Les 110 milliards de dollars engrangés grâce au pétrole semblent faire tourner les têtes. Les responsables du secteur touristique se sont fixé un extraordinaire objectif. Attirer 20 millions de touristes d'ici l'horizon 2025, selon le ministre de l'Aménagement du territoire, de l'Environnement et du Tourisme, M.Chérif Rahmani. C'est l'une des entreprises les plus surréalistes, sans aucun doute, dans laquelle s'est lancée l'Algérie depuis son indépendance. A en croire ces informations, dans les rues d'Alger, d'Oran, de Annaba, de Constantine, on entendra bientôt parler anglais, allemand, espagnol ou italien. Nous côtoierons des Français, des Américains mais aussi des Serbes et des Roumains. Il est permis de rêver. Une Algérie cosmopolite, c'est ce que ce pays n'aurait jamais dû cessé d'être. A partir du début des années 90, les étrangers qui vivaient en Algérie ont dû plier bagage, pour des raisons sécuritaires. Leurs ambassades, et leurs Etats respectifs ont décrété la destination Algérie à haut risque. Elle était peu recommandée et dangereuse. Commença alors la descente aux enfers d'un secteur, le tourisme, qui ne respirait déjà pas la santé. Le désert algérien, pourtant épargné par les actions terroristes, fut abandonné au profit des pays voisins (Libye, Tunisie, Niger...). A l'exemple du Tassili N'ajjer et de l'Oasis de Djanet qui étaient très prisés par les touristes d'origine européenne, notamment ceux du Bassin méditerranéen, français, espagnols et surtout italiens. Sefar, Djabbaren, Tamrit sont autant de sites qui recèlent des stations rupestres de réputation mondiale. Tin Aboteka, Tin Tazarift, Tan Zoumeïtok... peuvent témoigner. Toutes ces richesses n'ont pas eu besoin de publicité, elles se sont imposées d'elles-mêmes. Elles portent les traces d'une civilisation millénaire. Mais quels efforts ont été consacrés par les différents responsables de tous les secteurs (tourisme, culture, environnement) pour vendre cette image de l'Algérie? Au niveau local, à Djanet, les quelques agences existantes à l'époque ont tenté de résister comme elles ont pu. Celles qui avaient les reins solides ont écumé. les nombreuses foires internationales, Berlin, Londres, Paris, Milan, Barcelone. La pêche aux touristes ne fut guère fructueuse. L'Onat, l'Office national algérien du tourisme, ou alors Ténéré voyages qui a tout investi dans un superbe hôtel, ont dû se convertir dans la location de voitures. Tout a été tenté. Des tour opérateurs ont organisé des vols directs Paris-Djanet sans grand succès. Que manque-t-il donc à ce secteur pour prendre son envol? Le tourisme saharien ne nécessite pas la création d'infrastructures lourdes. Le tourisme «sauvage», celui qui dépayse est celui dont raffolent les touristes étrangers. Passer la nuit sous un hôtel «mille étoiles» autour d'un feu de bois au clair de lune, c'est cela qu'ils recherchent. Le confort ils l'ont chez eux. A Paris, Milan, Venise, Madrid ou Hambourg. M.Chérif Rahmani a annoncé la réalisation prochaine de villages touristiques d'excellence. Cela n'est cependant qu'au stade de projet. Et quand bien même, pourra-t-il en constituer la panacée. Le tourisme, en lui-même, représente toute une culture. Cela commence par le billet d'avion qui demeure inaccessible pour la plupart des bourses (30.000DA pour Alger-Djanet-Alger en 2005), par la facilitation de l'obtention des visas, par l'accueil du douanier à l'aéroport et la chaîne est encore longue...La prise en charge d'un groupe touriste ne se fait pas à la légère. Elle peut se payer cash. Le bouche à oreille est aussi une arme redoutable. Plus d'un millier d'experts étrangers et nationaux se penchent, depuis lundi, sur l'état de santé d'un secteur moribond. La preuve, il n'a engrangé que 380 millions de dollars de recettes en 2007, selon le ministre du Tourisme. Après juillet 1962, de gigantesques projets ont été initiés. Industrie industrialisante avec usines clés en main, révolution agraire...C'était l'euphorie. Il y avait cette fierté d'être Algérien et ce nationalisme jamais égalé. On a remis les pieds sur terre, depuis. Aujourd'hui, les 110 milliards de dollars engrangés grâce au pétrole semblent faire tourner les têtes.