Le joueur et le système

Faut-il se réjouir de cette victoire de la veine et du cœur ? La veine qui, pour une fois, semble nous sourire et le cœur que quelques jeunes joueurs y mettent malgré les handicaps qui les ont défavorisés devant leurs deux premiers adversaires.
Ou bien faut-il regretter que ce genre de succès cache-misère qu’on doit à des culots et à des ardeurs individuels d’une bande de jeunes?
On ne peut pas ne pas savourer un exploit. Mais rien, sinon le fond technique presque naturel et l’engagement inconsidéré de ces garçons ne justifiaient les résultats d’une équipe qui a accroché le Cameroun et battu l’Égypte. En deux rencontres, ils ont montré qu’il disposaient d’une capacité physique qui leur permettait à peine de s’exprimer quelque quinze à vingt minutes. Engagés qu’ils étaient, ils dépensaient d’emblée leurs épargnes physiques. Pas même une stratégie d’économie, faute d’un plan de préparation ! Ce n’est pas un hasard si les buts sont marqués dans les premières minutes du match ou lors d’un remplacement.
Quant à la tactique, il ne faut pas sortir d’une école de football pour observer l’errance dégagée par chacun des joueurs.
Le football est l’un de ces sports où on n’est point obligé de vaincre logiquement pour triompher. La règle est connue de tous les adeptes : c’est le résultat technique qu’on retient, même si la gloire consiste à le réaliser avec la manière. Dans ce genre de triomphe qui laisse un goût d’inachevé, il y a plus à méditer qu’à pavoiser. Ce qui s’impose d’abord, c’est qu’il y a encore des Algériens qui peuvent “mouiller le maillot� par fierté et “pour les couleurs�. Cette noble pugnacité des joueurs, nous autorise à nous régaler d’une victoire qui, au vu des prestations techniques de nos adversaires, semble, à première vue, frappée d’illégitimité.
En même temps, et comme un exploit a toujours ses parrains officiels, il y a quelque gêne à regarder le nul arraché au champion d’Afrique ou la victoire obtenue contre les Pharaons comme les produits d’une équipe nationale, ce qui suppose une politique nationale globale d’où découlerait une politique des sports qui sous-tendrait une politique du football, ce qui suppose un ministère qui conduit une politique des sports et du football, une fédération qui encadre et encourage, un entraîneur national qui met en œuvre un plan de préparation, etc. Sans hésitation, rien de cela. Entre l’année politicienne de l’Algérie en France, la quête des privilèges, la course aux mandats internationaux et les campagnes électoralistes, il n’y pas de place pour les objectifs, les stratégies et les programmations pour le football comme pour toute activité d’intérêt national.
Autant que moi, aucun responsable, Saâdane compris, puisqu’il a parlé de chance, ne sait pourquoi les Verts ont battu l’Égypte. De ce point de vue, leur commentaire même devient superflu, puisqu’ils n’y sont pour rien dans un tel résultat.
Or, le résultat peut les conforter dans des positions qui ne leur servent pas à réaliser leurs missions théoriques. La régression du pays, dans bien des secteurs, pour ne pas dire tous, est le fait de l’incompétence et du manque d’engagement. Il arrive qu’un sursaut d’orgueil du dernier maillon de la chaîne d’un secteur fasse croire, furtivement, que tout va pour le mieux.
Il faut donc savoir savourer le plaisir d’une réalisation, surtout qu’elles ne sont pas quotidiennes, sans oublier que dans ce pays, transformé en champ de manœuvres politiciennes, elles sont toujours le fait d’exploits individuels, non celui d’un système.
M. H.
musthammouche@yahoo.fr