Au moins trois départements à l'université d'Es-Senia ont été inondés et complètement isolés par les dernières pluies, pénalisant les étudiants, les enseignants et les administrateurs, qui n'ont pas pu rejoindre les classes et les bureaux. Pis encore, des immeubles menacent de s'effondrer et les universitaires évoquent l'urgence d'être délogés vers d'autres sites, comme Belgaïd ou l'IGMO. Il s'agit du département de philosophie relevant de l'université Oran 2, de l'institut de traduction de l'université Oran 1 et du siège du décanat. Ces trois immeubles ont été complètement inondés par les eaux et les étudiants ont exprimé leur ras-le-bol en décidant d'observer un arrêt des cours jusqu'à ce qu'un responsable «daigne venir leur parler en vue de trouver un règlement à cette situation». «Ce problème a trop duré et rien n'a été fait. Il faut trouver une solution. A chaque goutte de pluie, on est soit piégés à l'intérieur des classes, ou bien on ne peut même pas accéder au département. C'est grave ce qui arrive et c'est ainsi depuis plusieurs années», commente Kamel, étudiant en traduction et membre du bureau de l'Union générale des étudiants algériens (UGEA), qui a dressé une liste de revendications à transmettre aux différents responsables. Et d'ajouter : «Il y a deux ans, l'administration a construit ces petits ponts pas très solides avec du fer et des planches de bois. L'accès a été possible aux départements, mais ça ne l'est plus, car il fallait trouver une solution correcte et pas seulement des rafistolages. Il y a un flagrant laisser-aller dont seuls les étudiants paient les frais.» Il faut savoir que les universitaires sont en période d'examens et un nouveau retard vient ajourner leurs chances de décrocher leurs diplômes en temps voulu. C'est ce qu'explique Abdellatif, étudiant en mastère de philosophie et géostratégie : «Lundi, nous avions un examen à 9h. C'est uniquement grâce au dévouement de certains agents de maintenance que nous avons pu mettre en place des pontons de fortune avec des portes de salles de classe, des tableaux, des morceaux de bois et des blocs de pierre. Les agents de maintenance ont été sensibles à notre envie d'étudier et d'aller passer notre examen. C'est pour cela qu'ils nous ont aidés. Ça nous a vraiment touchés, car nous sommes contre le boycott. Mais ce n'est pas le cas d'autres étudiants, qui ont été pénalisés. Ceux du département de traduction, par exemple, étaient obligés de faire demi-tour et aujourd'hui (mardi) nous sommes ici par solidarité.» Pis encore, le représentant UGEA, Kamel, fait savoir qu'un expert a été dépêché sur les lieux et a constaté la gravité de la situation. Il explique : «L'expert est venu et nous a interdit de rejoindre les classes, car tout l'immeuble risque de s'effondrer à cause de la pluie qui effrite ses fondations depuis plusieurs années. Il faut savoir que les caves sont complètement inondées et le niveau de l'eau que vous voyez ne cesse d'augmenter, alors que la pluie s'est arrêtée. Ça veut dire qu'il y a des infiltrations et des remontées d'eau en provenance d'autres parties d'Es Senia. Les canalisations obstruées depuis plusieurs années sont à l'origine de cette catastrophe.» Afin d'arranger les choses, plusieurs camions de pompage de la Protection civile ont été réquisitionnés, mais le niveau n'a pas baissé, bien au contraire, car les eaux proviennent de tout l'environnement de l'université. Face à cette situation, les étudiants ont décidé de protester en se rassemblant hier. «Nous regrettons que personne ne soit venu nous parler. Il y a une mauvaise gestion et des responsables doivent être identifiés, car le laisser-aller va nous coûter la perte d'un ou deux immeubles qui font partie du patrimoine d'Oran, sans parler du risque d'effondrement qui aurait pu survenir avant l'évacuation du département», regrette Kamel. Même son de cloche du côté département de philosophie. Mohamed, étudiant, déclare : «Il n'y a pas que ces inondations. Il faut savoir qu'il n'y a ni chauffage, ni électricité, ni internet, ni même la moindre commodité digne d'un département qui a enfanté de grands noms dans la philosophie et les sciences sociales. Comment espère-t-on former une élite ou ne serait-ce que des diplômés prêts à l'exercice dans pareilles conditions.» Cet étudiant fait référence aux retards enregistrés dans les programmes en raison des grèves qu'il dit «légitimes», car revendiquant un cadre pédagogique minimum et favorable à la formation et la à recherche. Il suffit de faire un tour à Es Senia pour réaliser que les départements en question sont réduits à des bâtiments fantômes désertés par les étudiants. «Le cadre n'est pas idéal pour les études. C'est la grande désillusion, surtout pour un jeune bachelier qui nourrit l'espoir de vivre sa jeunesse pleinement, tout en s'émancipant à travers la vie estudiantine. Tout ce ras-le-bol est généralisé, car l'ambiance fait fouir les étudiants. Tantôt une grève, tantôt une inondation, sans parler du froid et de l'isolement. Ce n'est pas ça l'université. Ça se dégrade de plus en plus et rien n'est fait. Nous sommes marginalisés et personne ne réalise le danger et ses répercussions», conclut Abdellatif.