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Levez le voile!
12ES RENCONTRES CINEMATOGRAPHIQUES DE BEJAIA
Publié dans L'Expression le 14 - 09 - 2014

Scène du film Madame la France de Samia Chala
Que ce soit entre un homme et une femme, la France et l'Algérie, le «je t'aime moi non plus» a plané insidieusement dans l'arène de la Cinémathèque de Béjaïa vendredi...
S'il fallait choisir une journée type, mais surtout de ces programmations qui vous marquent intensément, ce serait celle-là. Si la folie semble être souvent le moteur qui caresse les neurones et la matrice psychologique du menu cinématographique de cette année, son fil ténu vient souvent titiller celui du spectateur. D'autant plus vendredi dernier les sujets traités étaient enracinés au coeur du psyché de chacun de nous.
L'amour de soi ou de l'Autre, être soi-même ou répondre aux attentes de la société tel est l'enjeu du premier film projeté vendredi dernier à la Cinémathèque de Béjaïa. Documentaire des plus pertinents intitulé h'na Bara de Bahia Bencheikh El Fegoun. Un film de 52 mn qui évoque de façon audacieuse la place de la femme dans la société algérienne machiste qui souvent impose son dikdat à la femme au nom de traditions caduques, si ce n'est de la perversion mentale et de la frustration. L'espace public est un lieu masculin où se révèle souvent le statut de la femme, où le corps se fait sujet de tous les regards des «mâles». Faut-il dans ce cas se voiler, quitte à annihiler sa véritable personnalité pour atteindre la paix ou être soi-même, quitte à s'attirer la foudre des regards dénudants et agressifs.
Histoires de femmes
Ce film de Bahia est la rencontre de plusieurs femmes, certaines voilées et d'autres non, en quête de sens, qui s'interrogent pour se confronter à leur histoire individuelle. Bahia a été à leur rencontre à Constantine, Sétif et Alger, notamment.
Etre ou ne pas être telle est la question, semble nous dire ce film marqué d'une subtilité jamais atteinte dans ce genre de «discours» où le sujet aurait pu vite glisser vers la perversion provocatrice n'était la qualité des témoignages qui viennent nous donner une belle gifle. Ces femmes dont certaines questionnent leur rapport au corps et aux hommes, d'autres veulent se débarrasser de ce lourd fardeau étouffant qu'est le voile, porté par mimétisme, apportent des témoignages d'une maturité édifiante rarement vue au cinéma. La réalisatrice du doc filme ces femmes avec un amour complice, avec pudeur et simplicité. Résultat des courses, la sérénité est là au rendez-vous parfois, mais la déception aussi. «Connais-toi toi-même» est l'invitation de ce film. Les paroles sont vraies, les femmes ne sont pas dupes et ont bien conscience du pouvoir que suscite leur corps, mais aussi de leur maigre place dans la rue. Et on parle avec une telle distance désarmante qu'elles ne peuvent que nous émouvoir, nous toucher. Pour la réalisatrice, «au-delà de la question du voile (posée avec acuité et profonde analyse estime-t-on) il y a la question de la violence qui s'est banalisée».
Du coup, nous, on pense forcément au film égyptien Le Bus 876 et on se dit on se tient qu'un nôtre tiens le nôtre haut la main! et de quelle façon...admirable! le second film, bien qu'il traite du rapport homme/femme de façon nettement plus décomplexée, la fracture psychologique est d'autant plus évidente ici qu'elle se noie peut-être dans un trop plein de tragique d'un pays qui n'a cessé de connaître des drames. Il s'agit du Liban, pays des milles contradictions, de la musique mielleuse et des femmes chanteuses refaites de toutes pièces et où les sentiments sont souvent exacerbés entre mort et vie, amour et haine que charrient les multiples guerres civiles. Un pays qui vit comme sous une bombe de retardement et choisi parfois de vivre les choses intensément bien que d'une façon éphémère, mais en prônant l'instant présent avant tout car ne sachant ce qu'adviendra demain.
Un cliché redondant, cette pensée, certes, mais qui se reflète souvent dans le mode de vie de certaines personnes libanaises, notamment ces deux filles que la réalisatrice Corinne Muet a choisi de suivre pendant trois ans. Son angle d'attaque suit le prisme des amours brisés, des relations frivoles sans lendemain qui chantent...Le portrait esquissé que fait la réalisatrice de ces femmes, épouse son esthétique qui se veut passer d'un extérieur lumineux aux intérieurs larmoyants et mélancoliques, chagrin, à la joie exubérante sans sourciller, dont l'un nourrit l'autre dans une sorte d'équilibre bizarre, mais témoigne d'une fragilité certaine et des incertitudes de ces femmes.
Au-delà de la prise de parole intime qui se délie plus au moins facilement, le film de Corinne Shawi a tendance à verser parfois dans le patos mélodramatique n'était la fraîcheur de ces filles perdues qui viennent rattraper la lenteur qui s'en dégage, mais cela pourrait refléter aussi l'état d'infiniment délicatesse que sont finalement les êtres amoureux, prêts à se casser comme des poupées de porcelaine lorsqu'elles tombent dans le néant du vide, mais fort heureusement le film ouvre une brèche d'espoir avec ces sourires rebelles de ces femmes qui ne sont pas près d'abandonner leur soif de vivre, en dépit de tous les malheurs. Car elles pourront un jour dire, j'ai vécu, j'ai aimé vraiment, j'ai connu ce que d'aucuns n'ont pu savoir, même si le silence pesant s'apparente encore aujourd'hui à un enfer...
Le film de Corinne Shawi est tendre, triste, rehaussé de gros plans qui vous fait d'office pénétrer dans l'âme déchirée de ces femmes à travers des regards lancinants. Rien de spécial, ce film aussi n'était le langage cinématographique qui vient vous susurrer des choses vaporeuses, fait d'un esthétisme poétique qui se révèle à vous comme nombre de caresses interrompues mais salutaires... Aller de l'avant est peut-être la solution. C'est aussi le titre du film de Soufiane Adel projeté en soirée.
Un documentaire de 104 mn intitulé Go forth. A travers le portrait d'une femme de 79 ans, Taklit Adel, la grand-mère née en Algérie et vivant en France depuis 60 ans, se noue à la fois le fil de la petite et de la grande histoire.
Le réalisateur ayant grandi en Algérie jusqu'à l'âge de 17 ans revient au village de ses grands-parents et contracte un mariage d'emblée traditionnel avec son épouse de Paris. Les racines au galop, Soufiane interroge sa grand-mère sur le passé de sa famille, fait des parallèles assez intéressants avec l'Afrique profonde, ses hommes et leurs conditions de vie, de très vieiIlles images récoltées par ses soins pour les sauvegarder et emploie une bande son qui va de Maria Callas, aux poèmes de Mahmoud Darwich en passant par Matoub Lounès. Le tout nourrit son patchwork humain qu'il brosse avec amour et humilité déconcertantes mais sans être dénué de recherche sur l'exil, le déracinement et le devenir de ces aïeuls.
De cette histoire de 130, Soufiane Adel tisse une belle oeuvre cinématographique presque aussi belle que ces ceintures tissées fait main de sa chère grand-mère qui raconte l'histoire tandis que s'élève souvent au ciel l'aura d'une France grandie par les paroles de cette femme. Une surélévation spirituelle appuyée par l'emploi technique du drone qui permet ces images d'altitude à l'écran sur lesquelles vient s'accrocher un sublime chant d'opéra qui se plaît à surplomber les banlieues françaises. Une façon de prendre de la distance sur les clichés stigmatisants de ces espaces et leur redonner toutes leurs lettres de noblesse. Un peu ce que tente de faire Samia Chala dans Madame la France, ma mère et moi. Un documentaire bien personnel d'une femme qui a eu le courage de faire avant tout un travail introspectif avant de se lancer dans cette aventure cinématographique.
Patchwork humain
La fervente militante de la démocratie, féministe et combattante jusqu'à la moelle, Samia Chala, après avoir combattu l'obscurantisme assassin des islamistes en Algérie qui tentait d'imposer le voile en Algérie, la voilà aujourd'hui qui défend l'idée d'accepter de le porter en France. Pour l'auteur de Les marcheurs il s'agit bel et bien du même combat, du moment que c'est lié au déni de droit à la liberté faite aux femmes. L'idée du film, raconte la réalisatrice, a émergé suite aux insultes faites par les caricatures du prophète par Charlie Hebdo et surtout la montée en puissance de la haine contre l'Islam en France mettant les Maghrébins de France dans le collimateur. Pourquoi donc la France fait une telle fixation sur le voile et l'Islam? Que se cache-t-il derrière ces injustices aberrantes? «En tant que cinéaste, j'en avais marre que certains tentent de m'envelopper d'un côté et d'autres de me dénuder de l'autre» a résumé brièvement Samia Chala qui évoque l'image d'Epinal de la femme arabe dans l'imaginaire occidental, un orientalisme outrancier et ridicule qu'on tente d'évacuer aujourd'hui par un excès de radicalisme politique et de modernisme outrancier et intolérant...
Samia se filme beaucoup dans son oeuvre. Elle se met en scène. Entre dans le champ des regards. Mise ainsi à nu, elle se jette dans le cadre et se met à soliloquer. Elle est face au miroir. Elle est rattrapée par son passé, cette mémoire enfouie quelquefois et rejetée refait surface à la suite du décès de sa mère sans doute. Elle part trouver des réponses chez sa tante en Kabylie. Piégée par madame la France? Irrémédiablement non, mais plutôt enrichie par une quête initiatique qui la mène au bout d'elle-même pour savoir qu'elle ne doit nullement avoir honte de ressembler à sa grand-mère.
Samia sait tout ça au fond, mais dit-elle dans un sursaut de colère contenu devant le public: «Ça me gêne quand on s'attaque à Mohamed l'émigré!», l'on comprend ici le coeur de ces préoccupations légitimes qui ne sont que le fruit d'un parcours personnel, rattrapé aujourd'hui par un discours méprisant envers la communauté magrébine de France dont celle-ci se doit de composer avec, en tant que quantité non pas négligeable mais équitable.
Une communauté avec laquelle l'Hexagone se doit bel et bien savoir un jour regarder en face pour lui dire pardon et continuer à construire son avenir ensemble... entendre et voir l'Autre non pas sous un prisme déformant et aliénant teinté de racisme, mais sur un pied d'égalité avant tout est l'engagement de Samia Chala dans ce film qui défend encore et toujours les droits de l'homme. Un combat en somme qui persiste au-delà des frontières finalement...


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