Même s'il a tenté d'y mettre un peu les formes pour que son propos ne soit pas interprété comme une charge contre le gouvernement, Ahmed Ouyahia, dont c'est la première sortie organique depuis son retour à la tête du RND, n'a pas hésité à dénoncer le «populisme» de l'Exécutif, alors même que la situation exige que la vérité soit dite aux Algériens. Le chef de cabinet de la Présidence, qui retrouve depuis quelque temps toute sa faconde politique, présidant hier la réunion du bureau de wilaya RND à Alger, avertit que la crise est loin d'être conjoncturelle. Elle risque même de durer dans le temps si les Algériens ne retroussent pas leurs manches. Ouyahia a invité, dans ce sens, le gouvernement et l'opposition, sans les citer, à dire la vérité aux Algériens et à rompre avec les discours populistes. La première vérité à dire au peuple concerne, selon lui, les recettes du pays. Le secrétaire général du RND qui se pose, en toute vraisemblance, comme l'alternative en cette période de crise, estime que «les recettes des hydrocarbures ont diminué de 50% alors que les besoins du pays demeurent importants». Pour redresser la barre, il faut, de l'avis d'Ahmed Ouyahia, une véritable réforme des mentalités pour faire prévaloir l'intérêt général et pour réadapter les comportements individuels. Ouyahia vise, à travers ces propos, certaines dérives telles que, dit-il, le recul du sens du travail et de l'effort face à la culture de la rente, des égoïsmes qui favorisent l'activité de l'importation à la production, d'un populisme qui tente de masquer les dangers futurs ainsi que des calculs politiciens qui espèrent utiliser demain les difficultés financières et sociales pour déstabiliser le pouvoir. D'après lui, nos réserves de changes couvrent les besoins du pays pour les quatre ou cinq prochaines années. Il est donc urgent d'agir. Ouyahia ose, à cet effet, une comparaison entre la situation actuelle et celle des années 1980. «Avant la crise de 1986, le premier responsable de l'Exécutif rassurait les Algériens sur la capacité du pays à affronter la crise et à anticiper. La suite est connue de nous tous», a-t-il renchéri, en allusion à octobre 1988. Il tient toutefois à préciser que ce diagnostic sur la situation économique du pays ne visait pas le Premier ministre, Abdelmalk Sellal. «Ce n'est pas Sellal que je vise. D'ailleurs lui-même a tiré la sonnette d'alarme lors de son discours devant les cadres de Sonatrach», explique-t-il, avant d'ajouter : «J'ai dit simplement qu'il ne sert à rien de dire aux Algériens que tout va bien. Ce n'est pas la solution. De même qu'il n'est pas correct de miser sur l'effondrement de l'Etat avec le recul de la rente pétrolière.» «L'homme des sales besognes», comme il se définit, va plus loin dans son raisonnement. Il défend le privé national et contredit la première dame du Parti des travailleurs (PT), Louisa Hanoune. «Certains parlent et critiquent l'oligarchie. Moi, je dis vive l'oligarchie nationale. Celle qui apporte un plus à notre économie algérienne», lance-t-il sur une note d'ironie. Pour lui, les populistes sont ceux, justement, qui refusent les changements et l'implication des privés dans le développement du secteur économique. «Ghardaïa cible d'un complot» S'agissant des événements qui secouent la vallée du M'zab, Ahmed Ouyahia a accusé ouvertement et pour la première fois «la main étrangère» d'être derrière le drame et la tragédie qui secoue la région. Il affirme ne pas croire à un conflit intercommunautaire entre les Mozabites et les Arabes. Il y a, de son avis, de la manipulation et des personnes qui exploitent cette situation à des fins politiciennes ou pour déstabiliser le pays. «Ce qui se passe en Algérie n'est pas étranger aux complots menés contre la Syrie, l'Egypte, le Yémen et la Libye», pense-t-il. «Depuis que le sang a de nouveau coulé à Ghardaïa, des chaînes étrangères décrivent un conflit entre Arabes et Berbères. Je ne pense pas que nos frères ibadites et malékites partagent cette appréciation d'une tragédie commune», note encore Ahmed Ouyahia, qui rappelle, «qu'en 2011, il y a eu la destruction de la Syrie, de la Libye, du Yémen et l'Algérie a été la cible du complot du ‘‘printemps arabe'' et elle l'est toujours». Le secrétaire général du RND a rendu hommage à la gendarmerie et à la police. Selon lui, il n'y a eu aucun «laxisme ni défaillance» de la part de ces deux corps de sécurité. A ce sujet, Ahmed Ouyahia a qualifié Kameleddine Fekhar de «criminel», évoquant ses liens avec Ferhat Mehenni, le président du MAK. Ahmed Ouyahia appelle également à la vigilance pour contrer le discours local ou extérieur. Par ailleurs, en parlant de l'opposition, Ouyahia a estimé que la démocratie ce n'est pas l'insulte, ni la critique même infondée, ni encore mieux l'appel à la protestation de rue. Selon lui, le président Bouteflika reste ouvert au dialogue avec les partis de l'opposition. «Bouteflika favorise le dialogue avec tous les partenaires politiques. C'est dans ce cadre que s'inscrit ma rencontre avec le président du Mouvement de la société pour la paix, Abderrazak Makri», indique-t-il.