Après les importantes gratifications financières, le club phare de la capitale des Hauts-Plateaux sétifiens, juste après ses succès en Coupe arabe des champions (2007 et 2008), va bénéficier d'une tarte d'une valeur incommensurable. Ainsi, l'autorité va non seulement ajouter de l'eau à un moulin, mais le raccorder à l'océan. Puisqu'elle décide de réserver un lotissement de 22 071,2 m2 constitué de lots de terrain d'une superficie oscillant entre 240 et 317m2 pour une valeur de 5000 DA le mètre carré. Dans un premier temps, on opte pour une parcelle située à El Hidab-Nord, un nouveau pôle urbain, le premier choix du terrain. Montée loin des regards de la population d'une ville qui n'arrive plus à planter un équipement public, sachant qu'une partie de son assiette foncière a été détournée durant la décennie noire, la mission est confiée à l'Agence de wilaya de gestion et de régulation foncières urbaines de Sétif. Spécifiant clairement que ladite coopérative est destinée à l'ES Sétif, la décision du wali est signée le 27 mai 2008. Sans tarder, dès le lendemain, la direction du club dresse une liste de 35 personnes. Bizarrement, les noms de l'entraîneur en chef (Rabah Saadane), de son adjoint (Zohir Djelloul) et du préparateur des gardiens (Azzedine Berama) ne figurent pas dans la première liste signée par le président de l'Entente, Serrar, n'oubliant pas d'accompagner la correspondance par une attestation sur l'honneur (El Watan dispose d'une copie de tout le dossier). Apprenant le coup fourré, l'ex-entraîneur en chef et son adjoint mettent la pression. Leurs doléances trouvent des oreilles attentives. Les plaignants seront par la suite invités à procéder au premier versement des lots 9 et 10. Moins «chanceux», le préparateur des gardiens fera quant à lui face à des portes closes. Pis encore, la première liste sera «triturée» pour ne pas dire traficotée par des mains invisibles ne trouvant aucune peine à rayer 6 joueurs (Djabou, Djediat, Mecheri, Moumen, Nateche, Badache), ainsi que le soigneur (Alloua Fellahi), le secrétaire de la section (Rachid Djerroudi), l'ex-joueur Amar Bernaoui, l'administrateur (Abdelkrim Maiche), le directeur administratif, Laid Nouaoui. Les noms de six joueurs rayés de la liste Les «bannis» sont remplacés par les plus proches de 17 gros bonnets, dont beaucoup n'ont aucune relation avec le club phare de l'antique Sitifis, lequel a été impliqué et malgré lui dans la spéculation foncière. N'ayant aucune qualité d'industriel, certains footeux des années 1980 et 1990 ont été gratifiés de nombreux hectares de la zone industrielle, vendus par la suite contre des milliards. Et les exemples ne manquent pas. Soulignons que ces «transactions» qui ont pénalisé les véritables créateurs d'emplois et de richesses ont été scellées dans leur totalité lors de la décennie noire. Flairant la bonne affaire, les pistonnés auxquels on a offert des superficies oscillant entre 190 et 344,96 m2 pour le prix d'une baguette de pain, versent en un clin d'œil le prix de l'acquisition d'une valeur de 950 000 dinars à 1 724 800 dinars. Récompensés sans doute pour «services rendus», les pistonnés qui ont pris la place des pauvres, n'étaient pas à l'étroit et ne résident plus du côté d'Ain Fouara, où ils étaient «de passage». Pour connaître la main qui a biffé la liste initiale, on a essayé de joindre l'ex-directeur de l'agence foncière. Frappé d'une forte amnésie, celui-ci ne se rappelle plus de rien. Son successeur refuse poliment de parler du sujet. Le refus de l'un et le silence de l'autre ne nous découragent pas pour autant. Après une bonne «prospection», on tombe sur un ex-cadre connaissant l'affaire sur le bout des doigts. Le jeune retraité a bien voulu éclairer notre lanterne sous le sceau de l'anonymat : «A cause d'un problème juridique, le dossier va moisir dans les tiroirs de l'agence durant de longues années. D'autant que les services des domaines de la wilaya refusent et à juste titre de céder de gré à gré plus de 22 000 m2 à une entité commerciale». Comme les paroles s'en vont et que les écrits restent, le directeur qui ne voulait certainement pas se mouiller (du Domaine s'entend) saisit sa direction générale, basée à Alger. Celle-ci donne son feu vert, mais l'opération devait dès lors se faire dans le cadre de l'investissement. Le dossier est donc remis une fois sur la table du conseil d'administration de l'agence foncière, qui valide. Le dossier sera par la suite présenté devant le Comité d'assistance à la localisation et à la promotion des investissements et de la régularisation du foncier (Calpiref) présidé par le wali, lequel donne, à travers la décision 256/12 du 28 mars 2012, un accord de principe pour la réalisation de 61 villas individuelles à Gaoua – quartier de la périphérie nord-est de Sétif. «L'agence foncière est une nouvelle fois chargée de la réalisation des villas avec un rez-de-chaussée, uniquement», dira en préambule notre interlocuteur. «Néanmoins, lors de la passation des consignes entre l'ancien directeur et l'actuel, en 2013, le dossier ne disposait ni de permis de lotir ni de permis de construire. En octobre 2013, changement à la tête de la wilaya de Sétif et au niveau du conseil d'administration de l'agence, présidé par le chef de l'exécutif». Le «brûlot» est actualisé et fait l'objet de deux réunions. Le R+1 se transforme finalement en R+2 avec toiture. Par la force des textes en vigueur, la concession se transforme en cession, une fois le projet achevé. Le lotissement individuel «offert» à l'Entente sportive sétifienne redevient donc une «promotion immobilière». Des villas au prix de 120 000 DA le mètre carré Pour la concrétisation du projet, l'agence foncière procède à l'achat du terrain initial de la cité Hidab-Nord pour un montant de «190 millions de dinars (19 milliards de centimes)», précise notre source. D'une superficie de 198m2 à 247m2, les nouveaux R+2 avec toiture seront cédés pour ne pas dire bradés au prix de 120.000 dinars le mètre carré. Ce tarif est loin de la valeur vénale d'une villa de deux paliers. En faisant une petite opération arithmétique, le palier de plus de 190 m2 est cédé pour des miettes. N'ayant aucune attache à Sétif, certains gagnants du loto ont vendu leur lot de terrain à de tierces personnes. «Ne voyant rien venir, un joueur, qui a marqué son passage à l'Entente, a, en gentleman, préféré se désister et reprendre dans la discrétion totale son argent. Acculés sans doute par les ‘‘repreneurs'', des ex-sociétaires de l'ESS n'ont ménagé aucun effort pour mettre la main sur le trophée. Pour clore ce chapitre et concrétiser les décisions prises, les 40 bénéficiaires sachant que la situation des 21 autres villas n'a pas été discutée et traitée définitivement par le conseil d'administration de l'agence, ont été saisis cette année pour l'approbation de la résolution n°6 du procès-verbal de la réunion du CA du 25 mai 2016. Sur les 40 bénéficiaires, uniquement 13 ont répondu positivement», révèle notre contact. N'admettant pas le deux poids et deux mesures, s'apparentant à de l'injustice, des Ententistes d'hier et d'aujourd'hui ne lâchent pas prise. L'un d'entre eux a porté l'affaire devant la justice. Et pour noyer le poisson et camoufler les noms des indus bénéficiaires, l'agence foncière pointe du doigt, à travers le rapport n°209 du 12 juin 2015, adressé au magistrat instructeur, le président qui aurait établi trois listes successives. La première comporte 35 noms. Dans la deuxième figurent 31 bénéficiaires. Le nombre des attributaires de la première est repris dans la dernière. Ne lâchant pas prise, les réclamants qui se sont rapprochés de notre bureau avec un dossier sérieux réclament non seulement l'ouverture d'une enquête devant mettre au jour les dessous de cette affaire mais les rétablir dans leurs droits : «On voudrait connaître les raisons et les objectifs des personnes qui ont gommé nos noms de la liste. N'ayant rendu aucun service à l'ESS, les indus bénéficiaires ne sont pas des citoyens du premier collège. Profitant de l'opportunité, on lance un appel à M. Nacer Maskri, l'actuel wali, un responsable digne et commis d'Etat faisant honneur à sa fonction et à la République afin de mettre un terme à ces passe-droits et de nous rétablir dans nos droits», fulminent non sans une certaine nervosité, les oubliés des 61 villas.