L'art de pratiquer le double langage est une des constantes qui caractérisent le mieux le style du chef de l'Etat. Défendre mordicus une thèse devant les uns et soutenir, dans le même temps, son contraire, et avec le même aplomb, ne l'encombrent guère. Cet art de conjuguer au parfait les contradictions, il en fait un instrument de sa politique. n'avait-il pas déclaré, alors qu'il n'était encore que candidat à la présidentielle, que son ambition était de faire coexister Khalida Messaoudi avec Abassi Madani ! On ne peut pas dire qu'il n'a pas réussi d'une certaine façon. Dans le contexte politique actuel, tant sur le plan national qu'international, c'est le même principe de base qu'on retrouve. Il n'y a que la configuration patente qui change. À un peu plus d'une année de l'élection présidentielle qui est en fait la toile de fond, voire la finalité ultime de sa démarche, il tente encore une nouvelle alchimie des contraires en cherchant à s'attacher les bonnes grâces des islamistes algériens et, pour être dans l'ère du temps, il embouche, à l'extérieur, les trompettes de l'antiterrorisme. L'illusion d'un consensus politique qu'il a tenté d'instaurer n'a pas pu résister à la dynamique des contradictions irréductibles. Et cela s'est alors soldé par son divorce d'avec les démocrates dont il s'est servi de la caution pour soigner l'image de marque de l'Algérie vis-à-vis de l'étranger. Le départ du RCD du gouvernement, suite aux événements de la Kabylie, fait que le président de la République s'est retrouvé, du jour au lendemain, en position de partenariat forcé et exclusif avec les islamistes. Ces derniers, acculés à avoir le profil bas, ne demandent pas mieux que de lui faire provisoirement la courte échelle de façon à pouvoir amorcer leur come-back sur la scène politique le moment venu. Depuis qu'il est au pouvoir, Bouteflika ne cesse de multiplier les gestes de bonne volonté à leur égard. À commencer par sa politique de concorde civile qui a permis, à ceux qui ont “accepté” l'offre, de se dédouaner à peu de frais de leur crime contre le peuple algérien. La reculade sur le dossier de la réforme du système éducatif s'inscrit également dans cette même démarche visant à caresser dans le sens du poil les islamistes. Et la boucle est bouclée avec ce qui a fait ces derniers jours la “Une” de tous les journaux, à savoir la libération de Ali Benhadj. Pour ceux qui avaient encore des doutes quant aux tractations secrètes du Président avec les islamistes, les propos de Ali Yahia Abdenour sont là pour lever définitivement toute équivoque. L'avocat du n°2 du FIS avait répété que le chef de l'Etat avait bel et bien envoyé des émissaires à la prison militaire de Blida. Le fait d'avoir refusé l'offre pour des raisons qui ne regardent que Benhadj, ne remet pas pour autant en cause le contrat entre les islamistes et le Président. Dans la logique des choses, une telle attitude devrait se traduire, au plan international, par un alignement plus ou moins assumé sur les positions qui sont celles des islamistes. C'est exactement l'inverse qui est servi pour la consommation extérieure. Du moins en apparence. C'est un Bouteflika plus que jamais va-t-en-guerre contre le terrorisme islamiste qui monte en première ligne, surtout depuis que la donne internationale a radicalement changé dans la foulée des attentats du 11 septembre contre les Twin Towers. Il souscrit d'emblée à la création d'une coalition internationale contre le terrorisme, tout en prenant le soin réthorique d'expliquer que l'initiative n'est en rien contre l'islam et le monde arabe. Ce qui n'empêche pas les services algériens d'échanger des informations sécuritaires avec leurs homologues américains. En échange de quoi, notre pays reçoit du matériel militaire américain et va encore en recevoir, comme l'a révélé avant-hier, William Burns. C'est dire à quel point Bouteflika, plus que jamais décidé à briguer un deuxième mandat, sait marier la chèvre et le chou pour arriver à ses fins. Sauf que ce type de mariage contre-nature, n'est pas à l'abri des secousses dès lors que le charme vient à rompre. N. S.