"J'avais 40 ans lorsque j'ai formulé ma demande pour acquérir un logement social. J'ai aujourd'hui 60 ans, ma santé est déclinante et je ne vois rien venir", s'est lamentée Nacera qui, après vingt ans d'attente d'un logement social, voit encore son rêve s'éloigner davantage. Rencontrée hier, elle était sur la passerelle de Gué-de-Constantine aux côtés de plusieurs autres familles pour crier leur détresse. Hommes, femmes et enfants, munis de pancartes et brandissant des affiches sous un soleil de plomb, étaient là pour réclamer le droit de bénéficier d'un toit. "La coupe est pleine", s'écrie Mohamed, fulminant de rage, rejoint par d'autres personnes qui, d'une seule voix, ont réclamé l'ouverture d'une enquête pour faire toute la lumière sur leur situation qui traîne depuis plusieurs années et situer les responsabilités. "Cela fait des années que nous attendons. Il y en a même qui sont morts sans jamais voir leur rêve se concrétiser. Aujourd'hui, notre attente est conditionnée par une preuve que les plus hautes autorités doivent nous fournir pour être fixés sur notre sort", ont-ils réclamé. Il y a deux mois, nous avons rencontré le wali délégué, et encore une fois, la semaine dernière, qui nous tient toujours le même discours : ‘La liste est au niveau de la conservation'." Mohamed, Lyès, Aziz, Fettouma, Zineb, Malika et les autres ont frappé à toutes les portes. En vain. "Le wali délégué de la daïra de Bir-Mourad-Raïs n'arrive pas à nous fournir une explication plausible, alors, il n'arrête pas de nous renvoyer ou de nous parler de manière impolie." Il leur signifie sans ménagement : "Si ça ne vous plaît pas, allez fermer les rues ou brûler des pneus, je n'en ai cure." Ils se sont adressés alors à Aarous, président de l'APC de Gué-de-Constantine, pour demander des comptes, et son comportement, selon eux, n'a pas été meilleur : "Nous avons essayé à plusieurs reprises de nous entretenir avec lui pour lui exprimer notre détresse. Il nous a d'abord ignorés, pour finir par s'emporter et nous dire : ‘Voici l'APC, koulouha (mangez-la) ou harkouha (brûlez-la)'." Et de poursuivre : "Aujourd'hui encore (hier, ndlr), nous l'avons attendu plusieurs heures, mais il n'a pas daigné nous recevoir, alors qu'il était dans son bureau, et c'est une journée de réception. En désespoir de cause, nous avons décidé d'occuper la rue et, plus précisément, la passerelle pour que tout le monde nous voie (…)." Par ailleurs, la commune de Bab Ezzouar a connu des actions similaires où même te tramway a été bloqué pendant une partie de la journée. À la question de savoir pour quelle raison la localité de Gué-de-Constantine n'a bénéficié d'aucun logement social depuis 2011 si l'on exclut ceux qui étaient dans les bidonvilles, Moussa Aarous, P/APC de Gué-de-Constantine, nous explique : "La situation est très compliquée dans la mesure où sur les 4 000 demandes de logement social enregistrées, la commune a bénéficié d'un quota d'à peine 180 unités. Vous comprendrez qu'il est difficile, voire impossible, de contenter tout le monde." Notre interlocuteur, qui reconnaît aussi qu'"il existe des injustices", nuance cet état de fait : "Cela dépasse complètement mes compétences car cette opération de relogement est chapeautée par d'autres instances au niveau de la daïra et autres." Aarous précise qu'"il connaît bien les citoyens de sa commune, ceux-là mêmes qui sont réellement dans le besoin sans que le dernier mot leur revienne". Il déplore, par la même occasion, le fait "d'être aussi impuissant devant la détresse de ces familles" qui, selon son propre témoignage, "vivent dans des conditions inhumaines et méritent un toit et une vie décente".