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Un combat reste toujours à mener
Contribution
Publié dans Liberté le 31 - 10 - 2020

Le Sila n'aura pas lieu cette année. Pour garder le lien entre écrivains, éditeurs et lecteurs, Liberté ouvre ses colonnes et leur donne la parole...
Par : SELMA HELLAL ET SOFIANE HADJADJ
(EDITION BARZAKH)
"Demain l'incertain/encore plus incertain que l'hier" Abdellatif Laâbi.
Plus qu'un rendez-vous à la fois culturel et commercial, le Sila est, au fil des années, devenu un jalon de la vie sociale algérienne. C'est réellement un événement – un phénomène, encore partiellement inexpliqué. Mais voilà : énième anomalie dans l'anomalie répétée de ces jours de pandémie, béance de la fin octobre : le Sila 2020 n'aura pas lieu, et l'heure est grave.
Flashback. En avril 2000, nous créons Barzakh, notre maison d'édition. Cette année-là, très exactement en octobre, se tient la cinquième édition du Sila. Un si jeune salon, qui a repris vie en 1996, après dix années d'interruption. C'était il y a vingt ans. Bouteflika avait été élu président de l'Algérie un an plus tôt. Il était censé tourner définitivement la page des années de terrorisme et nous faire entrer dans une ère de paix et de prospérité.
Il n'y avait ni métro ni tramway alors, la promenade des Sablettes n'existait pas et la Grande mosquée ne s'était pas posée le long de l'autoroute. Trois semaines auparavant, les jeux Olympiques de Sydney s'étaient clôturés. L'Algérie n'avait glané qu'une seule médaille d'or, celle du 1500 mètres féminin où Nouria Mérah-Benida avait battu, au finish, deux Roumaines tenaces. Elle allait avoir trente ans et nous aussi. Mais qui se souvient de Nouria Mérah-Benida ?
Et donc, en ce mois d'octobre de l'année 2000, sous le ciel d'Alger à la lumière si particulière – lumière d'un "bleu invincible" comme la décrit Mohammed Dib –, nous participons au Sila pour la première fois. Nous sommes émus et intimidés de pénétrer dans le Palais des expositions, aux Pins Maritimes. Dans le hall principal, dans ce décor comme figé depuis les années soixante-dix, nous nous installons avec notre stand minuscule et nos toutes premières publications... C'est là que nous rencontrons ceux qui deviendront nos collègues et parfois nos amis.
Smaïn Ameziane, directeur des éditions Casbah, rompu aux préparatifs de l'événement, est en quelque sorte notre mentor ; il a un air à la fois paterne et incrédule devant le couple épris de littérature, plein d'allant, que nous formons. Azzedine Guerfi, patron des éditions Chihab, amical, nous sourit de son large sourire plein de malice. Nous croisons l'historien Daho Djerbal qui, littéralement, porte la revue "Naqd" à bout de bras... Et surtout, nous faisons connaissance avec le public. Tout semble possible.
Nous avions déjà sept titres au catalogue, certains affreusement imprimés à l'imprimerie de la revue Révolution Africaine située à Belouizdad (qui se souvient encore de Révolution Africaine ?). Mais nous en savions la qualité d'écriture, la singularité radicale. Il y avait deux romans en arabe, ceux de H'mida Ayachi et de Bachir Mefti, et, en français, le premier roman d'Arezki Mellal. Il y avait également "L'œil du chacal", inquiétant météorite dans le ciel sombre de la fin des années quatre-vingt-dix, recueil de contes raffinés et cruels de l'énigmatique Younil (qui se souvient encore de Younil ?).
Il y avait aussi "Zarta !", premier roman luxuriant, biscornu, déjà dissident, du journaliste-reporter Mustapha Benfodil, travaillant à l'époque au journal "Liberté". En couverture, un dessin de Jaoudet Guessouma – un bidasse en cavale, hilare et débraillé, déclinaison locale du brave soldat Chveïk dont les aventures en feuilleton télévisé avaient égayé notre enfance – et, en guise de préface, un texte de SAS, intitulé "Génération Benfodil" (quelle émotion aujourd'hui, vingt ans après, en ce mois d'octobre 2020, de voir Mustapha Benfodil, l'un de nos plus fidèles auteurs, lauréat du prix Mohammed Dib pour son dernier roman "Body writing" !)
Vingt ans ont passé, nous avons connu tous les avatars : du stand étriqué, avec tables, affiches et étoffes de fortune, à celui, chic et imposant (un brin arrogant ?), fendant l'espace comme un paquebot ; désormais, et depuis quelques années, plus sages, y compris dans notre comptabilité, nous nous en tenons au même espace, marqué au coin "Barzakh". Même s'il y eut des années plus insouciantes et facétieuses que d'autres, même si la fatigue s'est insinuée, jusqu'à la lassitude parfois, jusqu'au découragement (chaque fois vaillamment conjurés par la petite équipe Barzakh, verticale et stoïque jusqu'au soir, aimable et pugnace dix jours durant), cette échéance a toujours été un rendez-vous crucial.
Une occasion de "pavoiser", c'est-à-dire de "s'apprêter", comme on le fait à l'occasion d'une fête, d'une cérémonie, pour affirmer sa fierté d'être soi, d'être un acteur culturel tentant de cultiver son indépendance, de maintenir, coûte que coûte, une ligne éditoriale cohérente et exigeante. Occasion, surtout, de faire honneur au public. Le fameux public du Sila : étudiants, familles, flâneurs, enfants...
Quid du Sila 2020 ? La pandémie est passée par là. Maudit Covid-19 ! Une personnalité officielle a annoncé : "L'édition 2020 sera remplacée par un salon virtuel et une plateforme de vente en ligne". Allons, bon ! Le Sila n'est ni une plaque tournante professionnelle (comme l'est la Foire de Francfort par exemple, cette année convertie en effet en événement virtuel à l'organisation tirée au cordeau) ni un espace de débats particulièrement captivants (relisez le texte désopilant de Hajar Bali...). C'est d'abord une gigantesque halle où des milliers de livres se touchent, se retournent, se renversent, se tâtent et, in fine, s'achètent, ce qui, après tout, est l'essentiel.
Tout cela est-il bien sérieux ? Les éditeurs n'ont pas été consultés, d'autres formules auraient pu être inventées, comme, par exemple, de modestes opérations délocalisées au niveau des librairies et cafés littéraires du pays. Mais non, rien de cela n'a été pensé, suggéré. Car nos institutions ne veulent jamais rien de modeste, il faut toujours de la démesure, du grandiloquent. Le ministère de la Culture, paralysé dans son obscure léthargie et les dédales de ses couloirs, était-il seulement capable de s'ajuster à pareil contexte ?
En avait-il seulement l'envie ? D'autant que les caisses sont vides, nous assène-t-on sévèrement depuis des années, comme on réprimanderait des enfants "gâtés-gavés", reléguant les "années fastes", sous Khalida Toumi, à une expérience lointaine et vague – opulence dont nous nous sommes tous accommodés, dont chacun a profité (avec pour seul et fragile garde-fou, son éthique personnelle), et qui aura durablement corrompu les âmes.
En attendant, disons-le sans détour : le secteur de l'édition se meurt. Habituellement, des centaines de nouveautés paraissent en prévision du Sila. Cette année, il n'y en a eu qu'une poignée. Dans notre cas précis, cette année est une année blanche, qui met en péril l'existence même de notre structure. La crise nous frappe de plein fouet, tout comme elle frappe les autres maillons de la chaîne du livre, distributeurs, libraires, imprimeurs ; tout comme elle frappe des pans entiers de l'économie. Nous ne pouvons pas nous satisfaire de déclarations d'intention (aussi sincères et louables soient-elles), de promesses, de belles phrases. Si rien n'est fait concrètement, c'est tout un pays, et une société civile, qui sont condamnés à l'asphyxie.
Chacun y va de sa formule pour tenter de mettre des mots sur le mal : "pays coagulé", diagnostiquait l'autre jour un vieux professeur de médecine, génie des métaphores médicales ; "pays sous cloche", écrivait tantôt un ami écrivain – pays engourdi, étourdi, ankylosé, pétrifié. Maudit virus ! C'est sa faute, assurément. Mais d'aucuns, de par le monde démocratique, ne s'y sont pas trompés, s'alarmant du risque de dérive autoritaire, du toujours-plus-de-contrôle induits par les mesures sanitaires (confinement, dépistage, couvre-feu, etc.), lesquelles ont bon dos.
Et chez nous ? Plane "le syndrome de la dictature" dont parle si finement l'écrivain égyptien Alaa Aswany, aujourd'hui en exil, dans son dernier essai – un livre à méditer. À la hantise du virus, s'ajoute la peur. Dans cette expérience des limbes que nous faisons, chacun, impuissant, se demande sans doute par-devers soi : comment résister à la destruction intime, comment convertir l'invraisemblable énergie de février 2019 en un "agir", en un "faire" ? Où puiser notre énergie, comment mobiliser notre enthousiasme quand, chaque semaine, dans cette "Algérie Nouvelle" dont on nous répète ad nauseam qu'elle consacre le droit et la liberté d'expression, quidams, étudiants, journalistes ou militants sont arrêtés et condamnés pour des motifs tellement fallacieux, tellement invraisemblables que, si les peines n'étaient pas aussi lourdes et dures, cela relèverait de la farce ?
Alors que le réel – cette chose terrible qui n'a cure des stratégies politiques – nous rattrape par le cou et menace de nous exploser au visage, domine le sentiment d'un cauchemar éveillé. Le cauchemar du Procès de Kafka où l'absurde se mêle à une forme de terreur cotonneuse. Le cauchemar des films d'action hollywoodiens où, tels des passagers damnés, nous serions prisonniers d'un train inarrêtable filant à toute vitesse vers le gigantesque mur de la catastrophe économique et sociale. Sauf que, ni Denzel Washington ni Steven Seagal ne surgiront de quelque nuit mystérieuse, pour, miraculeusement, nous sauver. Il n'y a pas de miracle possible sinon celui de réellement faire œuvre de changement.
"Que faire" ? L'éternelle question... Dans le monde des livres – et que fréquentent, quelles que soient leurs conditions, des milliers d'Algériens, au moins une fois par an, lors du Sila précisément –, et dans le nôtre en particulier, monde marginal, minuscule et pourtant invincible de la littérature, une obsession domine : celui du pouvoir qu'elle donne. Pouvoir à la fois dérisoire et absolu.
Alors, avec ou sans Sila, que faire ? Eh bien, se remettre au travail, celui d'éditer de la littérature, reprendre consciencieusement sa besogne, avec l'opiniâtreté de qui connaît son ouvrage, en songeant aux mots si précis et si précieux de Mohammed Dib, encore lui, toujours lui : "Pourtant c'est nécessaire, il faut s'exposer, un combat reste toujours à mener, celui de faire œuvre de vie. Mener en paroles, en actes, par écrit. Opposant aux discours soufflés par la haine, à l'instigation au crime, les mots justice, espoir, amour, sans se décourager..."


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