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«Slimane Azem est un poète spontané»
YOUCEF NECIB
Publié dans L'Expression le 24 - 04 - 2011

S'il y a un artiste au talent avéré et à la popularité indéniable ayant fait l'objet d'une censure injuste, c'est bel et bien Slimane Azem. Ce pilier reste malgré tout adulé en Kabylie et ailleurs. Aujourd'hui, la Maison de la culture de Tizi Ouzou abritera deux journées d'étude et d'évocation sur Slimane Azem, en attendant qu'une telle initiative touche le barde Matoub Lounès, également frappé d'un ostracisme que son amour pour l'Algérie ne justifie point. Dans cet entretien Youcef Necib, auteur du livre Slimane Azem, le poète, revient sur le poète d'Agouni Gueghrane et sur la poésie kabyle en général.
L'Expression: La majorité des lecteurs vous connaissent à travers le livre que vous avez écrit sur Slimane Azem. Quels sont les critères qui ont motivé votre choix à travailler sur un poète censuré?
Youcef Necib: Il y a plusieurs raisons. La première est qu'un poète de sa dimension n'avait pas fait l'objet, jusque-là, d'une étude systématique. Il y avait, ce que certains réalisaient, c'est-à-dire un ensemble de poèmes traduits et édités à compte d'auteur. Or, un poète de son envergure ne pouvait pas rester ignoré. La deuxième, c'est un poète dont la personnalité est particulière, puisque c'est un grand poète d'expression kabyle; en même temps, c'est un poète dont la vie a été très mouvementée. Chacun connaît les difficultés et les affres qu'il a connues en raison même des positions de certains de ses frères. A partir de là, il a fait l'objet d'un procès qui n'a jamais eu lieu au grand jour d'ailleurs. Il n'y a pas eu de procureur qui l'ait fait en tant que tel, mais c'est un procès où la décision est prise de le stigmatiser sans pour autant qu'il y ait quelque chose d'officiel. Je crois que ce poète méritait d'être réhabilité. C'est ce que j'ai essayé de faire. La troisième, il y a une poésie de qualité. On trouve dans sa poésie, à la fois l'appui sur un socle culturel et identitaire ancien et profond, et un talent de poète qui a exprimé la vie d'une Kabylie traditionnelle d'il y a un demi-siècle et un peu plus.
Comment expliquez-vous que la majorité des poètes et des chanteurs kabyles qui n'ont pas fait d'études très poussées, certains sont même illettrés, puissent représenter aujourd'hui des références en matière de savoir pour la société kabyle, mais aussi pour une bonne partie des universitaires qui travaillent sur leurs textes?
Aujourd'hui, on ne peut pas dire tout à fait cela. Les poètes kabyles ne sont pas tous des gens illettrés. Aujourd'hui, il y a une génération de poètes qui sont des cadres et qui ont fait des études universitaires, instruits et cultivés. Ils ont des références classiques et modernes. Mais c'est vrai que la génération de Slimane Azem était une génération de poètes quasi spontanés puisqu'elle n'avait pas fait d'études à proprement parler. Slimane Azem a été l'élève de l'école de son village, c'est-à-dire qu'il a été à l'école primaire pendant quatre à cinq ans et a fini avec ses cinq années de scolarité sachant lire et écrire pratiquement c'est tout. A partir de là, son talent aidant, on peut dire qu'il a puisé surtout dans la culture immatérielle de son village, de sa région et de son pays. C'est à partir de son éducation familiale, sa grand-mère en particulier, qui était un personnage formidable pour lui qu'il a donné un prolongement à son talent. Elle a été une référence. Elle avait un savoir oral traditionnel extraordinaire. Il y avait des vieux dans son village qui étaient tous des imusnawen. Lui-même était un magicien de la langue kabyle. Il la connaissait très bien. A partir de là, on peut dire que ce n'est pas la formation classique lycéenne et universitaire qui a fait de lui un poète, c'est beaucoup plus la culture traditionnelle kabyle.
Slimane Azem a fait l'objet d'une censure, particulièrement avant l'ouverture démocratique et médiatique de 1988. Il ne passait ni à la télévision ni à la radio et les journaux ne parlaient pas de lui. Magré cette censure, Slimane Azem s'est imposé chez le public. Comment expliquez-vous ce phénomène?
Slimane Azem était celui qui a été le plus censuré en définitive. Il était interdit d'émission à la radio, à la télévision et même son nom n'était pas cité durant des années. Cela dit, conjoncturellement, il y a eu tel ou tel poète qui a pu être stigmatisé pendant un ou deux ans. Je ne crois qu'il y en ait un autre qui ait fait l'objet d'une hostilité ouverte et évidente, mais qui pour autant, n'a jamais été officialisée comme Slimane Azem. Il ne faut pas oublier que c'est seulement ces dernières années que ses chansons passent à la radio. Pendant les années difficiles, on a tout essayé, en intervenant à la radio auprès des responsables, pour qu'il soit autorisé à rentrer chanter, mais c'était une fin de non-recevoir permanente. Ceci se faisait sans qu'il y ait de motif officiel.
Pourtant, à bien l'écouter, la poésie de Slimane Azem est très loin de véhiculer un message subversif ou anticonformiste comme c'est le cas chez Matoub Lounès qui reste censuré jusqu'à aujourd'hui, puisqu'il ne passe jamais à la Télévision algérienne et aucun hommage officiel ne lui a été rendu depuis son assassinat en 1998...Les censeurs de l'epoque avaient-ils peur de sa poésie ou bien y avait-il d'autres considérations?
Aujourd'hui, on en sourit. Dans le contexte de l'époque, ce qui pouvait être subversif, c'était le côté identitaire. Mais ce que dit Slimane Azem, même dans une chanson comme Taqbaïlit, c'est peu de chose par rapport à ce qui a été chanté par d'autres chanteurs. Aujourd'hui, les mentalités se sont décrispées parce que les Kabyles ont lutté.
Chez les autres peuples, les repères sont les philosophes érudits et les écrivains producteurs d'idées et de pensées Dans la société kabyle d'hier et même celle d'aujourd'hui, on se réfère plus à des chanteurs et à des poètes. Pourquoi cette spécificité?
Historiquement, et jusqu'à une date récente, l'auditoire kabyle était tourné vers la tradition orale. Vous n'avez qu'à voir le statut de la parole dans la société kabyle, «azal bbawal». C'était la parole qui était importante. Quand la parole était chantée en plus, c'est-à-dire lorsqu'elle est portée par une phrase musicale et esthétique, elle porte encore beaucoup plus. Ce n'est pas étonnant donc que ce public, majoritairement analphabète dans les années 1940/1950 se tournât vers quelque chose qu'il comprenait. Il ne pouvait pas se tourner vers quelque chose qu'il ignorait. La quasi majorité des Kabyles de l'époque connaissait assez peu Mouloud Feraoun et Mouloud Mammeri qui étaient issus de leurs villages. Ils connaissaient très bien les chanteurs. Pourquoi? Parce que c'était l'oreille qui travaillait et ce n'était pas le cerveau avec une culture savante et une culture livresque.


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