Les experts restent convaincus que "tant que la devise continuera à être vendue au square Port-Saïd au vu et au su des pouvoirs publics, il sera difficile de parler d'efficacité d'aucune loi, quelle que soit sa force". Coïncidant avec la conjoncture sécuritaire qui prévaut, actuellement, dans les pays arabes et les derniers attentats perpétrés en Europe, le débat sur le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme s'impose de lui-même et constitue un impératif dans les politiques à mener. D'où l'intérêt de la journée d'étude et de sensibilisation organisée conjointement, hier, à l'hôtel El Biar, par le site électronique Lkeria.com, spécialisé dans l'immobilier et piloté par Lotfi Ramdani, et l'école de formation PMS-El-Nada. De nombreuses vérités ont, en effet, été révélées lors de cette rencontre pour retenir la plus édifiante qui consiste à dire que "80% des transactions immobilières passent par l'informel". C'est, du moins, ce qui a été reconnu par M. Aouidet, en sa qualité de président de la Fédération des agences immobilières, qui a plaidé pour que "les conditions soient réunies afin que l'agent immobilier puisse pleinement jouer le rôle qui lui incombe" et sans lequel "quelle que soit la force de la loi, elle ne connaîtra aucun aboutissement sur le terrain". À la question de savoir à combien s'élève l'ampleur de ce fléau, M. Aouidet répond : "C'est un phénonème difficile à évaluer en chiffres et qui échappe à tout contrôle". Et de souligner avec force qu'"il n'existe aucune volonté réelle de l'Etat d'aller vers la traçabilité de la transaction immobilière". D'autres experts évoqueront le problème de la non-convertibilité du dinar, de la corruption à grande échelle et surtout de la devise qui se vend au vu et au su des pouvoirs publics en toute impunité au square Port-Saïd. L'avis des experts quant à la nouvelle législation : "La déclaration de soupçon est loin d'être une solution" La nouvelle législation algérienne en la matière a, en février dernier, sorti le pays de la liste noire établie par le Gafi (The Financial Action Task Force), mais ne permet pas pour autant d'être à l'abri de se voir "recalé" pour non-efficience de tout ce qui est prôné par l'Etat pour lutter contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. C'est la raison pour laquelle Lotfi Ramdani a longuement insisté, lors de sa présentation, sur la pertinence de mener un travail de vulgarisation de la loi et de sensibilisation en mettant l'accent sur "l'important rôle que doivent jouer les professionnels de l'immobilier dans la lutte que mène le pays en la matière". Il reviendra, à l'occasion, sur l'évolution du cadre législatif et réglementaire et rappelle que "c'est dans ce cadre que la loi a imposé à des professionnels ciblés, dont les intermédiaires de l'immobilier, certaines obligations sous peine de s'exposer à des poursuites" en faisant référence à l'obligation de soupçon à formuler à la Cellule de traitement du renseignement financier (CTRF), à l'obligation de connaître la clientèle, d'informer et de former leur personnel et de filtrer la clientèle en se basant sur la liste des terroristes établie par les Nations unies. Mais les experts présents à la rencontre ne l'entendent pas de cette oreille et insistent sur "l'inopérance de la loi telle que formulée" en soutenant qu'"elle n'a pas tenu compte des spécificités algériennes notamment en recourant à la déclaration de soupçon". Ils ne comprennent pas d'ailleurs "l'adoption de tels textes lorsqu'il existe déjà d'autres canaux, à l'image de la déclaration fiscale et la Conservation foncière". D'autres iront plus loin en évoquant "le risque d'étouffer l'activité" qui connaît déjà une baisse au lieu de "l'organiser" et qu'il existe des préalables à ce qui s'apparente à la "délation" avec tout ce que cela suppose comme dérapage. Vers qui se retournera la personne blanchie par la justice en cas de soupçon infondé pour demander réparation et quelle conséquence sur le déclarant ? Résultat des courses, pratiquement 0% de déclaration de soupçon de la part des agents immobiliers, à peine 150 de la part des banques et quelque 300 émanant d'Algérie Poste qui abrite 19 millions de comptes. Nabila Saïdoun