En dépit des vives protestations des dirigeants d'entreprises publiques adressées aux chef du gouvernement et ministre de la Justice en charge de la refonte du code pénal, la nouvelle version promulguée en juin 2001 a renforcé encore davantage le dispositif législatif engageant leur responsabilité pénale en cas de fautes de gestion. L'introduction de nouvelles dispositions à caractère répressif, à l'instar des articles 119, 119 bis et 128, 128 bis, donnent un surcroît de pouvoir au juge pénal qui peut à son gré transformer une présomption d'innocence en présomption de culpabilité. Les gestionnaires innocentés après plusieurs mois d'incarcération préventive continuent à en apporter régulièrement la preuve. Les chefs d'entreprises publiques que nous avons interrogés considèrent les articles en question comme des dispositions scélérates introduites uniquement dans le but de les rendre vulnérables à l'autorité politique qui peut à tout moment instrumenter l'appareil judiciaire à leur encontre. Les formules comme mauvaise foi, négligence manifeste, en vue de se procurer des avantages de quelque nature que ce soit, introduites par les articles 19 et 128 pour servir de base à l'établissement de faits de corruption sont en effet de nature à ouvrir la voie à des interprétations susceptibles de conduire en prison des gestionnaires qui ont eu l'audace de prendre un risque de gestion qui a tourné au désavantage de l'entreprise. Ils ont également évoqué la lourdeur des peines qui vont de 2 à 10 ans de réclusion pour un préjudice inférieur à 1 million de dinars, 10 à 20 ans lorsque le préjudice est supérieur à 1 million mais inférieur à 5 millions de dinars et la prison à vie lorsque le préjudice est supérieur à 5 millions de dinars. Dans tous les cas, le coupable encourt une amende allant de 50 000 à 2 millions de dinars. La formule de mauvaise foi introduite par l'article 119 bis leur pose également problème dans la mesure où elle n'est pas facile à prouver et qu'elle peut de ce fait reléguer le présumé coupable de mauvaise foi dans une inconfortable situation de coupable présumé qui peut durer très longtemps. Ils ont enfin cité avec beaucoup d'appréhension l'article 128 portant sur des contrats et sa formulation imprécise en vue de se procurer des avantages de quelque nature que ce soit pouvant engager la responsabilité pénale du contractant dont on établit d'emblée l'intention de nuire dès lors que le contrat est jugé désavantageux pour l'entreprise. Sans aucune exception, tous les PDG de banque et d'EPE que nous avons interrogés demandent le même régime de responsabilité que celui qui prévaut dans les sociétés de droit privé conformément à la législation en vigueur (code de commerce, code civil) qui accordent les mêmes droits et devoirs aux gestionnaires des sociétés par actions qu'elles soient de capitaux publics ou privés. Les capitaux des banques et des EPE étant des capitaux privés de l'Etat, il n'y a, disent-ils, aucune raison pour ne pas appliquer à leurs dirigeants les dispositions du droit commercial privé qui dépénalise l'acte de gestion en ne tenant compte que la responsabilité civile de son auteur.