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Des harragas racontent leur épopée
TIZI OUZOU
Publié dans L'Expression le 23 - 10 - 2007

Retour sur une aventure que M'hamed a tentée, l'été dernier, en faillant perdre la vie.
M'hamed raconte, dans un souffle, son aventure, les larmes roulent sur ses joues et ses yeux sont rougis de pleurs. «J'ai entendu parler des passeurs qui vous font traverser la mer avec une dizaine de millions de centimes.
Une fois déposés en Espagne ou en Italie, les jeunes sont pris en charge par les autorités et les associations locales, et alors, c'est le départ dans la vie.» Pour M'hamed, la vie dont il rêve est celle-là où les jeunes sont libres, ont un travail, peuvent avoir une voiture et une maison...Aussi, M'hamed affirme avoir travaillé comme un dingue. J'ai travaillé comme manoeuvre et je crois avoir participé à tous les chantiers de construction de la région.
Une fois que j'ai amassé le pécule nécessaire, j'ai pris attache avec un gars à Tizi Ouzou. Lui connaît des gens à l'Ouest, il m'a demandé de lui verser des arrhes. Ce que je fis. Le jour indiqué je me suis déplacé à Oran et, sur place, dans un hôtel, j'ai rencontré un certain Abdelkader qui semblait être le chef du réseau. On me remit une adresse du côté de Aïn Témouchent, un petit village de pêcheurs tranquille et coquet. Là on nous prend en charge, on nous cache dans une espèce de méchant hangar et la nuit on nous initie à la navigation. On nous apprend à nous servir de rames et, surtout, à nager et à nous déplacer en silence. L'essentiel de notre temps se passait dans le hangar où la promiscuité nous jouait des tours. Bien des fois, des bagarres éclataient pour un oui ou pour un non.
La tension extrême était due à l'angoisse qui nous étreignait. Le grand jour arriva enfin. On embarqua de nuit sur une embarcation qui ne payait pas de mine. Une fois à l'intérieur, serrés comme des sardines, on prenait conscience de la fragilité de notre position.
Un ancien pêcheur, qui était chargé de nous conduire à bon port, était responsable de tout à bord. C'est lui qui était au moteur, qui avait le GPS et qui contrôlait tout ce qui se faisait à bord. La mer était calme, la navigation allait bon train et l'espoir en nous grandissait. Nous allions, au bout de quelques heures, mettre le pied en Espagne. Beaucoup d'entre nous n'ayant pas le pied marin tombèrent malades et certains rendirent tout leur estomac.
A quelques kilomètres des côtes algériennes nous aperçûmes un bâtiment de la marine nationale. On met notre embarcation en panne et l'on dérive doucement. L'on fit silence et, recroquevillés au fond de notre «sardinier de fortune», on attend que «l'orage» passe. Mais tout à coup on a eu cette nette impression que le navire des gardes-côtes s'est aperçu de notre présence. Le «capitaine» de notre embarcation remet les moteurs en marche et vire de bord. En un moins de temps que prévu, on accoste dans une crique près de Rachgoun.
Les «clandestins» que nous sommes débarquent très vite et rejoignent la terre en se dispersant dans les environs. Chacun étant parti de son côté on ne se revit plus. Je me rappelle juste que depuis le lieu où j'étais caché, j'ai vu le navire continuer sa route. Finalement ce n'était qu'une fausse alerte, mais une fausse alerte qui nous a coûté cher car il est impensable de demander au responsable de l'embarcation de nous rembourser. Aussi, moi par exemple, je me suis retrouvé dans ce petit coin de l'Oranie perdu sans connaissance aucune et surtout sans argent.
Le maigre pécule en euros que j'avais sur moi, environ 300 euros, cachés, dans mon intimité, je ne voulais guère y toucher. Déjà dans ma tête, je pensais au prochain voyage.
Il a fallu environ un mois entier de travail sur les chantiers de l'Oranie et dans les fermes de la région pour récupérer le viatique nécessaire pour retourner en Kabylie. C'est sur ces chantiers que j'ai rencontré Yacine et Hassan. Hassan a eu moins de chance que nous, car non seulement il a fait la même expérience et perdu son argent mais, en sus, des mauvais garçons ont essayé de le délester de son argent. Hassan sourit tristement et raconte: «Une fois, pourchassés par la police avant même que l'on embarque, on a dû errer toute la nuit, et le lendemain matin on a rencontré des jeunes gens qui, apparemment, en avaient après nous, ils nous ont suivis et au bout du village, ils foncèrent sur nous, nous rouant de coups et nous déshabillant pour trouver les quelques euros que nous avions cachés sur nous. C'est donc endoloris et les yeux au beurre noir et tout notre pécule disparu que nous nous remîmes en marche vers Oran. C'est à bord d'un camion qui nous a pris en stop depuis la sortie du village en question que nous entrons dans la capitale de l'Ouest. Chez un commerçant de notre région, on s'est restaurés, lavés et c'est avec un peu d'argent qu'il nous a remis que nous sommes rentrés en Kabylie. Mais cela ne fait rien, la prochaine tentative sera la bonne.» Yacine qui s'était tu jusque-là intervient: «Oui la prochaine fois, on fera mieux et maintenant on connaît la chanson. Les gens de cette filière on peut facilement les reconnaître, on sait comment faire sans intermédiaire et cette fois-ci on nous a conseillé une bonne et solide embarcation. La seule chose qui nous fait peur, c'est l'état de la mer en ce mois d'octobre! On dit que la mer se démonte souvent sur les côtes d'Espagne.»
Les trois harragas racontent et se racontent. Oui, disent-ils presque à l'unisson, «on a cherché, mais alors cherché du travail, en vain. Et puis, un copain ayant réussi la traversée, nous a téléphoné récemment. Il nous a ainsi appris qu'il est arrivé il y a environ six mois en Espagne, et après avoir galéré pendant six mois, il se trouve maintenant dans les environs de Malaga, il a un travail stable et des papiers provisoires avant les papiers définitifs. Il pense fonder un foyer; en somme, il s'en est bien sorti! Et nous qui pensions qu'il était mort, dévoré par les poissons!» Yacine ajoute: «Vous savez, chez nous, rien que pour trouver un emploi stable, il faut du temps, alors trouver un appartement et acheter une voiture...» Hassan parle à ses amis doucement dans le creux de l'oreille comme pour leur dire: «Ne dites pas tout. Faites gaffe. C'est un journaliste, on risque d'avoir des problèmes.»
Le groupe d'amis s'excuse en prétextant des affaires urgentes et se défile. La réalité dans l'Algérie d'aujourd'hui est des plus difficiles pour beaucoup de jeunes. Les mutations économiques se précipitent et laissent bien des gens sur le carreau.
Des familles sont aujourd'hui plongées dans la misère la plus totale et des jeunes gens souffrent le martyre. Ceux d'entre eux qui veulent faire de leurs rêves une réalité tentent le tout pour le tout, et souvent confient leur vie à quelque rafiot, en ne se doutant pas qu'ils ont généralement rendez-vous avec la mort!


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