Durant la décennie noire, à peine 150 000 mariages/an sont contractés. Dès le rétablissement de la paix, la courbe des unions matrimoniales est vite repartie à la hausse, pour atteindre 350 000 en 2013. Pour la sixième année consécutive, plus d'un million de nouveau-nés ont été inscrits sur les registres de l'état civil, en 2019. Pour de nombreux spécialistes de la démographie et de la population, le phénomène puise une partie de sa genèse dans la précarité de la situation sécuritaire durant les années 1990. Durant la décennie noire, à peine 150 000 mariages ont été contractés annuellement. Dès le rétablissement de la paix, la courbe des unions matrimoniales a grimpé subitement, pour atteindre le pic des 350 000 mariages enregistrés en 2013. Amar Ouali, directeur de la population au département de la Santé, explique que les natifs des années 1970 ont mis en veille leur projet de mariage au paroxysme des exactions terroristes. Ils l'ont réactivé dans les années 2000 et 2010. Ils ont été rejoints, alors, par leurs concitoyens nés dans les années 1980 et 1990, encouragés aussi par la distribution des logements aidés sous différentes formules et la hausse des salaires dans la Fonction publique, notamment. En conséquence : l'âge moyen du mariage rajeunit subtilement (il est évalué à 31,4 ans en 2019). Fatma Oussedik, sociologue, parle de logique de rattrapage "post-conflits armés". Une logique qui a conduit, également, les femmes à ne pas espacer les grossesses, afin de pouvoir avoir le nombre d'enfants souhaité avant la ménopause. Un autre paramètre est dévoilé par Mme Lakhel, directrice des statistiques, de la population et de l'emploi à l'ONS : "On constate qu'il y a plus de femmes qui font des enfants et non pas plus d'enfants par couple." L'indice synthétique de fécondité se stabilise, en effet, à 3 enfants par couple. Cependant, plus de 11 millions de femmes, en âge d'enfanter (15-49), sont recensées en 2019. Cette population était estimée à 5,5 millions au milieu des années 1980. Pourtant, le pays comptabilisait, à l'époque, une moyenne de 800 000 naissances par an. Nassereddine Hamouda, économiste et statisticien, soutient que le phénomène est conjoncturel : "Il est clair que cet indicateur (indice conjoncturel de fécondité) est très sensible à la conjoncture, tant économique, sociale, politique que sécuritaire. Les fluctuations conjoncturelles de l'ICF ne doivent pas nous cacher un trend baissier de la fécondité sur le plus long terme qu'on peut entrevoir à travers la descendance finale de plusieurs générations successives de femmes." Les statistiques confirment sa thèse. Le nombre de naissances fléchit depuis le pic de 2016 (1 034 000 naissances en 2019, soit 4 000 de moins que 2018) et celui des mariages a amorcé la baisse en 2014. Au-delà, M. Hamouda insiste sur un point nodal. "Les naissances sont rapportées à l'ensemble des femmes en âge de procréer. Dans le contexte algérien, ce ne sont que les femmes non célibataires qui sont soumises au ‘risque' de procréation. Plus le taux de célibat est élevé et moins l'ICF sera élevé", a-t-il souligné. Il a évoqué aussi le niveau d'instruction plus élevé des femmes, leur incursion plus grande dans le monde du travail et la contraction du volume des citoyens âgés de 20 à 35 ans depuis 2015 (population dans laquelle se produisent 80% des mariages), qui seront fatalement un frein à la procréation.