La flambée actuelle des prix du poulet et des œufs trouve sa cause dans la hausse des cours du baril de pétrole durant l'année 2007 et le premier semestre 2008, qui se sont répercutés sur les prix des céréales et donc sur les produits d'alimentation animale, estime M. Mokrane Mezouane, président de l'Association nationale des aviculteurs, dans un entretien accordé à la Chaîne III de la Radio nationale dont il était l'invité de la rédaction. A plus de 4000 DA le quintal, l'alimentation animale a lourdement pesé sur les prix de revient du poulet, ce qui a entraîné des pertes financières considérables pour nombre d'aviculteurs qui ont été contraints, pour certains, de procéder à une réforme anticipée du cheptel de reproduction, parce qu'ils n'avaient pas les moyens de payer cette alimentation, explique M. Mezouane. Il cite ainsi des éleveurs qui l'ont appelé pour lui annoncer qu'ils cessaient leur activité et mettaient leur exploitation en location. Aujourd'hui, au lieu des 24 000 tonnes de poulets, soit 16 millions d'unités, qui sont mis sur le marché, chaque mois, pour répondre à la demande, il n'y a que 20 000 tonnes, soit 13 millions de poulets, idem pour les quantités d'œufs de consommation mis sur le marché, en diminution. Il en résulte, poursuit M. Mezouane, qui précise que ces chiffres sont des estimations, une infériorité de l'offre des produits par rapport à la demande du marché, d'où la flambée des prix. Maintenant que les prix des céréales ont amorcé une tendance à la baisse, les importateurs de céréales ne la répercutent pas, ils font la péréquation des prix et les produits d'alimentation animale tournent autour de 3000 DA le quintal, ajoute-t-il. En plus, fait remarquer M. Mezouane, il y a la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 17 %. Car si les pouvoirs publics ont décidé de supprimer la TVA sur les céréales (dont maïs et soja), cette disposition n'a pas été appliquée sur toute la chaîne, elle n'a bénéficié qu'aux fournisseurs de céréales, uniquement ; sur le terrain, les aviculteurs paient la TVA, affirme M. Mezouane. Résultat : les producteurs essaient de «fuir» la TVA et, au lieu d'aller vers les abattoirs modernes, aux normes européennes, dont le secteur s'est doté, ils préfèrent vendre leur production aux «tueries» clandestines qui fonctionnent dans des conditions très dangereuses. L'explication est simple : la vente aux abattoirs modernes se fait sur facture et celle-ci comprend la TVA dont le taux de 17% dépasse largement la marge bénéficiaire habituellement réalisée par l'éleveur. Les abattoirs clandestins, c'est-à-dire l'informel, représentent 70% du marché, fait observer M. Mezouane, alors que les abattoirs modernes ne tournent pas à leurs pleines capacités. Les services vétérinaires font tout pour orienter les producteurs vers les abattoirs modernes, mais, estime M. Mezouane, il faut un grand travail de sensibilisation. Pour autant, M. Mezouane reste optimiste, la situation du marché avicole se rétablira dans les trois prochains mois, il y aura une meilleure production de poussins et donc une meilleure production de poulets. Pour l'immédiat, M. Mezouane rassure également sur la qualité de la production, le cheptel aviaire disponible est sain, les contrôles des services vétérinaires sont réguliers. Sur la quantité, même assurance : les capacités de production dépassent largement les besoins de la population, il y a de grandes capacités vides. Pour M. Mezouane, si on parle de spéculation, il faut regarder du côté de la sphère de commercialisation, les aviculteurs ne sont pas des spéculateurs, ce n'est pas dans leur intérêt, conclut-il.