Comme il fallait s'y attendre, les déclarations du président de la République, Abdelmadjid Tebboune, sur la nécessité d'exploiter le gaz de schiste en Algérie ont enflammé la Toile et suscité une vague d'indignation dans le Sud. D'après la réaction des spécialistes, le premier risque dû à l'exploitation du gaz de schiste est l'émission de gaz à effet de serre, qui provoque le réchauffement climatique. Le second risque est celui de la pollution des nappes phréatiques et de l'air. C'est dire que l'eau contaminée par le gaz de schiste n'est plus potable, et elle contamine à son tour les sols et la végétation. "Le Président a fait savoir que l'exploitation du gaz de schiste s'est développée aux Etats-Unis qui auraient autorisé de forer des puits même entre des villas. Il a certainement oublié de préciser que pour libérer le gaz de la roche-mère, il faut des forages profonds de 1 000 à 3 000 m, puis l'injection d'un fluide composé d'eau, de sable et de détergents sous pression allant jusqu'à 600 bars. Ces opérations auraient déjà causé des consommations de nappes phréatiques outre-Atlantique, à la suite notamment de fuites d'hydrocarbures le long des tubages", a-t-on rappelé, en précisant qu'entre 2 et 8% du combustible extrait, et qui se compose majoritairement de méthane — un gaz à effet de serre — seraient relâchés dans l'atmosphère au niveau des puits forés aux USA. Les activistes d'In Salah se préparent, de leur côté, à regagner la place Essemoud, l'endroit symbolisant leur soulèvement, en 2015, contre l'exploration et l'exploitation du gaz de schiste dans les bassins d'Ahnet, à 25 km d'In Salah, pour contrecarrer cette opération qui pourrait provoquer une fragmentation des paysages et contaminer les sources d'eau souterraines, sachant qu'un forage nécessite quelque 20 millions de litres d'eau, soit la consommation quotidienne d'environ 100 000 habitants, précise-t-on encore. Cette réalité manque, toutefois, d'éléments dissuasifs aux yeux du président de la République, qui a, lors de l'entrevue accordée mercredi soir à certains responsables de médias publics et privés, estimé "nécessaire" le recours à l'exploitation du gaz de schiste. Pour faire avaler la pilule aux opposants à ce projet, il promet que l'exploration de cette énergie non conventionnelle se fera dans "le calme" et en concertation avec "les spécialistes en la matière." "Si nous voulons élever le niveau de vie, cette richesse doit être exploitée", a-t-il soutenu, en tenant à souligner que "l'exploitation du gaz de schiste nécessite un débat national. Une richesse que Dieu vous a donné, pourquoi vous en priver ?". Pour étayer ses propos et titiller l'ego des anti-gaz de schiste, le locataire du Palais d'El-Mouradia présente ce projet comme la panacée évitant à l'Algérie de recourir à l'endettement extérieur. Pour lui, "nous consommons aujourd'hui 43% de notre production de gaz et avec le nombre de logements réalisés et les projets d'approvisionnement de la population en gaz dans les zones montagneuses et rurales, notre consommation interne de gaz atteindra plus de 60% à court et à moyen terme." À défaut de données techniques concluantes, Tebboune s'est permis de recycler les arguments de son prédécesseur en estimant que l'Algérie est "un pays producteur de gaz plus que de pétrole et cette réalité s'impose. Nous avons la deuxième ou la troisième réserve mondiale de gaz de schiste et nous n'exportons ni matières agricoles ni industrielles. La porte est ouverte à l'exploitation du gaz de schiste et nous ouvrirons le débat avec les milieux influents".