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De l'élégance à la compassion
LE SANGLOT DU CHARDONNERET DE FARID BENYOUCEF
Publié dans L'Expression le 23 - 03 - 2016

La vie est semée de chardons, surtout le long des chemins d'espérance mais qu'un petit passereau vienne à se nourrir des graines de ces plantes aux feuilles et tiges épineuses, voilà que soudain ces chardons deviennent bénis.
La nature, par ses mystères complexes, est versatile; elle donne et retire ses bienfaits, - elle inflige des peines et les annule aussi. En publiant son recueil de sept nouvelles sous le titre de l'une d'elles Le Sanglot du chardonneret (*), Farid Benyoucef essaie de restituer tout en les analysant quelques faits de société parmi les plus présents dans l'actualité chez nous et ailleurs et qui l'ont frappé et attristé.
L'auteur en présente «sept», - ce nombre aurait-il été expressément choisi par allusion au «chiffre magique» courant dans l'évocation des mythes, des croyances, des superstitions, des symboles,...? De même, le choix du chardonneret, n'est pas neutre. J'imagine un chardonneret élégant, le type même que l'on apprivoise pour la beauté de son plumage, l'agrément de son chant et sa docilité.
C'est, chez nous, sauf erreur de ma part, el maqnîn, l'oiseau familier dans bien des maisons, ami joyeux et toujours compagnon fidèle dans les moments de solitude, car il soulage l'âme en peine.
Souvent bariolé, la face écarlate, la queue noire avec des taches blanches et le croupion blanc, il sautille, bat de ses ailes jaunes dans sa cage et, plein de sentiments divers, de sa gorge minuscule jaillissent des mélodies en l'occurrence compatissantes ou ravissantes, tel son «chant nuptial», tantôt des plaintes, tantôt des cris d'anxiété. Et il a un sanglot dé-sespéré qui brise le coeur, car souvent il est accompagné de pleurs, - parole d'ornithologiste peu ou prou sensible!
Des effets littéraires crédibles
Recueillies dans Le Sanglot du chardonneret, ces sept nouvelles d'observation, d'imagination, d'angoisse ou de lucidité, Farid Benyoucef se fait, en quelque sorte, le porte-parole et même le témoin des vies significatives évoquées avec un style, une narration, un contenu et des personnages caractéristiques du genre littéraire dont il s'est servi justement. Le genre «Nouvelle» est généralement assez mal défini par ses utilisateurs dont ils font une simple narration occasionnelle, un récit simple et court, avec peu de perso, - un roman court, quoi? Pourtant, la nouvelle littéraire, si elle tient de ces caractéristiques, elle n'en exige pas moins un art exercé, une concentration de subtiles perfections dans l'écriture, le choix du sujet, des personnages, de l'action, de l'événement unique, du temps,... et c'est pourquoi, semble-t-il, dans un recueil de nouvelles se trouvent des histoires différentes et néanmoins traitant le même thème tout en abordant des sujets divers sous des titres distincts, - et habituellement, de préférence ou par principe, la première nouvelle (la plus significative du thème), dans l'ordre, donne le titre au recueil. Mais, si intéressant soit-il, n'entrons pas ici dans ce débat de littérateurs pointilleux.
Le recueil de nouvelles intitulé Le Sanglot du chardonneret de Farid Benyoucef est une oeuvre sensible, éducative et traitée avec soin et passion.
L'auteur, originaire de Sétif, professeur en économie financière à l'université d'Alger, a publié trois romans, un recueil de poèmes et maintenant ce recueil de nouvelles portant le titre «Le sanglot du chardonneret» qui a reçu le premier Prix au concours littéraire de la ville d'Alger en novembre 2014.
Citons ces sept nouvelles: 1- Cold Case. 2- Telle une fève coupée en deux. 3- Le sanglot du chardonneret. 4- Martel en tête. 5- À tombeau ouvert. 6- Le prix et la valeur. 7- Conte de l'outre et du grain.
Dans chacune d'elles, nous retrouvons les traits d'écriture agréables et au souffle long, la sensibilité de Farid Benyoucef et tout particulièrement la qualité de son observation qui manoeuvre la tension dramatique et même son jugement à la fois impartial et généreux. C'est une concentration d'effets littéraires crédibles correctement agencés.
Le Sanglot du chardonneret n'est pas une simple réflexion sur un état des lieux d'une société à une époque donnée. Chacune des sept nouvelles concourt à exprimer le sens de l'objectif central de l'oeuvre et révèle des situations réelles ou dont l'histoire authentique est reconsidérée pour être transformée en fiction dans laquelle l'auteur intervient plus profondément, plus intensément dans le développement du sujet.
Farid Benyoucef ne donne pas de leçon et, s'il en est, c'est le lecteur lui-même qui la tire en appréciant librement les éléments socioculturels qui y sont proposés.
Toutefois, est-ce bien utile que chaque nouvelle porte ici une épitaphe pour en résumer l'esprit au lecteur?
«Le laid engendre le beau»
À cet égard, la nouvelle «Le sanglot du chardonneret», placée troisième dans le recueil, est un exemple intéressant de style, d'imagination et de réalisme. Le thème n'est pas étranger au lecteur algérien ni au lecteur étranger, du reste. Il s'agit d'une actualité brûlante, bouleversante, scandaleuse, qui nous fait péné-trer dans un univers atroce d'injustice, de guerre et de mort. Là, Farid Benyoucef tient à éclairer l'historicité de la tragédie humaine en reproduisant une citation d'Aimé Césaire: «Il y a deux manières de se perdre: se murer dans le particulier ou se diluer dans l'universel.» Effectivement, cette «épitaphe» renforce son «intention» de célébrer le courage de l'humaine condition, celui de tout un peuple exilé sur ses terres occupées, face à l'hydre immonde de l'anéantissement et de la mort.
Ainsi donc, au nord de la bande de Gaza, presque à cheval sur la frontière avec Israël, était un village nommé Nassim entouré de barbelé et de miradors et par-delà, à quelques kilomètres, des bouquets de lumières d'Ashkelon. Dans une vieille maison de pierre - qui lui «appartenait en propre» -, vivait une famille palestinienne enchaînée à la terre des ancêtres, malgré toutes les brimades, les misères et les menaces subies qui «avaient forcé, dit le narrateur, tant des nôtres sur les routes de l'exode. [...] Pour moi, notre pays se résumait à notre maison, et il nous appartenait. [...] J'avais hérité de Djeddou la passion du bricolage. [...] Mon plus beau cadeau était un cadeau de Djeddou. [...] Il me l'offrit pour mon quinzième anniversaire. [...] C'était un chardonneret femelle, son ramage est plus beau et il est à toi.» Et le narrateur, fasciné, tressaillant de bonheur raconte: «On racontait tellement de légendes sur les chardonnerets que j'en rêvais presque toutes les nuits. L'une d'elles prétendait que l'on ne pouvait en attraper en Palestine, car les chardonnerets fuyaient toujours les terres subjuguées. ́ ́C'est un chardonneret de Kabylie, une terre qui se trouve là-bas où le soleil se couche, une terre libérée où les chardonnerets ont réappris les plus beaux chants qui soient. Garde-le sous le tamis en attendant que je lui tresse une cage en osier, il mérite mieux que nos cages en fer. ́ ́ [...] Il avait maintenant près de quatre ans et moi dix-huit. Je l'avais prénommé Hassouna et nous étions si entichés l'un de l'autre que nous en devînmes presqu'inséparables.»
Puis le temps passe, et Hassouna, le chardonneret, devient un «membre» de la famille et s'émeut de sa tragédie: le sanglot du chardonneret. On se souviendra longtemps de cette histoire où el maqnîn chantait l'homme nouveau. Le miracle est une réalité.
Cette philosophie du quotidien qui sauve l'âme en l'élevant vers le plus haut de l'espérance est également la trame de la nouvelle «Cold Case»: affaire classée par l'homme pour ruiner l'homme, - locution ancienne jamais démentie, attribuée à quelques penseurs et développée par Plaute (-254/184 av. J.-C.) dans «Asinaria, La Comédie des Ânes», vers 195 av. J.-C. démontrant que «l'homme est un loup pour l'homme», car la conclusion de l'affaire du meurtre révèle que «Même les cadavres n'y étaient pas épargnés».
Dans «Telle une fève coupée en deux», les jugements malveillants sont flagrants en matière d'amour, car tout comme son «Frère», Hassan, le narrateur, était amoureux de Djohra.
Pour «la vieille veuve de mère» de celle-ci, Hassan ne valait pas mieux que son Frère.: «Les jugeant comme une marieuse [elle] lâchait [...] Par Dieu Tout Puissant, on dirait une fève coupée en deux!»...
En somme, Le Sanglot du chardonneret de Farid Benyoucef est un recueil de nouvelles très agréable à lire. Il y a de l'esprit, du style, de la recherche historique, tout comme des contes anciens, parmi les plus merveilleux de nos grands-mères, mais - et heureusement - ce sont des nouvelles qui nous touchent profondément et nous incitent à valoriser nos repères.
(*) Le Sanglot du chardonneret de Farid Benyoucef, Casbah Editions, Alger, 2015, 158 pages.


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