Le reportage de la télé privée Ennahar sur une cité universitaire filles a soulevé colère et indignation de la part des parents des étudiantes qui ont estimé que l'honneur de leur progéniture a été bafoué. Ils ont tous crié au scandale d'une manipulation médiatique sordide qui recherchait le sensationnel de bas étage entres autres pour des besoins inavoués d'audience. Pour ces parents, très choqués par les images diffusées et reprises sur les réseaux sociaux, il n'y avait aucun doute sur les objectifs du reportage en question : discréditer le milieu universitaire féminin en le présentant comme un lieu de débauche sur lequel les autorités sont appelées indirectement à réagir. En un mot, Ennahar TV en n'hésitant pas à travestir la réalité par une mise en scène savamment orchestrée, aurait monté cette opération en espérant un résultat double. Faire, d'une part, parler de la chaîne même en des termes qui ne la glorifient pas, et, d'autre part, cibler idéologiquement une entité intellectuelle, voire culturelle qui ne correspond pas aux valeurs sociales et politiques qui sont défendues par elle et contenues dans la philosophie islamiste qui régit sa ligne éditoriale. Se joignant donc d'une certaine manière au jeu propagandiste sur lequel a été bâtie la chaîne intégriste El maghribia, Ennahar vient de dévoiler une large facette de ses convictions idéologiques qu'elle a réussi à dissimuler jusque-là pour des considérations strictement mercantiles. Entre l'impératif d'exister d'abord sans gêner aux entournures le Pouvoir et celui d'attirer le maximum de sponsors publicitaires, il fallait faire en quelque sorte le dos rond. Mais le naturel revenant toujours au galop, elle n'a pour ainsi dire pas résisté à la tentation d'afficher son identité en tapant fort sur un milieu estudiantin féminin qui paraissait à ses yeux suffisamment vulnérable pour constituer une proie médiatique idéale. C'est du moins ce que pensent de nombreux observateurs avisés pour qui le reportage d'Ennahar, au-delà de son aspect diffamatoire, est d'abord une action assumée de désinformation pour un intérêt communicationnel précis. C'est le même type d'intérêt recherché par la télé islamiste établie à Londres qui passe son temps à injecter à dose homéopathique le venin intégriste dans les esprits, dans le seul but de désagréger les éléments essentiels qui composent la société. Sous prétexte de dire la vérité aux algériens, plutôt de leur faire prendre conscience de leur état de soumission à un Pouvoir corrompu, El Maghribia extirpe sans honte de leur contexte toutes les informations grand public avant de les resservir selon ses orientations. Cela donne une communication à sens unique qui avec le temps a fini par lasser, et même provoquer un phénomène de rejet, comme le démontre la très faible audience qui lui reste encore fidèle, plus par acquis idéologique que par un quelconque intérêt accordé à la chaîne. Cela dit, les contrevérités déversées avec le même tempo à longueur de journées à partir d'un minuscule studio d'enregistrement qui sert en même temps à toutes les activités publiques de cette télé qui visiblement n'a aucun souci de financement puisque ses sources moyen-orientales répondent toujours présentes, peuvent paraître parfois très dangereuses par l'énormité du travail d'intox qui la supporte. Comment contrer donc ce mouvement de désinformation entretenu par une télé qui se dit algérienne, mais qui active à partir d'un autre pays avec un statut de droit étranger. De toutes les difficultés structurelles qui se sont présentées aux pouvoirs publics dès l'annonce de l'ouverture du champ audiovisuel, celles inhérentes au contrôle du contenu en fonction des règles préétablies pour éviter les dérapages et dérives en tous genres s'avèrent incontestablement les plus improbables. En fait, avec des chaînes comme El Maghribia il n'y a aucune règle, aucun cahier de charges pour baliser le terrain. Profitant du fait qu'elle émet à partir d'un pays étranger, et n'étant soumise à aucune restriction juridique algérienne, la chaîne intégriste s'autorise le droit et la liberté de diffuser tout «programme» qui convient à ses pulsions idéologiques. D'ailleurs, on doute fort que cette chaîne, une fois la loi votée en Algérie pour mettre fin au cafouillage qui règne actuellement, vienne à demander une officialisation qui apparemment n'arrange pas ses affaires. Rester dans la sédition, c'est la garantie d'avoir une liberté d'action plus performante en matière de propagande pure. Evidemment, Ennahar n'est pas dans ce registre. Mais la similitude dans la difficulté de réagir au contenu quand il est diffamatoire existe. En réalité, on se retrouve aujourd'hui devant un vide sidérant lorsqu'il est question de recourir à la justice pour défendre ses droits. C'est le cas des parents des étudiantes ou de l'office national des œuvres universitaires qui ne savent pas exactement contre qui faut-il déposer plainte à la suite du reportage malveillant d'Ennahar TV. Le gouvernement, en tolérant les télés privées avant d'accorder à quelques-unes une autorisation facultative, n'a pas pensé à ce genre de tracas alors qu'il était dans l'air. Et même dans l'hypothèse de l'existence d'un organe de régulation pour préciser les contours de la télévision privée, que pourrait entreprendre celui-ci face à un statut de droit étranger incontrôlable par la juridiction algérienne. Un vrai dilemme, mais entre-temps les grosses bavures qui choquent l'opinion rendent le projet d'ouverture encore plus complexe.