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Le point du samedi
Publié dans El Watan le 17 - 06 - 2006


L'année 2006 est celle de la célébration du six-centième anniversaire de la mort d'un grand esprit humain : Abdû al Rahman Ibn Khaldûn. Les conférences organisées de part et d'autre du monde en l'honneur de ce penseur maghrébin ne se comptent plus. Alger n'est pas en reste, qui accueille à partir d'aujourd'hui un colloque international dédié à l'auteur Kitab al ‘Ibar, ouvrage monumental dont l'introduction, la célèbre Muqqadima – prologue théorique de plus de mille pages – a été rédigée dans le sein de Qalâat Ibn Salama, non loin de Frenda. Conçu par l'universitaire algérien Houari Touati, spécialiste d'anthropologie historique, le colloque réunit une palette d'historiens médiévistes et de spécialistes de la pensée islamique de renom, tels Avrham Udovitch, Abdesselam Cheddadi, Mohsin Mahdi, Lucette Valensi, Gabriel Martinez-Gros, pour ne citer que ceux-là. Par-delà le rituel de célébration, le sentiment de fierté culturelle ou le désir d'appropriation nationale, quels enseignements peut-on tirer, aujourd'hui, d'Ibn Khaldûn ? Quel intérêt heuristique pourrait-on dégager de l'appareil conceptuel et du schème théorique forgés, au XIVe siècle, par l'auteur de la Muqaddima ? Quels usages peut-on faire, aujourd'hui, d'Ibn Khaldûn ? Mais d'abord où se trouve le génie d'Ibn Khaldûn ? Le génie de l'œuvre khaldûnienne réside de l'avis général dans la rupture qu'il opère avec l'historiographie arabe classique. Cette audace a cependant achevé d'imprimer sur sa pensée un caractère, pour reprendre les mots de Jacques Berques, de «porte-à-faux, de service inutile, de profusion désespérée» qui a fait plonger l'opus classicum dans l'oubli, cinq siècles durant. Il aura fallu, en effet, attendre le début du XIXe siècle pour assister à l'exhumation de l'œuvre khaldûnienne… par l'Occident. Que cette découverte ait coïncidé avec l'aventure coloniale n'est toutefois pas due au hasard, mais, comme dirait Edward Saïd, aux épousailles de l'impérialisme avec la culture. La «restauration» de l'œuvre d'Ibn Khaldûn en Europe commence timidement par la traduction, à partir de 1810, de petits extraits des «prolégomènes». L'attrait pour les écrits de ce «génial intriguant» va s'affirmer quelques années plus tard avec la présentation, en 1825, par F. E Schulz, du plan général de Kitab al ‘Ibar et la traduction, trois années plus tard, par le même orientaliste, d'un chapitre du maître ouvrage d'Ibn Khaldûn se rapportant aux Berbères. Ce pan ressuscité de l'œuvre khaldûnienne relatif aux tribus berbères sera capital pour l'élaboration du savoir colonial. Aussi, en 1840, le ministre français de la guerre commanda-t-il l'impression, en arabe, des chapitres VI et VII des ‘Ibar – dans lesquels Ibn Khaldûn dresse le tableau généalogique des peuples du Maghreb par confédérations tribales, clans et groupes ethniques – et de confier leur traduction au baron de Slane, un militaire doublé d'un savant. Ainsi l'Histoire des Berbères devait précéder, de dix ans, la publication des Prolégomènes, titre kantien donné à la Muqaddima. Or, fait observer Gabriel Martinez-Gros, «si l'Introduction rappelait Montesquieu, la minutieuse généalogie des groupes humains que l'auteur met en place au début de son Histoire des Berbères devait, (elle), servir de manuel à l'administration de l'Algérie. «Sauf à vider l'œuvre de son contenu, la théorie sociale et politique d'Ibn Khaldûn invalidait ultimement celle de la science coloniale : alors que pour la première, l'Etat était le cadeau que faisait la tribu à la ville, pour la seconde, l'«anarchie immémoriale» des tribus ne pouvait, ne devait, aucunement, déboucher sur un Etat, celui-ci étant déjà-là, européen, impérial, c'est-à-dire colonial. La théorie de la açabiyya comme force sociale et fondement anthropologique de l'Etat ne convenait ainsi nullement aux desseins du divide ut regnes. L'exhumation de l'œuvre avait un prix : la mutilation. C'est pourquoi «en dehors de l'orientalisme, la science moderne ignorera presque toujours cet étranger, et ne cherchera à aucun moment dans son œuvre une inspiration théorique quelconque», fait observer Abdesslam Cheddadi, un des meilleurs spécialistes de la pensée d'Ibn Khaldûn. Les orientalistes se chargeront toutefois d'affubler ce dernier, «dans un geste sublime de générosité», des titres de «fondateur de la sociologie» et de le faire connaître des siens. Taha Hussein sera l'un des tous premiers à entamer l'entreprise de ré-appropriation arabe d'Ibn Khaldûn ; il y consacrera une thèse de doctorat (1917). La gauche arabe, progressiste et anti-impérialiste, poursuivant cet élan, fera d'Ibn Khaldûn une figure tutélaire, un symbole. Mais l'entreprise s'est vite essoufflée cédant le pas à un discours fondamentaliste s'employant à déprécier le génie khaldûnien : est-ce parce que l'auteur de la Muqaddima est parvenu à penser le politique en dehors de la matrice religieuse ? A l'heure de la consolidation autoritaire, du repli identitaire et de l'érection fondamentaliste, la commémoration du six-centième anniversaire de la mort d'Ibn Khaldûn devrait servir, non pas à célébrer le «père de la sociologie et de la science historique» – et partant l'«âge d'or» de la civilisation musulmane -, mais bien plutôt à renouer avec la raison critique, c'est-à-dire avec la modernité.

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