En d'autres termes, dans les situations où «juif» et «démocratique» ne sont pas compatibles, comme c'est généralement le cas, on ne doit se faire aucune illusion sur qui l'emportera. Soyons clairs. Israël ne peut pas être réellement démocratique et talmudique en même temps, et dans les circonstances actuelles, le mieux que l'Etat juif puisse faire, c'est de faire semblant d'être vraiment démocratique ou d'utiliser la démocratie comme un simple habillage pour masquer sa nature fasciste. C'est ce à quoi a fait allusion Ahmed Tibi, membre arabe de la Knesset, lorsqu'il a réagi à la nouvelle loi. Il a dit qu'elle signifiait d'abord et avant tout que l'Etat d'Israël est démocratique seulement pour les Juifs et juif pour les non-Juifs, en particulier les Arabes. «Il n'y a aucun pays au monde qui oblige ses citoyens à jurer fidélité à une idéologie ou à un engagement partisan. Israël fait la preuve qu'il n'est pas égalitaire et qu'il est de fait démocratique pour les Juifs et juif pour les Arabes.» Par ailleurs, cette nouvelle loi prête également à une autre lecture, à savoir cibler les Arabes. Car elle vise l'importante communauté arabe en Israël, qui constitue plus de 23% de la population d'Israël et s'accroît à un taux plus élevé que le taux de natalité juif, que les millions de réfugiés palestiniens, déracinés de leurs maisons et de leurs villages en 1948 et qui revendiquent leur rapatriement dans ces maisons et ces villages dans ce qui est maintenant Israël. Pour ce qui concerne la communauté arabe en Israël, la nouvelle loi semble leur dire que leur existence en tant que citoyens en Israël ne peut être garantie pour l'éternité et qu'ils pourraient avoir à chercher une «réalisation nationale» ailleurs, c'est-à-dire dans un futur Etat palestinien. Autrement dit, la nouvelle loi brandit la menace du transfert à la face des 2 millions de Palestiniens considérés comme des citoyens israéliens «à part entière.» Dans tous les cas, la nouvelle loi affirme la nature juive d'Israël, surtout au détriment de la démocratie. C'est ce qu'on lit entre les lignes : «Israël est avant tout un Etat juif, et si vous n'êtes pas juif, ne vous attendez pas à jouir de droits et de privilèges pleins.» En dernière analyse, si un citoyen non-juif aspire à la pleine égalité, il ou elle devra se convertir au judaïsme orthodoxe (les autres courants du judaïsme ne sont pas acceptés) ou quitter le pays. En ce qui concerne les réfugiés palestiniens qui aspirent à revenir chez eux, la nouvelle loi leur dit que ce n'est même pas la peine de rêver d'un rapatriement en Israël. Cela perpétuerait le conflit palestino-israélien et le rendrait insoluble au moins pour de nombreuses décennies à venir. Il ne fait aucun doute que l'approbation de cette loi explicitement fasciste constitue l'«infrastructure juridique» d'une possible déportation des citoyens palestiniens d'Israël pour résoudre le problème israélien de croissance démographique. Les dirigeants sionistes, dont le Premier sinistre Netanyahu, demandent systématiquement que l'Autorité palestinienne reconnaisse Israël en tant qu'Etat juif. Israël n'a jamais vraiment explicité de façon satisfaisante ce que «Etat juif» était supposé vouloir dire. Toutefois, si l'on prend les déclarations des responsables israéliens pour argent comptant, «Etat juif» implique qu'Israël a le droit, au moins à un moment donné dans le futur, d'expulser ses citoyens non-juifs vers l'Etat palestinien à venir. (suivra)