Près de 63 ans nous séparent des massacres commis par l'administration coloniale française sur des manifestants pacifiques algériens. Sortis dans les rues de Paris pour dénoncer un couvre-feu raciste qui les ciblait particulièrement, des pères, mères et jeunes hommes et femmes furent reçus par une répression sauvage à laquelle ont pris part des policiers en uniforme sous les ordres de Maurice Papon qui répondait aux ordres de Michel Debré, ministre de l'Intérieur au moment des massacres, le 17 octobre 1961. La reconnaissance de ce crime abject a tardé, mais elle a été exprimée par le gouvernement français plus de 6 décennies plus tard. De retour sur la Seine, un groupe de 47 Algériens, venus parader au même titre que des milliers de sportifs des quatre coins du monde, ont certes fait honneur à l'esprit olympique. Ils ont accompli les mêmes gestes que tous leurs camarades athlètes. Mais les Algériens avaient une autre mission, pourrions-nous dire. Ils se sentaient l'obligation d'honorer les martyrs du 17 octobre 1961 qui, en bravant l'interdit colonial, ont contribué à l'indépendance de leur pays. Les sportifs du COA sont avant tout des Algériens. Et à ce titre, ils se devaient de se rappeler le sacrifice de centaines de leurs aînés qui ont été jetés dans la Seine pour avoir affirmé leur désir d'indépendance. La symbolique de ces roses jetées dans la Seine est très forte. Elle signifie que l'Algérie n'oubliera jamais les siens. Ceux de l'émigration ont combattu pour la libération du pays. Cela ne saurait être ignoré. Les Algériens assument toute leur Histoire et le démontrent au coeur de la capitale de l'ancienne puissance coloniale. Ils l'ont fait souverainement, au nez et à la barbe de l'extrême droite, héritière de la barbarie colonialiste qu'elle refuse d'assumer. À travers leur geste, les sportifs algériens ont ainsi répondu à Le Pen et consorts, à savoir que l'Algérie se souviendra indéfiniment de ses martyrs. Et ceux qui sont tombés à Paris dans la Seine ont la même importance que leurs frères morts les armes à la main ou sous les tortures d'un certain Jean-Marie Le Pen, en Algérie. Les lois d'amnistie ne pourront jamais effacer la mémoire d'un peuple et même les décès des protagonistes de tous les massacres répondront de leurs crimes devant le tribunal de l'Histoire. Les roses dans la Seine sont une promesse faite aux martyrs que tôt ou tard, leur sacrifice sera reconnu par le frère et l'ennemi, que l'Algérie leur demeurera fidèle quoi qu'il advienne. À ce propos, les réactions épidermiques des tenants de l'extrême droite et des discours racistes en France sont un signe de leur défaite proche devant leur peuple et l'Histoire.