Résumé : La vieille Halima reçoit les jeunes gens et leur offre un thé, avant d'entamer la suite du récit. Eperdument amoureux d'une belle blonde du Nord, Amar était venu lui demander de prédire son avenir. Qu'avait-elle donc pu prévoir ? La vieille s'humecta les lèvres avec une herbe et poursuit : - C'est à partir de ce moment-là que j'ai deviné la fissure qui allait s'opérer tôt ou tard dans sa relation avec votre mère. Je voyais tout d'abord un amour sincère entre eux, une union, puis des embûches. Beaucoup d'embûches. C'était un amour contrarié. Un amour qui devait affronter des tempêtes. La loi de l'opposition n'est pas toujours un avantage. Il y avait trop de différences entre eux. Ils étaient de deux niveaux différents et n'avaient rien en commun, si ce n'est ce sentiment vite étouffé par tous ces aléas qu'ils avaient rencontrés. Amar n'était pas le bienvenu dans la famille de votre mère… et votre mère n'était pas la bienvenue chez les M. Alors, la fissure était prévisible. Malgré sa lutte, ce couple n'avait pu vivre que quelques années — 4 ou 5 ans —, le temps de vous concevoir. Votre père en avait assez de vivre dans un milieu qui n'était pas le sien et dans lequel il était méprisé, alors qu'il était traité comme un prince dans sa famille. Votre mère qui, de son côté, avait dû passer outre la volonté de ses parents pour l'épouser a le plus souffert. Elle était départagée entre son mari, sa famille et ses enfants. Finalement, c'est votre père qui eut la sagesse de mettre fin à cette intenable situation. Il décida alors de retourner dans sa famille et revint au Sud le cœur plus meurtri que jamais. Il a tenté l'impossible pour garder le contact avec votre mère et vous, mes petits. Mais vu la distance qui vous séparait, le temps a fini par faire relâcher les sentiments et les liens. Amar a quand même souffert bien longtemps de cette situation. Il s'était remarié avec une fille de la région et a eu trois enfants. Un garçon et deux filles. Il s'exila en Europe et ne revint plus. Il n'avait pas totalement abandonné sa nouvelle famille, mais son amour pour votre mère l'a accompagné jusqu'au dernier souffle. - Au dernier souffle ? demande Toufik. Notre père est donc mort ? - Oui, il y a de cela une dizaine d'années. Il est mort dans un accident, et on a rapatrié son corps pour l'enterrer au cimetire familial. - Ici à Tam ? demande Linda. - Oui. Vous pouvez vous recueillir sur sa tombe si vous le voulez. Mais auparavant il faut que vous sachiez que toute votre famille a quitté le Sud. - C'est ce qu'on nous a dit, rétorque Toufik. Mais pourquoi cette émigration au Nord ? - Oh, comme cela, vous savez, les nouvelles générations sont tellement instables. Vous avez encore quelques tantes ici au Sud dans certaines villes limitrophes, et votre grand-oncle est décédé il y a deux années environ. Quant à vos cousins, ils ont tous réussi dans leur scolarité, et la plupart d'entre eux sont soit dans le Nord, soit à l'étranger. - Pouvez-vous nous donner quelques renseignements sur eux ? - Non, mon fils, je suis trop vieille pour m'intéresser à tous ces jeunes. Je sais seulement qu'ils viennent de temps à autre passer quelques jours dans la grande maison familiale. Quelquefois on se rappelle de moi. Les femmes viennent alors me rendre visite et me gavent de présents. À part cela, je serais incapable de vous en dire davantage. Reconnaissez au moins que vous avez retrouvé une trace de votre famille. - Oh oui ! s'écrie Linda. Nous connaissions juste quelques bribes de cette histoire de nos parents. Ma mère n'aimait pas tellement replonger dans le passé. - Il faut la comprendre, elle aussi. Mais, en réalité, vous êtes aussi les héritiers de Amar. Il va vous falloir entrer en contact avec vos demi-sœurs et frères. - Mais que savent-ils de nous, ces gens-là ?
(À SUIVRE) Y. H. [email protected] Vos réactions et vos témoignages sont les bienvenus.