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Vers le meilleur des mondes ?
La chronique de Maurice Tarik Maschino
Publié dans El Watan le 08 - 05 - 2014

Bye bye, dit, en prenant congé, un présentateur du journal télévisé. «English spoken», affichent de nombreux magasins parisiens. «Customisez votre curriculum», conseille un consultant… D'ici peu, il faudra circuler, en France, avec en poche un dictionnaire franco-anglais. Exagération ? Nullement. Mais mise en garde par le linguiste Claude Hagège contre la domination progressive, dans tous les pays, d'une langue qui est bien plus qu'un instrument de communication : porteuse d'une vision du monde, elle tend à imposer aux étrangers qui la pratiquent une façon de penser et des comportements qui les uniformisent et, en supplantant peu à peu leur langue maternelle, appauvrissent leurs ressources intellectuelles comme leurs capacités créatrices.(1)
La suprématie de l'anglais ne tient pas, explique Claude Hagège, à ses vertus linguistiques : il ne possède aucune supériorité et il n'est pas plus susceptible que l'allemand, le russe, l'italien ou l'arabe d'exprimer la richesse du monde. Ses ambiguïtés le rendent même dangereux : «Turn left, right now», ordonne une tour de contrôle. Or, right now peut aussi signifier «à droite maintenant», ce que fait le pilote et son avion tombe dans un buisson d'épines.
La domination de l'anglais résulte d'une volonté politique : celle des Etats-Unis, qui, dès la fin de la Seconde guerre mondiale, ont projeté d'établir leur hégémonie sur l'ensemble de la planète. Leur langue est l'un des instruments de cette conquête. Une multitude d'agences et d'institutions ont pour mission, rappelle C. Hagège, d'universaliser l'emploi de l'anglais. La CIA, par exemple, chargée non seulement de fournir aux Etats-Unis le maximum de renseignements sur les activités des pays étrangers, ainsi que sur leur personnel politique et leurs intellectuels, mais aussi d'imposer l'usage de l'anglais à toutes les organisations qu'ils infiltrent. D'où les très nombreuses invitations de scientifiques, artistes, dirigeants politiques.
Fondé en 1961, le Peace Corps, sous prétexte d'aide aux pays les moins favorisés, a pour mission de promouvoir l'enseignement en anglais. L'USICA (US international communication agency), dont les bureaux couvrent l'Europe, l'Afrique et le Moyen Orient se charge de la propagande pro-américaine par le cinéma, la presse, les expositions, les bourses aux chercheurs et étudiants étrangers. Bien d'autres organismes — agences de presse, Unesco… — contribuent à l'expansion de l'anglais, comme de nombreuses universités d'Europe et des pays émergents : «En 2007, précise Hagège, il y avait 496 formations dispensées en anglais par des établissements d'enseignement supérieur français» et la plupart dans des filières liées au commerce, à la banque, «aux aspects matériels de l'existence».
A première vue, on ne peut que se réjouir que tant d'hommes et de femmes, dans le monde, pratiquent une deuxième langue. Mais à condition d'oublier ou d'ignorer qu'une langue n'est pas qu'un instrument de communication : elle façonne la manière de penser de ceux qui la pratiquent, elle construit ou reconstruit leur vision du monde, elle détermine des comportements, elle induit un nouveau style de vie et, pour peu que la connaissance de la langue maternelle soit fragile, elle la fragilise davantage : les écoliers français, qui ne possèdent même pas les rudiments de leur propre langue, risquent fort, en s'initiant à l'anglais dès le cours préparatoire, de devenir des analphabètes bilingues.
Ce risque est d'autant plus élevé que, de l'anglais, ils n'acquièrent que le vocabulaire le plus usuel, généralement dépourvu de toute richesse culturelle. Une «langue de service, écrit C. Hagège, ne s'enracine pas dans un terreau de connaissances, de sensations, de souvenirs, d'images, de rêves, qui sont le tissu de la compétence d'un locuteur dans sa langue dominante… Une langue purement véhiculaire ne sert qu'en tant qu'instrument de communication. Dès lors, elle est dépourvue de références culturelles.»
Ce qui ne serait peut-être qu'un moindre mal si les utilisateurs de l'anglais, langue de service, disposaient de toutes les richesses de leur langue maternelle. C'est rarement le cas. Si bien que, privés des moyens de résister à la domination de leur langue de service, ils sont amenés, sans même s'en rendre compte, à adopter les façons d'être, de penser et de faire qui les rendent étrangers à eux-mêmes et les uniformisent.
S'impose donc de plus en plus aux Européens, comme aux citoyens d'autres pays, une «pensée unique», qui est celle d'un «consensus mou sur des avantages matériels pleins de promesses illusoires et sur des schémas intellectuels tout prêts qui donnent congé à l'esprit critique». Conformisme généralisé, obsession sécuritaire, hantise de l'argent, absence de tout souffle révolutionnaire, choix de l'efficacité au détriment de l'éthique : telles sont quelques- unes des caractéristiques de la pensée unique. «Les projets intellectuels de haute volée se heurtent à la puissante inertie de la médiocrité ambiante et des petits desseins, souligne Claude Hagège. L'uniformisation s'installe dans les goûts, dans les idées politiques, dans la vie quotidienne, dans les loisirs, dans la conception de l'existence.»
Il y a une trentaine d'années, en France, de brillants esprits occupaient le devant de la scène intellectuelle, de C. Lévi-Strauss à R. Barthes, de M. Foucault à Pierre Bourdieu : «On ne voit plus rien de semblable aujourd'hui, constate C. Hagège. Une même pensée molle habite les esprits. Une pensée unique, sans diversité.» Le meilleur des mondes est en marche.

1) Claude Hagège, Contre la pensée unique, Odile Jacob (poche).


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