Après l'Algérie, le Maroc envisage à son tour une généralisation progressive de l'anglais à partir de l'année scolaire 2023-2024, qui marquera le début de ce processus s'étalant sur deux ans, pour être enseigné dans les trois niveaux de collège en 2025-2026. S'agit-il d'un copier-coller de la démarche mise en œuvre en Algérie, où la langue anglaise a été introduite dans le cycle primaire (3e année primaire), en septembre 2022 ? Certainement que ce projet est une imitation de ce qui a été réalisé par l'Algérie, mais les causes profondes qui ont poussé le Maroc à suivre cette voie peuvent différer totalement de la vision des autorités algériennes à propos de l'apprentissage des langues et la préférence d'une généralisation de l'anglais dans tout le parcours scolaire de l'élève, le préparant à l'université, où les enseignants du cycle supérieur ont entamé, en 2022, des programmes de formation intensive en anglais. C'est une langue dominante dans les études supérieures, et l'Algérie ne cherche, à travers l'introduction de l'anglais dans le cycle primaire, qu'à rallier une tendance mondiale. Est-ce le cas de le dire pour le Maroc ? La précipitation d'engagement du Maroc dans ce projet, notamment l'annonce faite en pleine année scolaire (en Algérie, le président Tebboune a fait cette annonce lors des vacances d'été, en juillet 2022, soit bien avant la rentrée scolaire 2022/2023), laisse croire qu'il existe d'autres raisons derrière ce brusque coup de gouvernail. Dans ce contexte, on ne peut pas occulter la période de tension que traversent les relations entre le Maroc et la France, et la décision de remplacer le français, langue étrangère principale dans l'Education nationale au Maroc, ne peut être vue autrement qu'une décision qui a un sous-entendu non pas linguistique, ou une quelconque volonté de se défaire de la langue du colonisateur, mais purement politique. Le Maroc cherche-t-il de la sorte à corriger la France pour ses positions privilégiant le renforcement de ses relations avec l'Algérie aux dépends du Maroc et, surtout, la non-reconnaissance par l'Elysée de la marocanité du Sahara occidentale ? Autre point de distinction entre les deux projets, l'Algérie, contrairement au Maroc, a engagé l'introduction de l'anglais au primaire dans des moments caractérisés par d'excellentes relations avec la France. Ce qui ne pouvait en aucun cas résonner comme une action vindicative. Cela révèle également que le Maroc est las d'attendre, voire complètement désespéré, de voir un geste de la part de la France qui provoquerait un dégel dans les relations bilatérales. Dans ce sillage, la visite au Maroc du président du parti de la droite française, Les Républicains, Eric Ciotti, du 2 au 5 mai, a-t-elle quelque chose à voir avec ce coup de gouvernail en matière d'apprentissage des langues au Maroc ? Les points négatifs de la brouille entre les deux pays ont été mis en évidence lors de cette visite, dont la francophilie, « qui pâtit des relations glaciales entre les deux pays », comme l'ont souligné plusieurs intervenants lors de cette visite, en prélude à l'annonce officielle du projet de remplacement du français par l'anglais. Encore l'occasion pour Les Républicains de demander des comptes au président Macron, ennemi commun de la droite française et du Maroc, au sujet du déclassement de la langue française au Maroc, après l'avoir déjà fait quand l'Algérie a introduit l'anglais au primaire.