Dans le cadre de la célébration du premier anniversaire de la disparition du maître de la musique malouf, le festival lui rendra hommage ce jeudi 7 décembre, et ce, avec la participation d'une pléiade d'artistes, à l'instar des fils et petit-fils de Fergani, Salim, Mourad et Adlène, ainsi que Dib El-Ayachi, Faouzi Abdenour et tant d'autres. Les organisateurs du Festival international du malouf, qui se tient depuis lundi à "l'opéra" de Constantine, le théâtre régional en l'occurrence qui porte désormais le nom du défunt chantre du malouf el-hadj Mohamed Tahar El-Fergani, rendront hommage à celui-ci, lors de la cérémonie de clôture, prévue pour ce jeudi. La voix aux quatre octaves qui s'est éteinte, il y a une année exactement, planera sur les planches du majestueux édifice qui vibrera lui, lors de cette soirée, au rythme des intonations des fils et petit-fils de Fergani. Salim, Mourad et Adlène Fergani, ainsi que Dib El-Ayachi, Larbi Ghazal, Cherif Berrachi et Faouzi Abdenour animeront cette soirée vouée exclusivement à la mémoire du maître incontesté du malouf, sous la direction du maestro Samir Boukridira. Décédé le 7 décembre 2016 à l'hôpital parisien Georges-Pompidou à l'âge de 88 ans, Mohamed Tahar El-Fergani a légué un très riche patrimoine musical et un répertoire aussi fourni. Pendant près de 70 années, il apprivoisera au quart de note les plus incertaines des mélodies, immortalisant de sa voix chaude des mythes tels Salah Bey El-Boughi, Damaïa Jara et autres Dhalma. Oscillant allègrement entre les genres et répertoires musicaux, il propulsera de sa virtuosité le malouf constantinois au rang d'école incontournable et l'inscrira au registre des musiques savantes. Versé à ses débuts dans le genre hawzi, il apprit le désamorçage des notes auprès de son père Baba Hamou qui l'initia d'abord au f'hel (petite flûte), puis au nay à côté de cheikh Ammar Benmalek. Précoce, il rejoindra à l'âge de 25 ans seulement la troupe des chioukhas (maîtres) regroupant l'élite de l'andalou, hawzi et malouf de l'époque. Mohamed Tahar El-Fergani, qui explorera dans un premier temps la musique orientale au sein de l'association Toulou El-Fajr (l'aurore), magnifiera de sa voix chaude et vigoureuse les répliques qu'il donnera aux œuvres des ténors égyptiens de l'époque, notamment Oum Kaltoum et Mohamed Abdelwahab, lui qui était pourtant acquis à la cause du hawzi. Inimitable à l'interprétation, il était aussi un poly-instrumentiste hors pair et non moins un virtuose du violon : un gaucher au coup d'archet ensorcelant. Sous l'impulsion de ses principaux maîtres, cheikh Hassouna Amin Khodja et cheikh Baba Abeid et au contact d'autres sommités, telles que Dahmane Benachour et Abdelkrim Dali, il parviendra très vite à maîtriser les répertoires des trois écoles de la musique arabo-andalouse, à savoir la sanaâ algéroise, le gharnati tlemcénien et le malouf constantinois. Ce dernier, demeuré claustré dans les foundok de Constantine avant que Mohamed Tahar El-Fergani n'opère lui-même une véritable démocratisation de ce genre musical à travers notamment sa propre maison d'édition, la Voix du Rossignol, surnom qui l'accompagnera jusqu'à son dernier souffle. Ambassadeur de la chanson algérienne à travers le monde, il sillonnera les capitales, y compris occidentales, pour des concerts de haute facture et dont les enregistrements sont toujours disputés par les mélomanes, et amassant les hommages et distinctions là où il passait. Sa carrière, il la consacrera également à la constitution d'une authentique famille d'artistes en initiant fils et petits-fils à son art. "Son sens mélodique aigu, son génie sans pareil dans l'improvisation, la richesse de son style, sa virtuosité dans le maniement du violon, tenu à la verticale, et son audace à dépasser ses limites ont fait école et, pour lui, c'est la plus belle des récompenses pour une aussi longue carrière", lit-on à son propos. Louable aura été aussi l'initiative du commissariat du Festival international du malouf, qui a rendu un autre hommage lors de la cérémonie d'ouverture à des figures artistiques de la ville de Constantine, parties sous peu dans une totale indifférence, Laïd Fenikh et Nadir Bouda en l'occurrence. Kamel Ghimouze