Hanane Bourai est une jeune romancière de la wilaya de Tizi Ouzou. Professeure d'anglais au lycée de Tigzirt, Hanane Bourai vient de publier, à l'occasion du Sila, son troisième roman intitulé Alter ego qu'elle a dédicacé avant-hier au stand des éditions Apic, où nous l'avons interviewée. L'Expression : Vous venez de publier votre troisième roman en si peu d'années, d'où vous vient cette inspiration et surtout cette soif d'écriture ? Hanane Bourai : Ecrire est une passion, l'inspiration un état d'esprit. Les deux font partie intégrante de moi et de mon quotidien. Ils viennent de moi-même ; c'est ce que j'aime faire, c'est ce que je suis. Après deux premiers romans signés avec un pseudonyme, vous affichez cette fois-ci votre identité, pourquoi ? J'avais choisi ce pseudonyme pour les deux premiers romans par simple caprice, peut-être pour faire «mystérieux» et inciter les curieux à découvrir ce qui s'y cache derrière. Mais en avançant dans mon parcours d'écrivaine, j'en ai mesuré la portée et contrairement à ce que l'on me reproche souvent, j'assume pleinement ce que j'écris, que cela soit signé sous pseudonyme ou pas. Généralement, les auteurs commencent par la poésie puis finissent par le roman, ce n'est pas votre cas, vous avez commencé par publier directement un premier roman, la poésie n'est donc pas un passage obligé d'après vous ? La poésie est un art unique et elle doit être considérée comme telle. Ce n'est pour moi pas un passage obligatoire pour tout auteur, car ne sont pas tous de bons poètes ceux qui composent des vers. Personnellement, je ne perçois pas la poésie comme un simple moyen de se faire connaître en attendant de passer à autre chose. Un romancier peut s'avérer piètre poète et vice versa. En ce qui me concerne, j'écris en prose parce que c'est là que je me retrouve, voilà tout. Quel est votre sentiment d'être la première femme écrivaine et romancière de toute votre région, comment vivez-vous ce statut très particulier, vos relations avec les gens partout, au travail, dans la famille, au village ? Je suis peut-être la première, mais je ne suis pas la seule et j'espère ne pas être la dernière. Dans la vie quotidienne, je me comporte le plus ordinairement possible. J'avoue que ce n'est pas tout le monde qui comprend la nature de ma passion et que seule une minorité peut la percevoir comme faisant partie de celui ou celle qui l'a et non un vulgaire passe-temps. Cela dit, mon entourage m'encourage, de loin ou de près, et un simple mot positif peut avoir son impact à long terme s'il est sincère. On n'écrit pas sans avoir énormément lu. Vous concernant, peut-on savoir quel est le seul livre que vous emporterez sur une île si vous devriez vous y isoler pour quelques années ? Pourquoi ? Ecrire résulte de lire ; un paragraphe qu'on écrit peut avoir l'empreinte de plusieurs lectures précédentes fusionnées dans ce qu'on appelle le style auquel on ajoute sa touche personnelle. Le choix du livre avec lequel je dois m'isoler est difficile, mais si je devais le faire, j'opterais pour un livre de Friedrich Nietzsche, car à chaque fois qu'on relit les écrits de celui-ci, on y découvre quelque chose dont on ne s'est pas aperçu lors de la lecture précédente. Il y a là sûrement de quoi s'occuper pour quelques années sur une île déserte ! Revenons à votre dernier roman, dites-nous comment est née la trame de ce roman ? La «révélation» m'est venue lors d'un concert auquel j'ai assisté, il y a de cela trois ans. Quand j'étais là, face à la scène, je me suis dit :»Je vais écrire sur ça !». D'autant plus qu'être chanteuse était un rêve d'enfance pour moi. Après ceci, le reste a suivi tout seul. En tant que femme, avez-vous recours souvent à l'autocensure en écrivant compte tenu des tabous de notre société ? J'ai recours à l'auto-censure sans m'en rendre compte parfois. Quand il s'agit de traiter d'un sujet relativement tabou, on peut faire des détours, des allusions ou des phrases à double sens que les avisés comprendront. Cependant, je ne m'y force pas, car c'est un mécanisme automatique qui provient de beaucoup de facteurs (sociaux et moraux, notamment) et qui devient une nature en soi et qui s'applique sur tout ce qu'on fait, y compris l'écriture.