Voir et entendre un soufi est toujours une expérience pleine de leçons. Cela s'est confirmé encore une fois avant-hier soir, au siège du quotidien Algérie News, à Alger, à l'occasion de la conférence-débat qu'a animée le cheikh Khaled Bentounes, chef de la Tariqa Alawiya, autour du thème “Soufisme et révolutions arabes”. Abordant les évènements qui se sont déroulés en Tunisie et en Egypte, le conférencier a rappelé qu'il s'agissait d'une volonté populaire qui s'était exprimée. En revanche, il fait la différence entre ces deux pays et ce qui se passe en Libye. Tout en s'abstenant de faire des critiques directes ou claires, il a néanmoins soulevé la violence utilisée et l'intervention de l'Otan. Il se contentera d'afficher son espoir de voir les Libyens arriver à régler leurs problèmes et à assurer l'unité de leur nation. Ce sujet a, d'ailleurs, suscité une certaine effervescence dans la salle. Une femme dans le nombreux public présent, qui affirme avoir visité la Libye, a fait une intervention plus remarquée que remarquable, même si elle a touché à des aspects “intéressants”. Elle a ainsi déclaré que Kadhafi avait “réduit au silence” les sensibilités soufies, et aurait même déterré des saints patrons de leurs tombes. Elle affirma également qu'elle espérait que les Senoussi reviennent au pouvoir en Libye. Une brèche à travers laquelle on aurait vu cheikh Bentounes en profiter. Il faut rappeler, à ce sujet, que pour prendre le pouvoir, Kadhafi avait déposé, en 1969, le roi Senoussi qui appartenait à une confrérie (qui porte le même nom) dont l'origine est de l'Ouest algérien, exactement de Mostaganem, soit la même ville de la Tariqa Alawiya. Toutefois, le cheikh ne semblait pas vouloir entrer sur ce “terrain”, se contentant d'appeler à la paix et de ne pas rentrer dans la fitna. Les systèmes politiques ont été aussi “approchés” dans l'analyse de cheikh Bentounes. Il a tenu ainsi à affirmer que les soufis sont pour un pouvoir civil, que ce soit en Algérie, en Egypte ou en Tunisie en affichant son refus d'une théocratie. Dans son approche, il ajoutera qu'“il n y a pas d'Etat islamique, et il n'y a pas eu d'Etat islamique dans le sens de l'Etat qu'on comprend aujourd'hui”. Pour le chef de la tariqa Alawiya, l'islam politique est “juste un moyen comme un autre” pour ceux dont le but est le pouvoir, en ajoutant que dans ce cas “la religion est utilisée comme un cheval de Troie”. Il ira même jusqu'à donner (presque) raison à Karl Marx et son expression : “La religion est l'opium des peuples”, tout en rappelant, avec ironie, que même le communisme a voulu jouer le même rôle. Pour les exemples “intéressants”, le conférencier n'a pas caché une certaine admiration pour le modèle turc. “C'est un pays en pleine expansion, qui a un système démocratique et dont le parti au pouvoir est de sensibilité musulmane.” N'omettant pas l'un des aspects singuliers des soufis, cheikh Bentounes est revenu sur le message universel de l'islam, en le mettant au temps présent. Il notera : “l'Occident nous a menés vers une crise de sens”, et qu'il est donc temps de “ne pas être des imitateurs, mais des moujtahidine en nous inspirant de la véritable philosophie islamique”. Il en profitera pour lancer un appel, aux jeunes et moins jeunes : “donnons de nouvelles espérances, soyons les promoteurs d'une nouvelle vision du monde.”