«Nous nous sommes installés dans le provisoire et la médiocrité et avons cessé de travailler. Dans leur majorité, les Algériens ont confondu l´indépendance et l´Etat providence. Tout un chacun se met à attendre les pétrodollars.» C´est ce qu´écrivit en 1985, avec une incroyable lucidité politique, Ferhat Abbas, dans son livre «Demain se lèvera le jour» qui vient d´être publié à titre posthume. Un quart de siècle s´est écoulé depuis, et nous sommes toujours dans le même schéma. Le premier président du Gpra est mort tranquillement et il ne se retournera pas dans sa tombe car nous n´avons pas trahi sa pensée. Nous ne travaillons toujours pas, nous naviguons à vue dans nos stratégies économiques et nous attendons tout de nos pétrodollars. Sauf qu´au début du XXIe siècle, nos pétrodollars ne suffisent plus. L´année 2011 a été inaugurée par des émeutes sur la cherté des produits alimentaires et celle de 2010 a été clôturée par une rareté sans précédent du sachet de lait après avoir été marquée par une «boulimie» des importations. En ce début du XXIe siècle, les alertes des experts se font de plus en plus pressantes: les pays en développement risquent gros quant à leur sécurité alimentaire. Changer les habitudes alimentaires, en finir avec le gaspillage des ressources et le gâchis de nourriture, ne pas se priver des technologies nouvelles comme les OGM. Un rapport publié lundi par le gouvernement britannique dessine des pistes pour nourrir la planète en 2050. L´Algérie, qui importe 75% de ses besoins alimentaires, en fait partie, même avec ses milliards de dollars. La question de la sécurité alimentaire maintes fois posée, n´est pas résolue dans notre pays comme dans les pays pauvres. En d´autres termes, nous risquons, à tout moment, d´être affamés et nos milliards de dollars dans les caisses. Il ne s´agit pas de simples supputations quand on voit à quel point l´Algérie dépend du marché extérieur. Notre pays est aujourd´hui, le premier importateur africain de denrées alimentaires. Et en moyenne, 60% de la consommation nationale de lait en poudre nous vient de l´extérieur. Le calcul est vite fait: nous sommes aussi menacés que le plus pauvre pays de la planète. Alors que l´humanité ne parvient déjà pas à nourrir les 7 milliards existants, l´équation alimentaire va s´aggraver de manière exponentielle sachant que la population globale devrait atteindre 8 milliards d´individus en 2030 et 9 milliards en 2050. Il n´y a pas de recette miracle: il faut une politique cohérente et réfléchie pour relever le défi de l´alimentation. Un défi gigantesque pour le monde et pour notre pays, car les nouvelles flambées annoncées des prix des denrées alimentaires, font craindre de nouvelles tensions.