«Il est inconcevable qu'en 2020 les services du cadastre continuent de travailler avec les bonnes vieilles fiches et le stylo.» C'est le constat alarmant fait, hier, par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune. En effet, le chef de l'Etat, qui présidait l'ouverture de la Conférence nationale sur le plan de relance pour une nouvelle économie, a mis de côté son discours pour ouvrir une petite parenthèse. Il s'agit de la numérisation des services de l'Etat. «Sans cette numérisation, on ne pourra pas aller vers une économie forte et diversifiée», a-t-il souligné non sans révéler que presque tous les services financiers de l'Etat connaissaient un retard énorme dans le domaine. «Est-ce normal qu'il n'y ait pas d'interconnexion entre les différents services des impôts par exemple?», s'est-il interrogé. Le président de la République est revenu également sur les services fonciers où, dit-il, il faut faire le tour pour savoir si une personne dispose ou non d'un bien. «En principe, on doit avoir des fichiers nationaux accessibles en quelques clics. Ce n'est pas le cas actuellement», dénonce le président avant de «révéler» les raisons de ce qu'il qualifie de retards «voulus». Abdelmadjid Tebboune estime que la numérisation favorise la transparence, or certains «bureaucrates» se plaisent dans cette opacité. «La numérisation assure la transparence des transactions économiques. Beaucoup sont contre cette transparence qui leur permet de s'enrichir indûment», assure le premier magistrat du pays qui tient à rappeler qu'il n'était pas contre les hommes d'affaires qui travaillent dans les règles mais contre les prédateurs. La numérisation des services de l'Etat, particulièrement financiers, est, en effet, une solution plus qu'efficace pour faire tomber les masques. Elle permettra de réduire la part de l'informel en ayant une idée claire sur les transactions effectuées. Il sera très difficile aux barons du marché noir de continuer à se «sauver» des impôts s'il y a une traçabilité de toute la chaîne commerciale, de l'importation jusqu'au client final. C'est dans ce sens que le président de la République a demandé à ce que la priorité soit donnée à la numérisation des secteurs des douanes, des finances et des impôts. Il a appelé leurs responsables respectifs à accélérer ce chantier qu'il leur a confié dès son intronisation à la tête de l'Etat, car il faut rappeler qu'il avait fait, de la numérisation des services de l'Etat l'une de ses priorités. Au mois de mai dernier, lors d'un Conseil des ministres, il avait tracé une feuille de route afin d'introduire le numérique dans tous les secteurs économiques... «Cela afin de disposer de statistiques économiques fiables», a-t-il mis en avant. «Le numérique et la prospective sont deux facteurs essentiels pour sortir de la sphère des statistiques approximatives qui n'aident nullement à asseoir une économie forte et moderne ni à assurer la transparence des transactions économiques, dans un contexte de modernisation impérative pour la relance efficace de l'économie nationale», a-t-il, poursuivi. à peine un mois après, il crée tout un département ministériel dédié à la numérisation et aux statistiques qu'il confie à une référence dans le domaine, en la personne de Mounir Khaled Berrah. En brisant, hier, le tabou des raisons du blocage de cette numérisation, le président Tebboune a fait un grand pas vers la modernisation de l'administration et accessoirement la guerre contre l'informel. Certes, ces «raisons» étaient un secret de Polichinelle, mais que le président les dénonce publiquement, cela équivaut à une déclaration de guerre...