Malgré que le niveau de l'épidémie du coronavirus reste très élévé, la plupart des pays européens entament un début de déconfinement. Si la liberté de la personne humaine a un sens toujours renforcé, celle de la libre mouvance économique y est si développée qu'avec son sacerdoce imparable elle a l'impératif de sauter le mur de n'importe laquelle des pandémies. Curieuse et inextricable donnée que celle qui oppose dans une flagrante contradiction la nécessité de préserver des vies et en même temps se mettre nu et désarmé face à la mort pour donner une justification à la vie. Il est vrai que près de deux mois d'isolement ont de quoi convoquer la folie comme il est certain que la terre, à la faveur d'un intrus naturel malfaisant, est devenue une prison. Le désengorgement des pénitenciers et les libérations un peu partout des prisonniers sont à considérer comme le témoignage du masochisme qu'un virus impose à toute l'humanité. L'Algérie ne pourra pas se démarquer de ce jeu perfide et terrifiant. Elle sera bien obligée d'intégrer ce terrain très mouvant et il lui faudra bien qu'elle s'initie elle aussi aux exercices de déconfinement. Pour son grand désarroi, dans ce fou dérèglement des anciens ordres établis, vient se confiner le mois sacré du Ramadan. Comme si les épreuves pénibles du moment ne suffisaient pas à verrouiller les élémentaires articulations de la vie humaine. Les Algériens auront jusqu'à la moitié du mois prochain pour s'imposer la tempérance de leurs mouvements. Dans la mesure où les mosquées et les cafés, temples de repli privilégiés pour la majorité de la population, sont soumis aux barricades, il ne sera certainement pas nécessaire de prolonger l'embrigadement de l'oxygène pour respirer. L'heure de la rupture du jeûne est un repère judicieux pour permettre à chacun de prendre ses responsabilités. La très forte limitation actuelle de l'espace horaire pour permettre à tous de se livrer aux achats est contreproductive et ne sert, contrairement au but recherché, qu'à concentrer et à densifier devant les étals la population. En faisant du temps un ami, le déconfinement sera aisé et engagera pleine et entière la responsabilité de chacun.
