des Nations unies, celui de la ligue arabe, le président de l'Union africaine, et le président du parlement européen, pour obtenir de chacune de ces instances l'envoi d'un groupe d'observateurs qui auront toute latitude pour contrôler les conditions dans lesquelles va se dérouler élection présidentielle.» Et dans une lettre envoyée au président Bush, M.Abdelaziz Bouteflika écrit: «Vous savez que l'année 2004 est une année d'élection en Algérie (comme d'ailleurs aux Etats-Unis)... Je m'emploierai de mon côté à user de toute mon autorité pour assurer à ce prochain scrutin toutes les garanties de transparence et d'honnêteté et j'envisage même pour cela de faire appel à des observateurs internationaux pouvant attester de sa validité.» Pour autant, cette présence d'observateurs étrangers ne garantit pas la transparence des urnes, pour la raison simple que le nombre de bureaux de vote, qui approche les 50.000 ainsi que l'étendue du territoire rendent aléatoire toute velléité de contrôle et de surveillance des urnes. C'est du reste ce que n'a pas manqué de faire remarquer le sous-secrétaire d'Etat américain Lorne W.Craner, qui a mis en doute l'efficacité d'une telle procédure. Une centaine d'invités regroupée à l'hôtel El Djazaïr, sous haute surveillance policière pour veiller à leur sécurité, pourront-ils savoir les petites magouilles et les petites cuisines électorales qui se déroulent au fin fond de la steppe ou des Hauts-Plateaux, voire dans un bureau situé dans une daïra de la banlieue d'Alger? Ce sont les procédures techniques prévues par la loi électorale et mises en place par les autorités publiques avec le concours des partis et des candidats en lice qui pourront endiguer la fraude. Pour ce qui est de la loi, on sait qu'elle a été fortement amendée par les députés, grâce à une proposition faite par le parti d'opposition El-Islah, soutenue en la circonstance par le parti majoritaire FLN, lui-même poussé à la dissidence par l'Exécutif. La préparation technique du scrutin, la surveillance des urnes, le jour du vote, le déroulement des dépouillements, la remise des PV aux représentants des candidats, la possibilité d'introduire des recours qui seront pris en considération, sont autant d'éléments qui font que le scrutin sera régulier ou ne le sera pas. En effet, le meilleur contrôle ne peut être obtenu que par les représentants des candidats. Des étrangers qui ne connaissent pas le milieu ni la nature des techniques de fraude à l'algérienne ne seront d'aucune utilité, d'autant plus que l'administration algérienne, rompue aux fraudes, aux bourrages des urnes et à la trituration des listes, a mille et un tours dans son sac et elle saura déjouer les garde-fous qu'on mettra sur son chemin. Cela dit, dans sa missive à George W.Bush, le président Abdelaziz Bouteflika rappelle perfidement que l'année 2004 est une année d'élection en Algérie tout comme aux Etats-Unis. Certes. Mais peut-on comparer les conditions de préparation d'une élection de la plus vieille démocratie du monde, où tous les candidats bénéficient des mêmes avantages, avec un pays où la démocratie est balbutiante, où le candidat du pouvoir gère à son seul profit les médias publics et les finances publiques?