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“Un intellectuel lucide et tendre à la fois”
Ahmed Lallem, retour d'exil
Publié dans Liberté le 15 - 11 - 2009

“Mon pays est la terre, ma famille l'humanité” (Khalil Gibran)
Ahmed va grossir le nombre des artistes revenant au bercail après avoir, dans son cas, dû le fuir en 1994 pour des raisons de sécurité, menacé par le terrorisme islamiste, s'il est encore possible de le nommer par son vrai nom. “Avec Ahmed Lallem, le cinéma algérien ne perd pas seulement un pionnier, mais surtout un artiste écorché qui n'a pas bénéficié des moyens que son engagement politique et son talent conjugués auraient mérités.'' (Ministre de la Culture). Ahmed ne pouvant plus ni s'indigner ni s'esclaffer — ceux qui l'ont connu savent qu'il aimait s'esclaffer ! —, ne faudrait-il pas lui épargner ce genre d'hommage, assez inconvenant, surtout émanant d'une autorité qui préféra distribuer des bons de pèlerinage et quelques chèques dans la bonne tradition féodale, plutôt que de s'occuper à redonner vie au cinéma algérien et espoir à ses artisans ? Ahmed n'est plus là, je peux donc, sans me faire rabrouer encore, parler d'espoir. Lui, depuis des années, n'en avait plus beaucoup… Plus de films, plus de salles de cinéma, même dans les grandes villes comme Constantine... Après mon dernier passage dans cette ville, comme il avait appris par la presse que les fauteuils et les tentures de la salle de la cinémathèque avaient été remis à neuf, il me demanda si l'on avait pensé à y installer les appareils de projection... Six ou sept ans après, toujours pas, semble-t-il. Ahmed avait émis le souhait de revenir mourir dans son pays mais, selon la personne qui m'a rapporté ses paroles, il parlait de Tamanrasset… Loin, bien loin donc de la capitale, tout près d'une autre frontière, sans doute au cas où… Ses dernières années, il les avaient passées à Tours, une ville où il avait déjà habité et où des amis fidèles l'avaient aidé à aménager après sa dernière opération du cœur dont il était sorti extrêmement affaibli. Mais à partir de ce moment, il sut qu'il devait renoncer à ses grands projets. Après son dernier film important, 30 ans après, co-produit avec Arte (1996), il aurait voulu s'attaquer à une grande fresque documentaire sur la relation algéro-française à l'époque coloniale, et il m'avait demandé de le co-réaliser (début 2000). Son idée était de remettre en cause les idées reçues en la matière et notamment les sempiternels schémas nationalistes. Pour lui, la colonisation comme moment historique complexe ne pouvait pas plus se réduire à ses aspects “positifs” que “négatifs”, à moins de considérer comme négative la naissance même du nationalisme algérien, dans les années du XXe siècle de la dure période coloniale (et non, par exemple, du XIXe, à l'époque de la douce domination ottomane…). v“Les routes et le chemin de fer français, me disait-il, n'avaient-ils pas permis à des militants de semer leurs idées d'est en ouest et du sud au nord ?” Le projet était trop grandiose pour nos forces, pour les siennes, et ce, dans un contexte où, à l'autisme algérien voué à l'autoglorification qui ne laisse aucune place à l'interrogation critique du passé, répondent de plus en plus en France des œuvres plus soucieuses d'en finir avec le complexe de culpabilité colonial que de mettre en relief la complexité de cette réalité… Avec toutes ses forces, Lallem serait-il arrivé à bout de son projet, et donc à bout de ces histoires franco-algériennes, officielles et/ou idéologiques ? La partie eut été rude en tout cas. Toujours est-il que ce projet aurait été aux antipodes de ce faux cinéma documentaire d'après l'Indépendance, et même d'avant, quand les cinéastes au service d'une idée et (déjà) d'une censure, se devaient de répondre aux nécessités de la propagande héroïque du moment. Aussi, Lallem se serait évidemment esclaffé une nouvelle fois en lisant l'hommage officiel : “Il fit ainsi partie de ceux qui ont donné au cinéma national sa légitimité historique.” Car, pour avoir rejoint, durant la guerre d'indépendance, justement le groupe audiovisuel de Tunis, il ne manquait jamais de réfuter le poncif en vogue “du cinéma algérien né dans les maquis”. Contrairement au Vietnam, il n'y eut jamais de reporters algériens dans les montagnes, ni de laboratoires cinéma dans des caches souterraines. Allez trouver un historien qui écrive une chose aussi simple que ça… L'aversion de la langue de bois et ce souci du réalisme, Lallem les eut sans doute depuis le début et jusqu'à la fin. Ne préféra-t-il pas être photographe plutôt que cinéaste ? Son instinct avait dû le prévenir qu'il serait ainsi plus proche de la réalité et de la vérité, les films étant eux soumis, pour le montage de l'image comme pour la bande-son, à un strict contrôle. Son premier vrai film ne fut-il pas Elles (1966), cette perle de documentaire ? Les lycéennes à qui il donna la parole, enfin, en avaient profité pour dire une aspiration de liberté qui crevait l'écran, comme si elles avaient deviné que ça n'allait pas durer ! Les autorités auront-elles le courage de montrer ce film à la TV à la fin de l'an 2009 ? Les citoyens et surtout les citoyennes pourraient ainsi mesurer le grand bond (en arrière) des mentalités. Et c'est précisément de cela que dans son dernier film tourné en 1995, Lallem avait courageusement traité, en retrouvant, 30 ans après, cinq des lycéennes de 1965… La confrontation au réel est toujours une grosse épreuve, surtout dans un art de l'image et du son, si proche de la réalité… La peur qu'elle génère encourage toujours la paresse à se couler dans les représentations polies par le conformisme de la société et de ceux qui la dirigent. Et je crois pouvoir dire que Lallem faisait partie de cette catégorie de cinéastes algériens qui n'ont pas fui cette épreuve. Terminant mes études de cinéma en 1976, j'avais de suite voulu assister un réalisateur. Il se trouve que Lallem allait commencer son deuxième long métrage Barrières. Et moi qui venais d'une école qui m'avait enseigné que l'on arrivait sur un plateau de tournage avec un schéma de mise en scène extrêmement pensé, voire dessiné (story-board), j'eus le spectacle d'une construction (avec les comédiens et l'opérateur notamment) qui s'organisait et se mettait en place… in live. Au début, la méthode, vertigineuse de spontanéité, m'apparut périlleuse, mais très vite, je dus admettre qu'elle ramenait à la fiction l'imprévisible du vrai documentaire, sa vraie beauté. Ce qui, d'ailleurs, faisait dresser les cheveux, déjà blancs, du chef opérateur Lakehal… Mais, même si notre complicité cinématographique en resta malheureusement à cette première expérience, je dois encore bien plus à Lallem. Je ne parle pas du fait qu'il fut un des rares cinéastes à ne pas se sentir agressé par mon premier long métrage fiction Ahlam (l'empire des rêves mettait en scène un film en train de se faire et le sujet en était la mythomanie) et à ne pas se joindre à la cabale animée par le directeur de la Cinémathèque de l'époque qui alla même jusqu'à faire courir le bruit — déjà — que c'était “un film anti-algérien”! Mais du fait que lorsque redevenus complices par l'exil, et après le visionnage de mon documentaire Chroniques algériennes (tourné en 1994 dans différentes régions d'Algérie comme un acte de résistance à l'islamisme), il s'autorisa à me dire, gentiment mais clairement : “Jean-Pierre, à présent, tu dois t'intéresser à la mémoire pied-noire et juive… Tu viens de là, et il te revient d'en parler…” Et, effectivement, je n'ai rien fait d'autre par la suite. Mais pour que les tabous et les verrous sautent, il avait fallu que les mots soient dits. Ses mots avaient été mon sésame. J'osais aborder ce qui m'avait été interdit autant par le système du parti unique que par mes propres dénis, les dénis de tous les dhimmis du monde qui, pour supporter leur situation de minoritaire (honteuse puisque non reconnue), s'amputent de leurs propres origines, comme si une origine ça pouvait être honteux… Rendre hommage à Lallem aujourd'hui est, je crois, saluer le véritable pionnier du vrai cinéma documentaire algérien, commencé avec Elles et poursuivi avec son filmage du Festival panafricain de 1969 — dont malheureusement le générique du film de William Klein ne fait guère mention — et clôturé avec 30 ans après. Ce cinéma ne cherche à fonder aucune “légitimité historique” ou “nationale”, comme disent les officiels. Sa seule légitimité est de tenter de représenter la réalité avec le plus de vérité et d'honnêteté possible, en faisant fi de toutes les doxas. La maladie aura empêché Lallem de nous livrer ce film sur l'histoire de la colonisation qui eut fait crier, on peut en être assuré, nos gouvernants à la trahison. Mais c'est aussi laisser sa chance à la nouvelle génération de saisir l'opportunité de contribuer à la constitution d'une histoire enfin libérée de ses mythes fondateurs. En attendant, et pour l'honorer autrement que par des formules convenues et hypocrites, à la mémoire de l'homme qu'il fût, de cet homme qui aimait et respectait les femmes, de ce père qui s'en voulait d'une paternité dont les difficultés de l'exil et de la maladie aggravèrent les manques, et de cet intellectuel lucide et tendre à la fois, esclaffons-nous et levons un verre ! Et que chacun le remplisse à sa convenance !
- Ahmed Lallem, cet homme qui portait l'Algérie dans son cœur, a été enterré hier. Lui, qui a été forcé de la quitter en 1994, car menacé de mort, est revenu dans son pays, non pour y vivre des jours heureux, mais pour y être enterré. Sa dépouille a été exposée au palais de la culture Moufdi-Zakaria pour un dernier regard de sa famille, ses amis. Des hommes du septième art, des compagnons de route ont tenu à lui rendre un dernier hommage en se recueillant sur sa dépouille. C'est un des piliers du cinéma algérien qui disparaît. Ce 14 novembre, c'est aussi le 13e anniversaire du décès du grand patriote Alfred Bérenguer.
Un homme qui a donné sa vie à ce pays. Reposez en paix, l'Algérie ne vous oubliera pas !


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