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Guerre d'influence et soft power
Le duopole sino-américain post-Covid-19
Publié dans L'Expression le 29 - 06 - 2020

La crise de Covid-19 pourrait devenir un moment de profond changement, dans lequel les alliances internationales pourraient être l'une des pierres angulaires affectées par ces changements. Cependant, ce passage n'est pas automatique. La Chine a clairement tenté de saisir cet élan, dans le double objectif de transformer ses faiblesses en atouts: réorienter la narration de ses performances dans la crise, et profiter des problèmes rencontrés en Europe chez les alliés par exemple. Une chose est certaine, cependant, Pékin tentera probablement d'exploiter les nombreux sujets de tension et divisions, afin de continuer à faire avancer sa conception plus large pour devenir le pays central du système international d'ici 2049, l'année du centenaire de la longue marche de la Chine. La pandémie de Covid-19 est tournée donc en opportunité par la Chine qui fut le foyer initial d'où s'est disséminé le coronavirus et ceci en vue de développer et consolider son positionnement stratégique à travers le monde. Pékin a, par conséquent, développé une diplomatie scientifique et sanitaire proactive en appoint à sa diplomatie économique.
Changement de l'ordre mondial
Henry Kissinger a déclaré tout récemment: «La pandémie de coronavirus modifiera à jamais l'ordre mondial. Lorsque la pandémie de Covid-19 sera passée, les institutions de nombreux pays donneront l'impression d'avoir échoué. La question n'est pas de savoir si ce jugement est juste d'un point de vue objectif. La réalité est qu'après le coronavirus, le monde ne sera jamais plus comme avant. L'effort déployé face à la crise, quelles que soient son ampleur et sa nécessité, ne doit pas empêcher le lancement urgent d'une initiative parallèle pour assurer la transition vers le nouvel ordre de l'après-coronavirus. Les dirigeants gèrent la crise pour l'essentiel à l'échelle nationale, mais l'effet de désagrégation que le virus produit sur les sociétés ne connaît pas les frontières. Si l'impact sur la santé des individus sera, espérons-le, temporaire, les bouleversements politiques et économiques que la pandémie provoque pourraient être sensibles durant plusieurs générations..., Les principes de l'ordre libéral international doivent être préservés. Le mythe fondateur de l'Etat moderne est une ville fortifiée protégée par des dirigeants puissants, parfois despotiques, parfois bienveillants, mais disposant toujours d'une force suffisante pour prémunir leur peuple contre un ennemi extérieur. Les penseurs des Lumières ont restructuré ce concept, affirmant que l'objectif d'un Etat légitime était de pourvoir aux besoins fondamentaux du peuple: sécurité, ordre, bien-être économique et justice. Les individus ne peuvent pas satisfaire ces besoins tous seuls. La pandémie a donné lieu à un anachronisme, faisant renaître la ville fortifiée à une époque où la prospérité dépend des échanges mondiaux et de la libre circulation des individus.»
De son côté, l'ex-Premier ministre français, Jean-Pierre Raffarin, a affirmé que «le coronavirus et son contexte morbide renforcent la tension du duopole sino-américain, déjà engagé dans une compétition commerciale, technologique et politique. Cela entraîne une secousse de l'économie chinoise, et plus d'incertitudes du côté américain. Et comme la réponse chinoise est perçue aux Etats-Unis comme une humiliation, ces derniers vont vouloir en retour lui en faire payer le prix. Cette tension va marquer les 15 prochaines années même si Donald Trump n'est pas reconduit dans ses fonctions fin 2020. Le positionnement contre la Chine obtient un consensus fort au sein du Congrès. Dans ce contexte, on voit partout les logiques de propagande se développer, c'est contre-productif!»
Pour sa part l'ex-ministre français des Affaires étrangères, Hubert Vedrine, a mis en relief que «les Etats-Unis essayent en effet, maintenant d'enrayer la montée de la Chine vers l'hégémonie. C'est un changement radical de politique par rapport aux dernières décennies. Et cela a un impact sur le monde entier, notamment sur l'Europe. On sait que l'Europe a cru, plus naïvement que d'autres, que la mondialisation était "win-win". Elle a du mal à réaliser qu'elle doit devenir une puissance capable de se faire respecter. Nous devons le faire par rapport aux Etats-Unis, avec lesquels nous sommes alliés, mais sur lesquels nous ne devons pas nous aligner, d'autant que leur politique de sanctions unilatérales est inique. Mais nous devons le faire aussi bien par rapport à la Chine; il faut rechercher des relations équilibrées, et donc faire en sorte que la Chine n'abuse pas de sa puissance nouvelle. Tout cela dépend de nous, et de notre volonté. Il faut que l'Europe arrive à se faire respecter des uns et des autres, qu'elle n'ait pas à subir, ni à choisir, et qu'elle affirme ses positions. Là aussi, cela suppose une vraie volonté stratégique, militaire, industrielle, technologique, etc.»
Incertitudes post-Covid-19
Au regard de ces déclarations de personnalités aussi bien influentes que fins connaisseurs des relations internationales, en général et de la Chine, en particulier, il paraît clair que l'incertitude post-Covid-19 et l'ambition de la Chine à s'affirmer comme nouvelle puissance sur tous les plans inquiètent les dirigeants de nombreux pays. Pour des observateurs avertis, la Chine va vouloir se positionner comme meneur de l'après-Covid-19. En effet, la Chine est en train de gagner la bataille sanitaire de Covid-19 et de se relever plus rapidement que les pays dits occidentaux. Elle veut s'ériger en un solide challenger d'un nouvel ordre mondial en s'appuyant sur le concept des quatre confiances en soi édicté, en 2016, par Xi Jinping: confiance en son propre système, à sa voie, à ses théories, et à sa culture.
La crise due au Covid-19 fait que la communication officielle de Pékin glorifie l'efficacité de la gestion chinoise de la crise et insiste sur les faiblesses des pays occidentaux. Il s'agit là de projeter l'image d'une Chine modèle. Cette communication de persuasion fait qu'elle a touché l'affect du citoyen chinois parce qu'il s'agit de la fierté du pays et de son image aux yeux du monde, dans un contexte très émotionnel lié à la santé publique.
Chine: diplomatie scientifique
Dans la crise actuelle, la Chine met en action sa diplomatie scientifique de lutte contre la pandémie, pour promouvoir ses services, ses produits et ses programmes de formation, comme elle le faisait autour des «Nouvelles Routes de la Soie» par le biais de sa diplomatie commerciale. Elle ne va ménager aucun effort pour se positionner comme le pays meneur de la sortie de crise et proposer, notamment, aux pays émergents et aux pays en développement des solutions médicales et paramédicales, industrielles, logistiques, technologiques, économiques et par corrélation des solutions financières pour redynamiser leurs économies. Dans quelques pays, des entreprises chinoises ont déjà commencé à proposer des solutions pour lutter contre le Covid-19.
Cependant et selon des observateurs avertis, la Chine n'arrivera pas à s'imposer partout. En ce sens que ses initiatives font, et feront face, incontestablement, à des oppositions de la part de nombreux pays dans les prochaines années. D'autres, par contre, vont renforcer leurs liens avec elle, comme l'Algérie, l'Italie, la Serbie, le Pakistan, le Cambodge et d'autres encore qui ont communiqué positivement sur l'assistance et la gestion de crise par la Chine; ceux que Pékin a désignés comme étant des «amitiés solides comme le fer». Quant à la relation entre la Chine et la Russie, le rapprochement stratégique observé depuis a peu près sept ans ne semble pas être remis en cause par cette pandémie.
Dans le post-Covid-19, Pékin va, certainement, mettre en avant la supériorité de son système de gouvernance. Cela passera par des démonstrations militaires, des célébrations à travers le pays, avec une glorification de Xi Jinping et du Parti communiste. Ces célébrations mettront en avant les technologies chinoises (matériel militaire, satellites, drones, robots, etc.) qui sont au centre des investissements de la Chine depuis plusieurs années.
Bras de fer technologique sino-américain
Le bras de fer technologique entre Pékin et Washington va sans aucun doute se prolonger, et pas uniquement autour de la technologie de communication 5G. En effet, la Chine a annoncé, fin mars dernier, dans le cadre d'un plan de relance économique post-Covid-19, des investissements massifs pour le développement de technologies, parmi lesquelles le réseau 5G, les data center, les villes intelligentes, les objets connectés, la chaîne de bloc (technologie de stockage et de transmission d'informations), etc.
Toutefois et selon des observateurs avertis, sur le plan géopolitique, Taïwan va devenir le point de cristallisation des tensions sino-américaines de l'après-Covid-19. Le grand renouveau de la nation chinoise porté par Xi Jinping passe par la récupération de Hongkong, mais aussi, à terme, de Taïwan avec l'idée de corriger des erreurs de l'histoire. Hongkong est revenu dans le giron chinois, sauf que l'agitation demeure vive et que Pékin voudrait aller plus loin dans l'intégration politique de ce territoire. Quant à la situation de Taïwan, elle est considérée comme une anomalie à rectifier, une priorité de Pékin, d'autant que la politique de Washington de soutien à cet Etat est allée assez loin avec le président Trump, ce qui dérange beaucoup Pékin.
Depuis plusieurs années déjà, Xi Jinping a dit vouloir piloter la réforme de la gouvernance mondiale. La diplomatie chinoise va, incontestablement, redoubler d'activisme pour saisir les nouvelles opportunités institutionnelles qui se présenteront à elle. La détermination politique pour restructurer la gouvernance mondiale est tellement forte qu'elle perdurera, quelles que soient les difficultés économiques que la Chine pourrait rencontrer.
Bretton Woods obsolètes?
À titre d'illustration, des chercheurs chinois de notoriété ne cessent de répéter de manière récurrente que le système hérité des accords de Bretton Woods qui ont ébauché les grandes lignes du système financier international mis en place après la Seconde Guerre mondiale est obsolète et qu'il est temps de tourner la page d'un monde dominé par les Occidentaux. La post-pandémie Covid-19 va générer, incontestablement, des appels à créer de nouveaux mécanismes, des règles communes, globales et plus efficaces. Pékin brandira ces questions et tentera de créer des Fora multilatéraux consacrés à l'après-crise sanitaire, avec pour thème le partage de l'expérience chinoise et de son modèle de gouvernance. Elle pourrait, également, créer de nouvelles institutions, à l'exemple de la Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures (BAII), fondée en 2014. La Chine a déjà entamé sa démarche à faire des propositions, sous la bannière de la lutte contre le coronavirus, de nouveaux mécanismes de coopération bilatéraux et multilatéraux et a appelé les Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), ainsi que les pays en développement, notamment en Afrique, à réformer conjointement la gouvernance mondiale. Selon des observateurs avertis, il est peu probable que la Chine parvienne à promouvoir une organisation du monde qui fasse consensus. Par contre, des organisations internationales perdraient de plus en plus de crédibilité, dans la mesure où certaines d'entre elles ne seront plus en mesure de réunir à la même table les deux premières puissances économiques mondiales, dans un contexte de rivalité sino-américaine intense. Chaque retrait américain d'une institution alimente les soupçons sur sa neutralité et sur le fait qu'elle soit minée par la Chine. L'Europe pourrait contribuer par un activisme multilatéral à inverser cette tendance, mais ce serait avec beaucoup de difficultés et surtout prendrait beaucoup de temps.
La Nouvelle Route de la soie
Ainsi, la Chine propose ses initiatives, de la BAII aux Nouvelles Routes de la soie, à tout le monde, y compris aux alliés des Etats-Unis. Tandis que Pékin cultive le secret sur l'étendue de ses partenariats et exclut de signer des traités d'alliance formels, Washington attend de son côté des clarifications de la part de ses alliés. Dans cette bataille pour réorganiser l'ordre mondial, la Chine se pose en challenger, en ce sens, qu'elle a intérêt à entretenir l'ambiguïté stratégique et à proposer ses initiatives au plus grand nombre dont certains les accepteront.
Les observateurs avertis s'accordent à dire que nous allons assister à une bipolarisation du monde, mais il s'agira plus d'une configuration par pôles de pays relativement perméables que par des blocs figés et clairement définis. À la différence de l'ex-Urss, la Chine se présente comme une puissance de rassemblement en voulant élargir son cercle dénommé «cercle de pays amis», pour progressivement modifier les rapports de force avec l'Occident et être soutenue dans ses positions par un grand nombre de pays dans les organisations internationales. A titre d'exemple, en octobre 2019, la Chine avait réussi à rassembler au sein de l'ONU une cinquantaine de pays pour défendre sa politique antiterroriste au Xinjiang, après qu'une trentaine d'autres Etats avaient appelé à une enquête sur les camps d'internement des Ouiighours (minorité chinoise).
La nouvelle monnaie de réserve internationale
Sur un autre registre, le président de la Shanghai Gold Exchange (SGE), Zhenying Wang, a plaidé, récemment, pour la création d'une nouvelle monnaie de réserve internationale. Il veut contrebalancer le dollar américain (USD) dont il prédit que la valeur diminuera sur le long terme. Selon des observateurs financiers, cette déclaration est légitime du fait que l'USD a déjà perdu 98% de sa valeur face à l'or depuis la création de la réserve fédérale américaine (FED) en 1914. Washington utilise l'USD et l'extraterritorialité du droit américain comme des armes géopolitiques. En d'autres termes, les pays qui ne respectent pas les embargos économiques décrétés par les Etats-Unis s'exposent à des représailles. Wang estime que «le dollar est une arme pour les USA, mais une source d'insécurité pour les autres pays». Des propos qui font écho à ceux de l'ex-gouverneur de la Banque centrale chinoise, Xiaochuan, qui veut une monnaie de réserve internationale déconnectée des nations individuelles.
Il n'est pas anodin que ce soit le président du SGE qui plaide pour une nouvelle monnaie de réserve internationale. Cela laisse entendre que la Chine veut remettre le Gold Standard dans les échanges internationaux, c'est-à-dire un système monétaire international dans lequel les Etats paient leurs importations en or. L'utilisation de l'or aurait l'avantage de supprimer les spéculations sur le marché des changes. La Russie et la Turquie y en ont fait les frais ces dernières années avec l'effondrement de la valeur de leur monnaie sous les coups des banques américaines. En fait, il est impossible de déstabiliser un pays par le taux de change quand le commerce international se règle en or. Le Gold Standard a été abandonné par les Etats-Unis en 1973. Ce fut le coup qui sonna la fin du système monétaire international post-Seconde Guerre mondiale. Aux yeux de la Chine, la résurrection du Gold Standard empêcherait les Etats-Unis d'afficher une balance commerciale déficitaire sans que la valeur de l'USD ne s'écroule. En effet, la valeur de l'USD est artificiellement soutenue du fait que le reste du monde doit s'en procurer pour acheter le pétrole. Le fait que le pétrole soit vendu exclusivement en USD oblige toutes les banques centrales à détenir la majeure partie de leurs réserves en USD qui reviennent dans le panier des Etats-Unis. En termes clairs, les Etats-Unis peuvent se permettre d'avoir une balance commerciale déficitaire car les dollars qu'ils dépensent finissent par revenir via la dette empêchant au passage l'USD de se déprécier.
Réconciliation sino-américaine
Aujourd'hui, menacés par un ennemi commun, le coronavirus, les Etats-Unis et la Chine sont loin de se réconcilier. Pis encore, le conflit sino-américain s'accentue. Le ralentissement économique diminue en effet les besoins de la Chine en matière d'importations. À cela s'ajoute la chute drastique des cours du baril, le pétrole de schiste américain n'étant plus une alternative rentable au pétrole brut saoudien. Par ailleurs, la diminution drastique des entrées de touristes et d'étudiants chinois aux Etats-Unis tire vers le bas les importations de services, dont le tourisme et la formation. Au fur et à mesure qu'approchent les échéances électorales de la présidentielle américaine de novembre 2020, on pourrait assister à des déclarations excessives, voire incendiaires du président Trump et justifier l'annonce de nouvelles mesures contre Pékin. Le président sortant voudra d'abord mobiliser son électorat face à un candidat démocrate qui fera de la surenchère.
Cependant, les échanges sino-américains ne se limitent pas uniquement aux importations et exportations. Le chiffre d'affaires des filiales américaines implantées en Chine était de 164 milliards USD en 2018, selon la dernière estimation du National Bureau of Economic Research. La même année, les exportations des Etats-Unis vers le marché chinois étaient autour de 109 milliards USD. Cependant, la crise sanitaire du Covid-19 a provoqué une chute des ventes des filiales américaines en Chine au premier trimestre 2020. L'enseigne "Starbucks", par exemple, prévoit une baisse de 50% de ses ventes en Chine, qui est pourtant son plus grand marché en dehors des Etats-Unis, pour l'année en cours. Quant au constructeur automobile General Motors, qui vend plus de voitures en Chine qu'aux Etats-Unis, les ventes de sa JV avec Shanghai Automotive Industry Corporation se sont complètement effondrées (- 92% au premier trimestre 2020). De son côté, le constructeur français Renault a vendu seulement 633 voitures en Chine durant le premier trimestre 2020 contre 19 000 de la même période en 2019; le constructeur français a décidé de se retirer de sa JV avec Dong Feng.
Nombre d'observateurs avertis mettent en exergue que la pandémie de Covid-19 aura contribué au découplage entre les économies, américaine et chinoise. Mais ni la Chine, ni les Etats-Unis ne sortent gagnants de cette guerre qui a ajouté ses conséquences à l'effondrement du commerce mondial provoqué par la crise sanitaire du Covid-19. La rivalité technologique est au centre des tensions entre les Etats-Unis et la Chine, laquelle a l'ambition d'évoluer de «pays qui fabrique en Chine à pays qui conçoit en Chine».
Made in China 2025
Pour atteindre les objectifs du plan «Made in China 2025», le pays investit dans la recherche et développement (R&D), à laquelle il consacre 2,1% du PIB. En fermant son marché à Google, Apple, Facebook et Amazon, Pékin a pu construire ses propres champions nationaux (Ali Baba, Baidu, Tencent, Xiaomi). Dans le domaine de l'intelligence artificielle, la Chine est presque au même niveau avec les Etats-Unis, et le confinement de la population pour cause d'épidémie de Covid-19 aura été l'occasion de grands progrès en matière de reconnaissance faciale et de traçage des personnes. Par ailleurs, dans un marché des télécommunications bouleversé par l'introduction de la 5G, la Chine s'impose également avec l'entreprise Huawei qui devient un acteur incontournable. En dépit de son inclusion dans l'Entity list, le constructeur chinois a augmenté de 8 milliards USD ses achats de composants américains en 2019 et son chiffre d'affaires a progressé de 19%. La stratégie américaine visant à contenir Huawei est visiblement un échec. Toutefois, si le géant chinois des télécommunications a gagné une bataille, il n'a pas encore gagné la guerre, selon nombre d'observateurs. L'alternative n'est pas un réseau construit par un équipementier concurrent, mais un système désagrégé s'appuyant sur un réseau virtuel qui opère dans le Cloud et se substitue aux équipements réseaux dédiés traditionnels. Sur le plan géopolitique, il est à noter que le Cloud est un domaine dans lequel de très importants acteurs sont américains (Google, Amazon, Microsoft, Oracle). Le 8 avril 2020, le lancement par le japonais Rakuten d'un premier réseau virtuel a suscité un vif intérêt dans l'industrie des télécommunications. L'absence de Huawei dans les groupes de travail autour de cette technologie est à prendre sérieusement en considération.Offensive chinoise du soft power
Selon des spécialistes avertis, l'offensive chinoise sur le terrain du soft power a bénéficié du retrait américain et de la politique dite «America First» du président Trump. Bien avant l'apparition du Covid-19, l'Administration américaine avait proposé des coupes importantes dans le budget alloué à l'aide internationale (- 21%) et le financement de la santé dans le monde. Le 14 avril 2020, le président Trump a ainsi annoncé la suspension de la participation financière américaine à l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), dont les Etats-Unis sont le plus gros contributeur. Dans le cadre de la relance, le gouvernement américain prévoit une hausse de 274 millions d'USD au budget initial de 2.200 milliards d'USD dédié à l'aide pour l'USAid et le Centre pour le Contrôle des maladies et de la prévention. Les Etats-Unis conservent deux avantages. Le premier est la notoriété de leur système universitaire qui attirait un million d'étudiants étrangers dont 300 000 Chinois. Le second avantage correspond à l'US dollar qui continue d'être à la fois une valeur refuge et une arme.
La Chine réécrit l'histoire du coronavirus
De leur côté, les autorités chinoises réécrivent l'histoire de l'épidémie de Coronavirus en faisant l'impasse sur leur mutisme initial et les pressions exercées sur l'OMS pour retarder la déclaration de l'état de pandémie. Elles attribuent leur succès à l'efficacité de leur système politique, comparé à l'inefficacité des pays occidentaux en général et en taisant au passage les succès de deux pays asiatiques dans la gestion de l'épidémie, à savoir la Corée du Sud et Taïwan. On peut rester dubitatif sur la portée de ces actions de communication offensive tout en constatant les initiatives du fondateur du groupe Ali Baba, Jack Ma, portant sur la fourniture de matériel médical à de nombreux pays, ce qui lui donne une notoriété internationale comparable à celle de Bill Gates.
La plupart des observateurs avertis s'accordent à dire que la seule manière pour que la Chine sorte gagnante de cette crise sanitaire pour faire oublier ses attitudes peu cavalières au début de l'épidémie, serait d'être la première à mettre au point un vaccin.
À l'avenir, l'influence chinoise se concentrerait de plus en plus sur les Brics et les pays émergents et en développement, notamment, du continent africain, et pendant ce temps, les Etats-Unis renoueraient avec leurs alliés dans une Europe où persisteraient des sujets (Brexit, Iran, Moyen-Orient, Libye, etc.) de divergences, voire même de tension.
**Docteur Arslan Chikhaoui est, actuellement, Président Exécutif du Centre de consultance et d'études NSV. Il est membre du Conseil consultatif d'experts du Forum économique mondial (WEF-Davos), du Conseil consultatif du Forum défense et sécurité (DSF-Londres), et du Forum civil des Nations unies (Unscr 1540). Il est Alumni du Centre Nesa pour les études stratégiques (NDU-Washington DC). Il est, également, partie prenante dans divers groupes de travail «Track II»: Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (Nepad), Sécurité dans la région Méditerranéenne, Afrique du Nord et Sahel, Non-Prolifération des armes de destruction massive dans la région Mena, RSS en Afrique du Nord.
Arslan Chikhaoui


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