Le Fond monétaire international (FMI) a octroyé mercredi cinq milliards de dollars de prêts supplémentaires à l'Egypte qui, prise à la gorge, a relevé son taux directeur à un record et fait perdre à sa monnaie un tiers de sa valeur face au dollar. Le Caire, dont la dette extérieure a triplé en une décennie, avait procédé à une dévaluation de 50% ces derniers mois. Mais le FMI fait du flottement de la livre une condition à son aide. Mercredi, la Banque centrale égyptienne assure qu'elle a autorisé «le taux de change à être déterminé par les forces du marché» pour juguler l'inflation, à plus de 35%. En parallèle, elle a augmenté à l'issue d'une réunion surprise de son Comité de politique monétaire son taux directeur de six points à 27,25% —un record historique. Aussitôt, la livre a entamé sa chute. A la fermeture des marchés, elle s'échangeait à près de 50 livres pour un dollar, soit le taux du marché noir. A l'approche du ramadan, mois traditionnel de grandes dépenses, les décisions de la banque centrale ont surpris les 106 millions d'Egyptiens dont deux tiers vivent en dessous ou juste au-dessus du seuil de pauvreté.»La livre ne vaut plus rien et ça influe sur tout: les prix de la nourriture, mais aussi de l'électricité, de l'eau, du gaz qui n'arrêtent pas de grimper», s'alarme Farida Kamal, mère de famille, qui ajoute quu' «un foyer ne peut plus vivre avec 10.000 livres par mois», soit désormais l'équivalent de 200 dollars, quasiment deux fois plus le salaire minimum. Si la Banque centrale a assuré vouloir contribuer a réduire «l'écart entre le taux de change officiel et celui du marché noir», il reste toutefois impossible de savoir si Le Caire a dévalué sa monnaie ou a réellement adopté un taux de change flottant, une promesse qu'il a faite par le passé sans la respecter. Le FMI avait accordé un prêt de trois milliards de dollars à l'Egypte fin 2022, mais les tranches de prêt ont été maintes fois reportées jusqu'à ce que Le Caire avance sur les réformes économiques réclamées, en tête desquelles un «taux de change entièrement flexible». Mercredi, le Premier ministre égyptien Mostafa al-Madbouly a annoncé aux côtés du gouverneur de la Banque centrale et de la cheffe du FMI en Egypte, Ivanna Vladkova Hollar, la rallonge qui porte la totalité du prêt à huit milliards de dollars. Ces derniers mois, le marché noir a atteint un record à 70 livres pour un dollar. Il est ensuite redescendu brusquement avec l'injection fin février par les Emirats arabes unis de 35 milliards de dollars d'investissements et de dépôts dans l'économie égyptienne. Il pourrait toutefois remonter à nouveau si les retraits en devises restent plafonnés par les banques. Ecrasé par sa dette extérieure - près de 165 milliards de dollars -, le gouvernement compte sur ces investissements étrangers pour tenter de résoudre sa crise des devises. Depuis sa prise de pouvoir en 2013, le président Abdel Fattah al-Sissi dit vouloir faire du «développement» sa priorité, quitte à faire tripler la dette nationale. Les économistes dénoncent ses méga projets (villes nouvelles dont la nouvelle capitale, ponts et routes) qui n'ont fait, selon eux, que siphonner les caisses de l'Etat. L'Egypte est le deuxième pays le plus à risque de faire défaut de sa dette, juste derrière l'Ukraine.