"Passer d'un taux de 30% à 200% pour un produit, c'est négatif pour l'Algérie", avertit le président de l'Association nationale des exportateurs algériens. Des observateurs très au fait des activités du commerce extérieur estiment que la liste des 1 095 produits soumis au droit additionnel provisoire de sauvegarde (Daps) reste excessive. Car, expliquent-ils, de nombreux produits figurant sur cette liste ne connaissent pas de mouvements (d'achats) au niveau des importations. Ces marchandises devraient être de ce fait exclues de cette liste. En revanche, l'on décide d'appliquer le Daps à d'autres produits alors qu'ils ne sont même pas fabriqués localement ou le sont en faibles quantités qui ne satisfont pas la demande nationale. En termes plus clairs, pour ces cas, il n'existe pas de production nationale, digne de ce nom, à protéger. Le beurre qui sera soumis à un taux de 70% est l'un des exemples les plus édifiants. Les raisins secs taxés à un taux de 120% et les arachides (70%), concernés par cette taxation, deviendront encore plus chers et affecteront indubitablement le pouvoir d'achat des petites bourses surtout durant le mois de Ramadhan. Contacté, Ali Bey Nasri, un spécialiste du commerce extérieur, trouve inopportun de taxer tous les types de ciments à 200%. Pour ce produit, le marché national est non seulement couvert, mais il est exporté aussi. La meilleure illustration est le prix pratiqué par notre pays de 50 dollars la tonne alors que les cours de celle-ci à l'international, avoisinent les 80 dollars. Autrement dit, les besoins nationaux sont tellement satisfaits au point que le ciment est exporté et à des prix compétitifs. "Par conséquent, je ne vois pas l'utilité d'imposer un taux de 200% pour le ciment car, le prix à l'import est déjà excessif par rapport à celui issu de la production nationale", avoue M. Nasri qui soutient mordicus qu'il n'y aura aucun produit (ciment) qui viendra concurrencer le produit local. Ainsi, laisser seulement les droits de douane à 30%, c'est déjà largement suffisant pour protéger la production nationale. Le Daps étant une taxe additionnelle au droit de douane, l'on peut ajouter 60% mais pas plus. Et si l'on applique un Daps à 200%, les autres pays vers lesquels l'Algérie exportera son ciment risquent aussi d'imposer le même taux… "Passer d'un taux de 30% à 200% pour un produit, c'est négatif pour l'Algérie", commente le président de l'Association nationale des exportateurs algériens (Anexal). Sur un autre registre, l'on doit attendre aussi la réaction peut-être négative des partenaires de l'Algérie avec lesquels elle a paraphé des accords. L'on cite dans ce cas, l'accord d'association entre l'Algérie et l'Union européenne même si des clauses pour protéger la production de chaque pays y sont prévues. Quatre pays demeurent les principaux fournisseurs de notre pays, à savoir la France, l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne puisqu'entre 30 et 35% des importations algériennes proviennent de ces pays. Insuffisant pour équilibrer la balance commerciale Pis, avec une telle mesure, que dira l'Algérie à l'UE d'ici à 2020 avec la mise en place de la zone de libre- échange entre les deux partenaires tel que prévu par l'accord ? Par ailleurs, si l'application du Daps est destinée à protéger la production nationale et défendre les intérêts des producteurs algériens, il n'en demeure pas moins que ces derniers doivent respecter leur engagement de garantir une offre suffisante à même de répondre à la demande du marché local quant à la quantité, à la qualité et au prix. D'où la nécessité de mettre en place des instruments de surveillance de l'évolution du marché notamment l'apport des producteurs de matières premières. Une chose est certaine, indique Ali Bey Nasri, ce n'est pas la liste des 1 095 produits qui vont rééquilibrer la balance commerciale qui enregistre un déficit qui se situerait entre 12 et 15 milliards de dollars en 2018. "Je pense qu'il faut chercher des solutions ailleurs pour réduire ce déficit et tenter d'établir cet équilibre de la balance commerciale", précise-t-il. Un tel objectif peut être atteint, souligne cet observateur, pour peu que l'on revoie l'approche politique de l'investissement direct étranger (IDE) dans notre pays. Plus explicite M. Nasri souligne qu'il est impératif de cibler dans ces projets d'investissement les postes lourds de l'importation qui coûtent très cher à l'Algérie. C'est le cas des céréales pour lesquelles l'Algérie est devenue un des plus gros importateurs mondiaux en occupant le deuxième rang au monde avec une enveloppe de l'ordre de 3 milliards de dollars. Des produits alimentaires sont importés à raison de 8 milliards de dollars chaque année. Pour la poudre de lait, l'on importe entre 1,5 et 2 milliards de dollars. L'apport du secteur de l'agriculture à travers le lancement d'un programme d'investissement est par voie de conséquence, très important. Le même topo pour le secteur du médicament dont les importations avoisinent les 2 milliards de dollars annuellement… L'autre risque que peut engendrer cette liste du Daps est, faut-il le reconnaître, l'émergence ou la persistance du commerce du cabas avec un transfert indirect des devises algériennes vers l'étranger.