La viande rouge et le poulet combien vaudront-ils? Près d'un million et demi de ménages, soit environ 8 millions d'Algériens, ont bénéficié de la «générosité» des pouvoirs publics pour pouvoir affronter le mois de Ramadhan de l'année 2011. Des chiffres qui témoignent d'une fracture sociale qui ne cesse de s'aggraver et qui menace de se transformer en foyer de tensions à même de troubler l'ordre public. Pour apaiser un front social en constante ébullition, les pouvoirs publics ont dû casser la tirelire pour satisfaire les massives revendications salariales, les augmentations des pensions et des retraites pour revigorer un tant soit peu un pouvoir d'achat mis à mal par l'augmentation des produits de consommation de base, des fruits et légumes et de la pomme de terre dont le prix a touché des niveaux historiques...des légumes secs à l'instar des pois chiche dont le kilogramme a atteint les 300 dinars et qui sera un des produits les plus utilisés pour la confection de l'inévitable chorba pendant trente jours. Et la viande rouge et le poulet combien vaudront-ils? Comme chaque année, l'Etat va être obligé d'en importer pour satisfaire la demande, d'une part, et tenter de faire rempart contre une flambée des prix dévastatrice pour les bourses modestes, d'autre part. Un phénomène contre lequel les discours les plus rassurants se sont avérés que des promesses sans lendemain balayées par un secteur de l'informel, aux reins solides, qui oriente les marchés à sa guise. Ceux qui sont chargés de remettre de l'ordre dans cette espèce de pétaudière n'y mettent que le bout des pieds et avec une extrême prudence. Les mêmes remèdes qui n'ont pourtant pas eu l'effet escompté sont de nouveau prodigués. Cela ne fait rien, on recommence. Et s'il se produisait un miracle? Pourquoi pas? «Concernant les viandes rouges, il y a eu l'importation de 10.000 tonnes pour répondre à la demande durant et après le mois de Ramadhan...Nous avons pris nos dispositions à l'avance pour constituer des stocks importants qui nous permettent de jouer notre rôle de régulateur» a confié, le 14 juin, le ministre de l'Agriculture et du Développement rural, Rachid Benaïssa, sur les ondes de la Radio nationale Chaîne I. En 2010, le gouvernement a eu recours à l ́importation dans l ́espoir de stabiliser les prix. 10.000 tonnes de viande rouge fraîche, 5000 tonnes de viandes congelées, 4000 tonnes de viande blanche, 30.000 tonnes de poudre de lait et 1000 tonnes de citron (son prix avait atteint les 400 dinars le kilogramme en 2009, Ndlr) dans l'espoir de stabiliser les prix pendant le mois sacré. Sans succès. Le ministre du Commerce table sur une armada de 6000 contrôleurs pour y parvenir, mais il table surtout sur «l'offre importante qui conduira forcément à une baisse des prix», estime Mustapha Benbada. L'expérience a pourtant prouvé le contraire. Tous les ans c'est le même type de discours qui est servi aux Algériens à l'approche du mois sacré. Il est ressassé régulièrement comme cette chorba qui est servie quotidiennement et qui demeure incontournable à cette occasion qui fait partie de tout un rituel de la rupture du jeûne. Les pouvoirs publics rassurent. Les viandes rouges et blanches, les produits de large consommation, les légumes... seront disponibles et en grande quantité. «A quel prix?» se demandent d'ores et déjà les consommateurs. Les citoyens, qui ne croient plus aux promesses des services concernés, le ministère du Commerce, notamment qui en principe, est chargé de réguler les marchés et de veiller au respect des prix, savent qu'ils seront livrés pieds et poings liés aux spéculateurs de tout acabit et soumis à leur diktat. «Achète ou crève». La loi du plus fort qui est dictée et imposée à une population sans défense et qui ne dispose d'aucun moyen légal pour se prémunir contre ce phénomène. La paupérisation gagne du terrain. Le nombre de nécessiteux a augmenté de près de 500.000 en 2011. Ils étaient un peu plus d'un million de ménages à bénéficier de la «générosité» des pouvoirs publics pour pouvoir affronter le mois de Ramadhan de l'année 2010. Selon les chiffres officiels communiqués par le ministère de la Solidarité, près d'un million et demi de familles en 2011, ont eu recours au «couffin du Ramadhan» dont le prix global devrait s'élever à 5 milliards de dinars en 2012. Une opération qui consiste à venir en aide aux plus démunis. Si l'on considère que chaque foyer est constitué en moyenne de six membres, on atteint aisément le chiffre de 8 millions d'âmes qui se retrouvent en situation de précarité...La paix sociale n'ayant pas de prix, il ne reste aux pouvoirs publics que de mettre la main à la poche...