Les producteurs de boissons sont abasourdis. L'article 51 du projet de la loi de finances (PLF), tel qu'amendé et adopté par l'Assemblée populaire nationale (APN), risque "de détruire l'une des rares filières agroalimentaires organisées et structurantes". L'Association des producteurs algériens de boissons (Apab) a alerté toutes les institutions, APN, Conseil de la nation et ministères des Finances, du Commerce et des Ressources en eau, sur la gravité de la situation. "Malheureusement, toutes les tentatives de rapprochement des institutions sont restées vaines", a indiqué le président de l'Apab, Ali Hamani, lors d'une conférence de presse organisée hier à l'hôtel Hilton à Alger. L'article 51 du PLF 2016, adopté par l'APN, stipule que "le tarif de la redevance due en raison de l'usage à titre onéreux du domaine public hydraulique est fixé pour les eaux minérales, eaux de source et les eaux pour la fabrication de boissons à un dinar le litre d'eau expédiée des ateliers d'emballage. Le produit de la redevance est affecté à raison..." Ce que conteste l'Apab, c'est la mention de la catégorie des eaux de fabrication de boisson. M. Hamani a précisé que l'article a été amendé par la commission des finances et du budget de l'APN. Pour le président de l'Apab, les eaux de fabrication de boissons ne doivent pas être visées par cette disposition. Et pour cause, les eaux de fabrication de boissons sont déjà soumises à une redevance au titre de l'usage public hydraulique, et ce, conformément à l'article 99 de la loi de finances 2003, et les industriels de la boisson s'acquittent de cette redevance depuis son entrée en application. "Appliquer la redevance prévue par l'article 51 serait une double imposition sur une même assiette fiscale", estime l'Apab. Par ailleurs, l'article 98 de la loi de finances 2003, auquel l'article 51 de la loi de finances 2016 fait référence, a été modifié par l'article 82 de la loi de finances 2005. Le législateur a limité le champ d'application de la redevance, qui était initialement d'un dinar par litre d'eau expédié des ateliers d'emballages, aux eaux minérales et eaux de sources. Enfin, l'article 51 de la loi de finances 2016 mentionne clairement "un dinar pour chaque litre d'eau expédié des ateliers d'emballage". Or, affirme l'Apab, "les eaux de production de boissons, contrairement aux eaux minérales et aux eaux de sources, ne sont pas directement conditionnées. Elles sont utilisées comme ingrédient dans la composition de la recette définitive de la boisson, ou pour un autre usage". Par conséquent, elles relèvent de l'article 99 de la loi de finances 2003. "Devoir supporter cette augmentation supplémentaire sur le prix de vente de boisson, sortie usine, en plus de la dépréciation du dinar et des autres coûts majorés par la loi de finances 2016 (gasoil, électricité...), aura des effets incontournables", a averti M. Hamani. Les unités de production, qui n'auront pas les capacités financières pour faire face "à un tel bouleversement fiscal", risquent de fermer et des dizaines de milliers d'emplois directs et indirects seront perdus. M. Hamani a évoqué, aussi, la perte de toute compétitivité sur les marchés extérieurs au moment où le gouvernement veut développer les exportations hors hydrocarbures. La filière a exporté en 2014 près de 37 millions de dollars et prévoit d'exporter 40 millions de dollars en 2015. L'article 51 de la loi de finances 2016 pourrait induire un effet d'inflation estimé à près de 15 milliards de dinars. L'Apab appelle à exclure la catégorie des eaux de fabrication de boissons du champ d'application de l'article 51 de la loi de finances 2016, "de manière à prévenir un préjudice certain, aux conséquences désastreuses".