Samir Khatib, un homme d'affaires, est donné favori pour le moment, mais la possibilité de sa nomination à la tête du gouvernement n'a toujours pas été tranchée. Le président de la République, Michel Aoun, tiendra aujourd'hui des consultations parlementaires contraignantes pour nommer un nouveau Premier ministre, après la démission de Saad Hariri sous la pression de la rue le 29 octobre. Le chef de l'Etat et ses alliés continuent de privilégier l'option d'un gouvernement dit "techno-politique", mais la rue réclame un cabinet formé intégralement de personnalités indépendantes. Ce bras de fer risque de perdurer encore alors que le Liban court droit vers la catastrophe économique. La rue, de son côté, continue de vibrer sous les slogans de milliers de manifestants ne montrant aucun signe d'essoufflement. De grands rassemblements ont été organisés encore hier à travers le territoire national. À Beyrouth, la capitale, et dans les grandes villes, à l'instar de Tripoli, Tyr et Saida, les manifestants sont sortis en nombre pour maintenir la pression sur l'élite politique au pouvoir. Sous le slogan, "Dimanche de colère", des milliers de Libanais ont battu le pavé pour le 54e jour depuis le déclenchement du mouvement de contestation. Les protestataires ont qualifié cette journée de "troisième tournant dans la révolution", après ceux du 17 octobre dernier, début de la révolte populaire, et du 22 novembre, à l'occasion de la fête de l'indépendance. Les tentatives de consultations pour la formation d'un gouvernement, près de deux mois après la démission de Saad Hariri, ont toutes débouché sur des échecs. En cause, les déchirements et les guéguerres entre des formations politiques qui ne sont pas près de lâcher les rênes du pouvoir. Le parti fondé par Michel Aoun, le Courant patriotique libre (CPL), dirigé par son neveu, Gebran Bassil, et le parti du Premier ministre sortant Saad Hariri, le Courant du Futur, se sont échangé vertement les accusations sur la responsabilité du blocage institutionnel en cours. En coulisses, le puissant mouvement chiite, le Hezbollah, tente pour sa part de s'accrocher au pouvoir rejetant toute concession sur son influence historique dans la prise de décision dans le pays. L'opposition de son côté continue de refuser d'intégrer un gouvernement dont la survie peut être de courte durée face à l'ampleur de la mobilisation des Libanais. Le chef du Parti socialiste progressiste (PSP), Walid Joumblatt, a affirmé samedi qu'il refusait d'entrer dans un gouvernement qui menace les fondements constitutionnels. "Nous passons par une phase pleine de défis et de difficultés, et des phases plus difficiles nous attendent encore... Nous n'avons pas de solution autre que celle qui repose sur la solidarité sociale, l'entraide et la formation d'un gouvernement conforme à l'accord du Taëf et la Constitution", a-t-il indiqué. La situation financière, très précaire avant le début de la contestation, s'est profondément dégradée depuis. Ces dernières semaines, des milliers de personnes ont soit été licenciées sans préavis, soit vu leur salaire divisé par deux.